Terre prolifique de l'espace artistique sud-américain, inaltérable pourvoyeuse en talents de la scène metal symphonique à chant féminin depuis plus de deux décennies déjà, l'Argentine continue de nous en abreuver. Le regard se porte aujourd'hui sur Slania, expérimenté quintet originaire de
Buenos Aires, sorti de terre en 2010, véritablement actif dès 2011, enchaînant alors les concerts sur la scène locale. Ce faisant, le groupe s'est cherché plusieurs années durant une identité artistique stable, faisant alors évoluer le son comme le style de son message musical, l'orientant dès lors vers un metal mélodico-symphonique aux relents dark gothique et progressif, dans la lignée d'
Epica,
Stream Of Passion,
Diabulus In Musica,
Sirenia,
Xandria et
Draconian. Aussi, à l'instar de ses compatriotes d'
Abrasantia, Elessär,
Boudika,
Daemon Lost, le combo caresse le légitime espoir d'accéder à la reconnaissance internationale. Quelles seraient alors ses armes lui permettant d'opposer dores et déjà une farouche résistance aux
Elvellon,
Beyond The Black,
Metalwings,
Sleeping Romance,
Once et autres
Walk In Darkness ?
Prudent dans sa démarche, aux fins d'un travail minutieux en studio, et suite à quelques changements de line up, le collectif argentin n'accouche de son introductif effort qu'en 2016. Et ce, à l'aune de «
Proof of Existence » ; album full length où se succèdent 11 pistes sur une bande auditive d'une durée quasi optimale de 50 minutes, sorti chez le discret label argentin Wagner Records. Enregistré, mixé et mastérisé par Sebastián Manta, connu pour avoir oeuvré pour
Ariadna Project,
Avernal,
Barilari,
Blind Guardian,
Dream Master,
Helker,
Skiltron, parmi tant d'autres, l'opus bénéficie de finitions passées au peigne fin tout en ne concédant que peu de sonorités résiduelles. Une enveloppante mise en musique asseyant sereinement l'enjoué, truculent et romantique set de partitions concocté par l'inspirée formation, celle-ci comptant actuellement dans ses rangs : la soprano Florencia Sategna (dont le cristallin filet de voix serait à la confluence entre
Anneke Van Giersbergen, Marcela Bovio (ex-
Stream Of Passion) et Claudia Uhle (
Angelzoom)), le guitariste Gonzalo Kobalenko, le bassiste/vocaliste Walter González, le batteur Ariel Ruocco et le claviériste Sebastián Guerrero. Mais entrons sans plus attendre dans le vaisseau amiral...
La troupe interpelle tout d'abord par sa faculté à délivrer ces séries d'accords qui longtemps vous resteront lovées au creux du pavillon, notamment au regard de ses passages les plus enfiévrés. Aussi, passée la brève et dispensable entame instrumentale symphonico-cinématique « Between Birth and Death », c'est à un déferlement de riffs acérés et d'inaliénables et galvanisants coups de boutoir que nous convient nos compères. Et ce, à l'image de « Losing Everything », vibrant et orientalisant up tempo à la confluence entre
Epica et
Stream Of Passion. Dans ce champ de turbulences, en dépit de quelques irrégularités, les graciles modulations de la sirène bien souvent atteindront leur cible. Dans cette dynamique s'inscrit également leur premier et fringant single «
All Over Again », sorti quelques jours avant le présent essai. Jouissant chacun d'un refrain immersif à souhait relayant de pénétrants couplets, ces deux pimpants méfaits joueraient dans la catégorie des hits en puissance aptes à générer une certaine addiction. Le tympan ne sera pas moins aspiré par les vibes enchanteresses exhalant de « Bleeding Diamonds », tubesque et ''sirénienne'' ogive aux riffs crochetés et jouissant de séries d'accords aussi envoûtantes que finement élaborées.
Parfois, l'atmosphère se fait plus oppressante et la lumière obscure, et si nos gladiateurs se plaisent alors à nous bousculer, ils ne chercheront nullement à nous désarçonner. Ainsi, c'est dans un climat gorgonesque que nous plonge « Little Black Riding Hood », frondeur et glaçant propos dark gothique estampé
Draconian. Dans cet anxiogène marécage aux riffs acides et à la rythmique venimeuse se meut un duo mixte en voix de contrastes en parfaite osmose, les claires impulsions de la belle n'ayant de cesse de donner le change aux growls caverneux d'une bête en furie. Un regard alternatif propice à un headbang subreptice et qui sied bien à nos acolytes.
Quand il imprime une cadence plus mesurée à son propos, le combo n'aura pas davantage tari d'arguments pour nous faire plier l'échine. Ainsi, dans l'ombre de
Sirenia (dernière mouture) et
Xandria (première période), l'engageant et subtil mid tempo syncopé «
Dark Horizon » nous immerge au sein d'un infiltrant cheminement d'harmoniques doublé d'une chatoyante touche latina. Dans cette dynamique, on ne saurait éluder « Self
Sabotage », troublant mid tempo dans la veine de
Diabulus In Musica, doté d'une mélodicité toute de nuances vêtue, mis en exergue par les angéliques patines de la déesse, et décochant un flamboyant solo de guitare. Quant à l'énigmatique mid tempo « Willing to Find the
Aim », bien qu'accusant une tenace répétibilité de ses séries d'accords et délivrant une rampe synthétique un brin surannée, le délicat effort trouvera sans nul doute grâce aux yeux du chaland déjà sensibilisé aux travaux de
Sirenia, première période.
Lorsque s'apaisent les tensions et que les éclairages feutrent l'ambiance, l'émotion sera assurément au rendez-vous des attentes de l'aficionado du genre, le groupe nous offrant par là-même ses mots bleus les plus sensibles. Ce qu'illustre, d'une part, «
Silence », gracieuse et frissonnante ballade aux airs d'un slow qui emballe, que n'auraient reniée ni
Diabulus In Musica ni
Sirenia. Dans ce bain orchestral aux doux remous se prélassent les inflexions cette fois haut perchées de la maîtresse de cérémonie. Voguant sur une mer synthétique d'huile, calée sur une enivrante ligne mélodique et ouvrant peu à peu ses ailes, l'instant privilégié ne ratera pas son effet. D'autre part, c'est au cœur d'une mer limpide et délicieusement tempérée que nous mène «
Wake up the World », romantique et hypnotique ballade dans la veine de
Stream Of Passion. Sous-tendu par de seyants arpèges au piano et mis en habits de soie par les caressantes et limpides volutes de la frontwoman, ce savoureux moment de profonde zénitude est une véritable invitation au voyage en d'oniriques contrées.
Est-ce à dire que nos acolytes seraient en passe de viser le sans-faute ?
Pas tout à fait. Aussi, en proie à d'inaliénables linéarités, la sente mélodique inhérente au mystérieux et ''tristanien'' mid tempo syncopé «
Forbidden » ne saurait nous pousser à une inconditionnelle adhésion. Et ce ne sont ni ses riffs résolument poussifs ni son intrigant schéma d'harmoniques semblant évoluer en pilotage automatique qui démentiront l'étrange sentiment d'effeuiller le bémol de l'opus.
Au final, l'inspiré combo argentin nous immerge volontiers au sein d'un radieux paysage de notes, témoignant par là-même d'un savant équilibre des forces en présence, jouant alors habilement des effets de contraste atmosphérique, rythmique et vocal, et bien souvent, la sauce prend. Ce faisant, il délivre un message musical à la fois frondeur, chatoyant, enivrant et éminemment émouvant, dans la lignée de ses compatriotes sus-cités. On regrettera toutefois le peu de prise de risque consenti ainsi que l'une ou l'autre zone de remplissage concédée par le combo. Doté d'une ingénierie du son plutôt soignée, variant ses exercices de style à l'envi, laissant entrevoir un réel potentiel technique doublé d'une indéfectible inspiration mélodique de ses auteurs, l'opus pourra néanmoins trouver un écho favorable auprès de l'aficionado du genre. C'est dire qu'à la lumière de cette première fournée, la formation sud-américaine a les qualités requises pour constituer un sérieux espoir du metal symphonique à chant féminin, dont ses pairs pourraient bien avoir à se méfier...
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