Liste des groupes Metal Alternatif Shaman's Harvest Rebelator

Il est des combos qui ont tellement l'ADN américain qu'ils peinent à se faire une notoriété sur le vieux continent. Prenons le dernier album en date de Shaman's Harvest sorti en 2017, "Red Hands Black Deeds", qui semblait s'éloigner du rock alternatif, et plus encore du metal, brassé par des influences embrassant tout le spectre de la musique américaine : blues, classic rock, rock sudiste, folk, ou jazzy : c'est comme le football américain, ça n'existe qu'outre atlantique.

La plupart d'entre vous n'ont sûrement jamais entendu parler de ce groupe de Jefferson City, dans le Missouri, et pourtant ils bourlinguent depuis 1996. Crée par Nathan Hunt (chant), Josh Hamler (guitare) et le bassiste Matt Fisher, le groupe a eu une existence discrète jusqu'à leur quatrième album "March of the Bastards", dont le single "Dragonfly" s'est retrouvé classé au Billboard Rock. C'est avec leur cinquième LP "Smoking Hearts and Broken Guns" et leur signature sur le label Mascot Records en 2014, que la carrière du groupe a suivi une vraie ascension aux Etats Unis. Petite particularité amusante, ils ont écrit plusieurs thèmes et morceaux promo pour des catcheurs (!), comme Drew McIntyre, The Corre, ou The Undertaker. Plus ricain, tu meurs…

Le bestiau Nathan Hunt et son indomptable tignasse bouclée a eu beau être gâté par la nature avec un bel organe vocal très à l'aise dans les graves, il a traversé d'importants problèmes de santé, avec une blessure persistante de la jambe menaçant une amputation, et un cancer de la gorge.
Dans un registre moins dramatique, ils ont dû se séparer de leur bassiste Matt Fisher et sont restés à quatre un bon moment, mais il semblerait qu'ils viennent tout juste de trouver un remplaçant en la personne de Cord Bishop (guitariste chanteur de Troy) qui devrait les accompagner sur la tournée à venir et plus si affinités.
La composition du nouvel album a commencé dès 2019, pendant de longs mois, et si tout était composé et prêt à mettre en boîte lorsque la pandémie est arrivé, le groupe a décidé de mener le projet à son terme sans se presser en enregistrant l'album par petits bouts. Cela fait qu'en prenant autant son temps, le combo se retrouve dans l'inextricable embouteillage de sorties d'albums qui engorge les webzines et égorge les portefeuilles, avec une sortie le 11 mars 2022, toujours sur Mascot Records.

Le titre de l'album, "Rebelator" est un peu ironique vis à vis des postures de rébellion des gens, qui sont se sont développées ces dernières années, jusqu'à devenir la norme, d'après Nathan Hunt. L'artwork est cependant on ne peut plus classique et calibré, à savoir un contre-jour des mecs sur fond de ciel rougi.

Décrire la musique de Shaman's Harvest n'est pas chose facile. D'une certaine manière on peut leur trouver des airs de fils spirituels de Pearl Jam et Nickelback, dans le sens qu'on a affaire à un groupe fortement électrifié avec à sa tête un chanteur au charisme vocal certain. Sa tessiture ferait penser à Maynard Keenan cloné à... Tracy Chapman au masculin, allant plus chercher dans les graves en fond de gosier, avec une technique très posée et chiadée, qui n'a pas grand chose à envier à un Eddie Vedder. Toutes les chansons sont construites autour de la voix, ce qui donne une base pop/rock. Les guitares sont cependant copieusement saturées, bien plus que sur l'album précédent, avec des riffs flirtant parfois avec le néo metal. On trouve aussi des influences Blues, avec des sons crunch très chaleureux, et des soli savoureux ("Voices"), et des slides gouleyants ("Lilith").
Le combo a le sens du refrain qui fait mouche ("Flatline", "Wishing Well"), des mélodies finement ajourées (le presque folk et intimiste "Mama"), entrecoupés de gros riffs rentre-dedans et sous accordés. Ceci explique cela, Clint Lowery (Sevendust) se trouve en guest sur "Pretty People", et je trouve que l'influence des caïds du neo est très présente sur les parties métalliques. Il y a aussi des choses plus surprenantes, tel ce break de serpent à la Tool au milieu du bluesy "Hurricane".
Et là vous allez me dire, mais il est où le shaman ???? Car Shaman's Harvest fait souvent un morceau assez trippant et vaudou dans ses albums : il faut attendre le dernier titre "Bird Dog" qui irait bien en BO d'un western déjanté blockbuster du 21eme siècle.
En outre, on pourrait trouver que la bande à Nathan Hunt essaie de caresser les radios dans le sens du poil, avec des morceaux aussi mélodiques et catchy que "Voices" avec un refrain en hymne à chanter en cœur, avec un petit clin d'œil rythmique au "Radio Ga-Ga" de Queen, un pop/rock aussi superbement foutu que "Wildfire", ou les "ouh ouh ouh" sucrés en fond de refrain sur "Lilith" .
Techniquement, outre le chant de Nathan, ce sont les guitares qui impressionnent : impériales dans un large éventail de styles, en puissance comme en nuance, c'est un régal pour les amateurs de six-cordes, avec en sus des soli très soignés et inspirés du lead guitar Derrick Shipp.

Finalement, le combo alterne trois visages distincts : neo/grunge plombé, pop/metal addictif, et sur la fin de l'opus, il revient à ses amours plus roots en groupe américain bluesy.
Rien à dire, c'est du bel ouvrage, tel qu'on en faisait dans les années 90, et le début des années 2000, bien mis en valeur par une production au goût du jour, suffisamment calibrée pour, sait-on jamais, taper les charts US, et assez burnée pour satisfaire les amateurs de métal alternatif, de néo ou de gros grunge qui tâche. Un groupe qui gagne à être connu, surtout quand on aime la musique américaine…