Bien peinard dans mes charentaises lorsqu’il est question de chroniquer du hard rock ou du heavy de facture « classique », je me suis décidé aujourd’hui pour un album de crossover, un style pour lequel j’évolue en 5ème division. Et encore, la relégation n’est pas loin. Tout simplement parce que cet album fait parti de ma vie depuis 25 ans au même titre, par exemple, que le premier
Nuclear Assault.
Vous vous en foutez tous pas mal - si si, je le sais - mais je vais vous raconter une anecdote. Nous sommes à la fin de l’été 1989, et plutôt que de tuer le temps assis sur un banc à compter les pigeons, j’ai décidé de réaliser un court métrage. La faute à l’humour potache de la bande des Nuls qui m’a considérablement marqué, j’opte pour une espèce de parodie de film d’horreur. Lors d’une séquence, le « héros », un serial killer nommé « super péteur » - vous imaginez le niveau du truc …-, court après d’innocentes victimes. En fait, ils tournent tous en rond pendant une bonne vingtaine de secondes. En fond sonore, un morceau de
Ludichrist. Les habitants d’une autre planète, hello Marko, seront bien surpris si, dans 2000 ans, ils tombent par hasard sur ce film. Passons et parlons plutôt de ce superbe «
Powertrip » (1988), après tout, nous sommes là pour ça.
A la fin des 80’s, de nombreux thrashers US ont secoué leurs crinières dans le monde entier. Certains ont ramassé le pactole, pour faire bref ceux du Big Four, d’autres uniquement un succès critique - ça fait du bien à l’ego mais ça ne remplit pas le ventre -.
Ludichrist évolue bien évidemment dans cette seconde catégorie.
Formé autour de 1984 à
New York, le groupe tape à ses débuts en plein dans le trip hardcore. Néanmoins, dès l’album, «
Immaculate Deception » (1987), les sonorités (thrash) métal se font plus prononcées. Ayant fait leur petit effet avec le titre "Most people are dicks" sur l’album précédent - dis donc cher ami Corey, “people = shit” ça sent un peu la pompe ! -, le bouche à oreille fonctionne et la réputation du combo grandit.
S’ensuivent les classiques changements de line-up, notamment le départ d’Al Batross, à ne pas confondre avec le plus célèbre Al Bator, batteur et fondateur du groupe, qui déploie ses ailes et fonce vers d’autres cieux. Ce dernier est remplacé par Dave Miranda pour la tournée qui suit. Ainsi, lorsque parait «
Powertrip » (1988), le chanteur Tommy Christ, aux faux airs de Biff Byford, et le guitariste Glen Cummings sont les seuls rescapés de l’album précédent. Paul Nieder est choisi pour faire la paire avec Cummings tandis que Mike Walters tiendra dorénavant la basse.
Sorti chez Relativity Records, ce disque offre un mix redoutable combinant hardcore ("Zad" m’évoque un certain "Stranded in hell", notamment pour le timbre de voix et les lignes de chant, "Damage done" et son intro pourtant typé heavy métal), punk ("The tip of my mind", avec une batterie déchainée et un break hallucinant vers la minute, une espèce de "Trip at the brain" puissance 10) et thrash métal ("
Powertrip" et son travail sur les guitares proche d’un
Suicidal Tendencies, "Yesterday for you"). Voilà ce que l’on appelle sans nul doute un album de crossover non ?
Unites States of America oblige, tout est en version XXL avec ce groupe : riffs, soli et breaks jusqu’à plus soif. Une énergie énorme et contagieuse bien mise en valeur par une production soignée, signée Tom Morris. Le niveau technique est élevé, les tempi enlevés, le groove omniprésent et l’humour décapant ("Zad", ou comment défendre le rock'n'roll en s’aventurant dans les contrées de la science fiction, "Stuff to fill graves"). L’humour mais aussi le fun. Ecoutez donc "T.B.O.S. (Barbiere Di Saviglia)" ou la 5eme symphonie revisitée dans une version toute personnelle ! Beethoven se remettra-t-il un jour d’un tel hommage ? Hein quoi, c'est pas beethoven? Voilà en tous les cas le fameux titre choisi pour illustrer la scène de la poursuite évoquée en début de chronique.
Fun toujours avec "This party sucks" et son chant rappé - ça prend deux P ? -, ses lignes de basse slappées - ça prend deux P ? -, tout à fait dans l’esprit du "I’m the man" d’
Anthrax. Plagiat ? Que nenni, puisque dés 1986, ils ont déjà proposé un extrait de Rock box des fêlés de RUN DMC sur leur morceau "Green eggs and jam".
Comme sur ce "This party sucks", avec ce break à la gratte acoustique suivi par un solo hyper mélodique, le travail des guitaristes est la plupart du temps d’une grande créativité ("Damage done", "The well dressed man disguise").
Avis aux amateurs, il semblerait que la version cd rééditée il y a quelques années ne comporte pas les deux derniers titres du cd original : ”Iwo Jima”, chanson « à boire » sympa qui tient du grand-n’importe-quoi et “One for the road”, titre hardcore de moins de deux minutes sur lequel tout est dit. Sauvage!
A la sortie de l’album, la troupe embarquera pour une tournée visitant l’Amérique et le continent européen aux côtés, entre autres, de
Bad Brains,
Suicidal Tendencies, ou
Agnostic Front. Hélas, quelques mois plus tard, le groupe splitte. Christ, Neider et Cummings forment
Scatterbrain qui accentuera encore davantage le côté fusion et groovy au détriment de l’aspect le plus brutal que j’apprécie tant chez
Ludichrist. « Scamboogery » (1991) fera tout de même sont petit effet, avec une pochette signée par l’artiste Robert Williams, tout comme celle de «
Powertrip ».
Ecrire que
Ludichrist a ouvert la voie à la fusion du début des années 90, qui consacra des groupes tels que
Rage Against The Machine, les
Red Hot ou encore
Faith No more, serait fortement exagéré. Pour autant, c’est toujours important de rappeler que certains étaient déjà dans la place.
A défaut d’espérer encore être contacté un jour par Spielberg pour monter un remake de mon œuvre majeure du 7ème art , je peux rêver que certains d’entre vous auront la curiosité de jeter une oreille à ce skeud. Un album qui gagne à être connu. Un peu comme l’album de
Zoetrope, « A
Life Of Crime », que j’adore. Mais chutttt, nous en parlerons en temps utiles.
«
Powertrip » ? Mon cou ne lui dit pas merci...
En effet à l'instar de Crumbsuckers avec "Beast On My Back" et Suicidal Tendencies avec "How Will I Laugh Tomorrow" (sortis également en 1988) ainsi que Leeway avec "Born To Expire" (1989), sur "Powertrip" Ludichrist troque son Hardcore Metallisé pour un Metal imprégné de Hardcore.
A noter que Powertrip est le nom qu'a choisi l'excellent groupe texan (orthographié Power Trip) qui a sorti deux très bons albums de Thrash Metal badigeonné au Hardcore.
Un hasard ?
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