Avec "
Rapture",
Anette Olzon livre son album le plus sombre, le plus habité, et sans doute le plus abouti à ce jour. Ce n’est plus seulement une évolution par rapport à "
Strong" : c’est une mue. Le ton est grave, les textures plus denses, les compositions plus ambitieuses, et pourtant l’ensemble reste accessible, presque limpide dans son propos. On n’est plus dans le registre de l’affirmation personnelle — ici, c’est l’humanité entière qui vacille, et Anette en devient la narratrice lucide.
Dès “
Heed the Call”, l’atmosphère est posée : le monde brûle, mais l’appel à se lever résonne. La voix d’Anette, ferme et claire, tranche au milieu des chœurs sombres et d’un riff lourd. On pourrait presque croire à un opéra metal à la fois biblique et post-apocalyptique. Le texte n’accuse pas : il exhorte. Et c’est l’un des fils conducteurs de l’album — la dénonciation sans haine, la gravité sans pathos.
“Day of Wrath” enfonce le clou. Ce
Dies Irae contemporain, porté par une rythmique martiale, mêle des growls ponctuels à une interprétation théâtrale mais jamais outrancière. La production, ample et acérée, évoque les dernières œuvres de groupes comme
Kamelot ou
Dark Sarah, mais sans perdre l’identité vocale et mélodique propre à Olzon. On est ici dans une veine symphonique teintée de metal extrême, sans en adopter les codes de manière caricaturale.
Le morceau-titre, “
Rapture”, est sans doute le sommet de l’album. Il joue sur l’ambiguïté du mot : enlèvement céleste, ou chute ultime. La voix s’élève, fragile et puissante à la fois, dans un crescendo parfaitement construit. Le refrain, grandiose sans être pompeux, agit comme un vortex émotionnel : tout semble s’effondrer pour mieux s’élever. La chanson incarne à elle seule cette tension spirituelle qui irrigue l’ensemble du disque.
Mais l’album n’oublie pas les respirations. “
Arise”, plus lumineuse, vient redonner espoir après les ténèbres. On y entend une volonté de reconstruction, de dépassement. La voix d’Anette y retrouve un timbre plus clair, presque apaisé. Et cette alternance entre tension et relâchement donne au disque une dynamique fluide, presque cinématographique.
On pourrait reprocher à "
Rapture" un certain académisme dans sa structure : les morceaux suivent souvent une forme classique (couplet – pré-refrain – refrain – pont), et l’album n’ose pas toujours la dissonance ou l’épure. Mais ce serait ignorer l’intention principale : offrir une œuvre lisible, traversée de contrastes, mais cohérente.
Anette Olzon ne cherche pas à choquer : elle cherche à éveiller. Et parfois, pour réveiller les consciences, il faut parler clairement, même dans le tumulte.
En conclusion : "
Rapture" n’est pas un simple disque de metal mélodique avec une belle voix féminine : c’est une méditation sur la fin d’un monde, un exorcisme doux-amer, une prière chantée face au fracas.
Plus dense que "
Strong", plus abouti que "
Shine", il incarne un point d’équilibre rare entre accessibilité musicale et densité thématique.
Un album qui touche autant par sa sincérité que par sa maîtrise, et qui prouve, s’il le fallait encore, qu’
Anette Olzon a trouvé — et pleinement assumé — sa voie.
J'ignore absolument tout de cette Artiste, si ce n'est qu'elle fut temporairement la voix d'un certain Nightwich.
En tout cas, à la lecture de votre très belle chronique, je ne peux que faire un parallèle alarmiste avec ce qu'avait publié SCORPIONS en 2007 sur "Humanity Hour 1" ou le tout aussi éloquant et réussi "We Are One" de U.D.O en 2017.
Tout ça pour dire que nous sommes décidement nombreux a être légitimement inquiets sur notre devenir terrestre. Nos pollitiques, eux, continueront de regarder ailleurs tant que cela ne les impactera pas directement. Cruel constat il est vrai.
Effectivement LonelyRobot, le monde sent qu'on est à un tournant. Il n'y a jamais eu autant de division, de contrôle et d'incertitude pour la suite, dans toute la planète au complet et en même temps. Et les gens le ressentent. Et ce qu'Anette partage sur cet album, c'est cet enlèvement, ce rapture (Harpazzo en grec) avant les 7 ans de tribulations (l'Apocalypse dans le langage courant), cette espérance pour ceux qui ont placé leur foi en Jésus pour avoir pris leur place et pardonné qui ils sont et qui a promis de les protéger. Cet enlèvement avant le gros bordel mondial (dictature d'un ordre blogabliste, l'intrusion de la technologie dans nos vies et dans notre ADN, les cataclysmes, les soi-disant petits bonhommes gris qui reviennent, l'âge d'or qui promet de revenir, le crash de notre civilisation mondiale, la grande déception, et c'est cette espérance de cette promesse d'être enlevé avant ce déluge qu'Anette a voulu partager dans cet album.
Merci pour la chronique, j'avais hâte de lire un ressenti de l'album!
Merci pour ce retour et ces nouveaux éléments qui me conforte dans l'idée d'aller écouter avec attention une oeuvre comme celle-ci. Loin de toute flagornerie, et après relecture de votre chronique, je ne peux que reformuler tout le plaisir que j'ai eu a vous lire. N'ayant pas, je peux bien l'avouer, ni votre plume, ni votre verbe. Encore merci et bravo !
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