Liste des groupes Black Mélodique Lord Belial Rapture

Quiconque s’est intéressé de près à la scène black des années 90 a forcément entendu parler de Lord Belial et a théoriquement jeté une oreille sur la musique du groupe, dont le Enter the Moonlight Gate de 1997 est considéré par beaucoup comme un des classiques intouchables de cette époque. Si les Suédois sont un peu restés dans l’ombre de certains compatriotes ou cousins norvégiens plus reconnus, il n’empêche que leur discographie, conséquente, reste de qualité, et que la fratrie n’a à rougir ni de sa production musicale, ni de sa dévotion indéfectible pour l’art noir.
Après un long hiatus de près d’une quinzaine d’années, voilà que les deux frangins Micke et Thomas Bakelin reprennent du service, épaulés par Niclas Pepa Andersson, camarade de jeu de Micke dans Vassago ; les Suédois nous reviennent donc sur Hammerheart Records pour leur neuvième album, 14 ans après The Black Curse, dernier album en date de la formation, et il semblerait que le temps n’a pas d’emprise sur les vétérans de Trollhättan, bien au contraire.

Si vous ne connaissez pas le groupe, vous feriez bien de vous méfier des étiquettes, car si on classe généralement Lord Belial en black mélodique, ce Rapture, au titre et à la pochette plus qu’évocateurs, ramone méchamment les conduits auditifs, se faisant souvent rapide, terriblement efficace et violent. C’est un fait, le trio a sacrément durci le ton depuis The Black Curse, et il n’y a qu’à s’enfiler l’opener, Legion, pour comprendre de quoi je parle : d’emblée, une pluie de blasts rapides, lourds et serrés nous éreinte, étouffant presque un riffing dissonant et diabolique typique du genre. On a le droit aussi à ce solo hurlant où la guitare crache un magma de notes incandescentes et stridentes virevoltant sur les frappes massives de Micke qui, décidément, nous assommeront impitoyablement jusqu’à la fin du morceau.
Pas le temps de souffler que le roulement rapide de la batterie reprend directement sur On a Throne of Souls, qui se fend de ces superbes harmoniques infernales, véritable marque de fabrique du groupe (dès 1,22 minutes, oui, c’est ça qu’on aime dans le Black Metal !). Ce morceau est plus varié que le précédent, prenant le temps de ralentir le tempo et de proposer des moments plus calmes, alliant idéalement brutalité et mélodies, et proposant un parfait condensé du Lord Belial 2022.

Cette formule gonflée aux hormones tient plus que la route (en même temps, depuis maintenant trente ans que les frères Backelin jouent ensemble, on n’a plus vraiment de doutes sur le talent de composition des bonhommes...), n’oubliant pas de se fendre de titres plus lents et mélodiques afin d’accoucher d’un album aéré (Belie All Gods avec son ouverture lente et presque symphonique magnifiée par des chœurs solennels et une fin de morceau tout en sensibilité, Lux Luciferi, Alpha and Omega, ou encore le majestueux morceau de clôture, Lamentations, presque entièrement instrumental, on l’on retrouve ces chœurs graves et touchants). On constatera dans l’ensemble que les touches death se font plus présentes que par le passé, avec des changements de tempo dynamiques, quelques breaks et passages plus lourds (certains passages de A Throne of Souls, le break central de Destruction, le début d’Evil Incarnate...), contrairement au clavier qui, lui, se fait bien plus discret. Cela contribue à rapprocher Lord Belial de cette grande famille de black death suédois dont beaucoup ont fait un retour remarquable et remarqué ces dernières années (les frères d’armes d’Unanimated, Necrophobic ou Sacrementum, dont on attend encore le nouvel album de pied ferme). Evidemment, comme il se doit pour le style, le riffing, très majoritairement Black Metal dans son essence, est vraiment très bon, habité par cette âme noire et distillant sa beauté malsaine tout le long de ces 49 minutes, renforcé par les vocaux éraillés toujours très expressifs de Thomas.

A l’instar de Naglfar ou Mörk Gryning, Lord Belial signe donc un retour fracassant, signant probablement l’un de ses albums les plus brutaux à ce jour. Si Rapture n’est pas parfait (un son trop propre et gonflé pour ma part, avec un jeu de batterie synthétique un peu linéaire et trop mis en avant, dont les parties de blasts bouffent parfois un peu l’espace sonore des guitares, un agencement des morceaux pas toujours très judicieux, avec un début d'album très rentre-dedans et une deuxième partie bien plus lente et mélodique, des morceaux plus quelconques et génériques comme Evil Incarnate), il parvient tout de même à ressusciter l’âme des 90’s à travers un black à la fois destructeur et mélodique parfaitement exécuté et inspiré, ce qui après trente ans d’activité, force tout de même sacrément le respect... Quand on vous dit que les démons sont immortels…

Withdraw from the light itself
I shall leave no soul untouched
Everything as humans know will be dead and gone
Waters of power drained from the vessels of life