Liste des groupes Thrash Metal Algebra Polymorph

Le thrash est bien un des rares genres de metal a garder la forme de ses débuts malgré la crise du disque, malgré l'apocalypse, malgré le -core, malgré les populistes, malgré la guerre en Afghanistan, bref, malgré tout. Et la Suisse ne fait pas exception, enchaînant les figures prometteuses comme Bloodlost et son récent 'Trashell', les Burden Remains de Singine, ou encore Algebra. Et c'est d'eux qu'on va causer ici, plus particulièrement de leur dernier album 'Polymorph'.

En 2010, ils avaient été lancés par un EP encourageant, dénommé 'Procreation'. Un EP audacieux et nerveux. Et ces deux qualités n'ont pas quitté les Lausannois, qui récidivent ici en augmentant le tempo d'un cran, tout en profitant d'un bien meilleur son. Cette meilleure production leur profite particulièrement dans la mesure où les gaillards ne sont pas du genre à se contenter d'un 'poum tchak poum tchak' et de paroles metallicaines, en comptant davantage sur le public régional que sur leur talent pour les porter à la consécration internationale. Non ici, ils marquent dès le début avec un tempo ambitieux, voire impressionnant sur des titres comme 'Tim's Cavalry' ou 'Deviant', qui feront couler des larmes à bien des gratteux et des batteurs. On souligne ici le premier des trois atouts majeurs d'Algebra : ils ne lésinent pas sur la technicité. Une technicité qu'on remarquera autant dans la vitesse de certains solos, de certains breaks de batterie où la double-pédale s'emballe, que sur l'aisance dont font preuve les musiciens dans des rythmiques plus incertaines comme sur 'Away from us all' (qui offre à l'auditeur un solo de guitare mémorable par-dessus le marché).

On s'étonnera de ne pas être mis en situation d'inconfort par ces audaces rythmiques ou harmoniques (cf les descentes chromatiques portées par les deux grattes de 'Pig Corporation'), et on retombe sur le deuxième atout d'Algebra : un haut niveau d'inspiration. Et si l'efficacité de leur thrash apparaît au premier venu, c'est plutôt dans sa fluidité qu'il se distingue. Jonglant allégrèment entre breaks, ptits passages épurés de riffs accrocheurs et solos heavy, leurs morceaux coulent de source, avec une logique nouvelle, mais qui paraît immédiatement évidente à l'auditeur. On en prendra à témoin l'introduction du solo de 'Pig Corporation' (autour de 2.00), où comment la hargne de la voix sur 'Insane Times' épouse la partie rythmique endiablée, où enfin comment les grattes acoustiques sont amenées sur (K)yfosolyf, puis suivies d'un des plus beaux solos de l'année 2012 (si vous doutez de mon honnêteté posez une oreille sur le titre en question). Les exemples foisonnent pour arriver à la conclusion suivante : l'album passe d'une traite comme une douche après un pogo de Kreator.

Quant aux bémols, ils sont à relativiser. Car si on peut reprocher à la production de ne pas donner assez de relief à la batterie, en la râpant ainsi elle lui donne une identité, un charme pourrait-on dire, de la même manière que Legion of the Damned a un son unique grâce, justement, au rendu de la batterie. Enfin, le style de la voix, et la richesse des motifs, tirent peut-être davantage sur le death que sur le thrash, mais je ne ferais pas partie de ceux qui s'en plaindront, surtout lorsque les fortes influences heavy ressenties sur les guitares viennent contrebalancer avec sagesse cette brutalité.

Finalement, reprochez-moi de la partialité si vous le voulez, mais au moins faites-le en connaissance de cause, et écoutez-moi vite cet album. C'est peut-être naïvement dit, mais difficile de trouver mieux que de conclure en disant : c'est vraiment du bon thrash.