Si on évoque immédiatement
Burzum,
Mayhem et
Darkthrone quand on fait référence à la mythique scène norvégienne des 90’s, et si les noms d’
Emperor,
Immortal,
Satyricon et
Gorgoroth reviennent également sur les lèvres des amateurs quand on s’amuse à détailler les piliers fondateurs du genre qui ont eu une influence considérable dans le monde entier et ont parfois même contribué à donner naissance à des sous genres respectifs, il y a un trio qui est bien trop souvent et injustement oublié au profit de ses petits camarades grimés. Je veux évidemment parler de
Mysticum, trio fondé en 1993 sous le nom de Sabazios, qui viendra d’ailleurs à l’époque comme tant d’autres faire un petit tour sur
Deathlike Silence Productions, et à qui l’on impute la paternité du black indus, mélange glacial de riffs froids et hypnotiques et de percussions robotiques superbement cristallisé sur le Streams of
Inferno de 1996, seul full length du combo jusqu’alors. Le groupe, bien que discret et moins reconnu que nombre de ses compatriotes norvégiens, a tout de même eu un impact non négligeable sur la scène black, et il n’est pas sûr que des combos comme
Aborym ou
Ad Hominem aient vu le jour sans la vision musicale de ces précurseurs.
2014 sera donc une grande année pour les amateurs de black froid, spatial et psychotique car il voit le grand retour, maintes fois annoncé et maintes fois repoussé, du trio d’Asker.
Planet Satan, c’est donc le nom du nouveau et seulement deuxième full length de
Mysticum, a la lourde tâche de succéder près de 20 ans plus tard à un Streams of
Inferno quasiment culte, et semble indiquer par les tons bleutés et gris et bleus de sa pochette que l’orientation musicale du trio n’a pas changé : bienvenue dans le chaos mouvant d’un univers glacial et désespérément hostile.
D’emblée cette clochette à la tonalité angoissante et ce mugissement de vortex grondant nous perdent dans une ambiance spatiale et inquiétante, mais ce tâtonnement mystérieux est de courte durée car les guitares jaillissent aussitôt, crachant un magma de riffs acérés à la puissance dévastatrice sur un rythme implacable et mécanique. La déflagration est redoutable et nous entraîne dans son flot saturé et distordu, noyant notre être disloqué dans une vacuité noire et hostile. Les éructations de Cerastes sont bien plus graves que par le passé, sonnant moins déchirantes mais plus impérieuses, donnant un aspect encore plus martial à cette musique totalement déshumanisée. Le bougre ne chante pas, il aboie, despotique et cruel, sa voix marquant au fer rouge notre cortex vidé de substance. Pendant 47 minutes, ces percussions synthétiques, parfois à la limite du beat techno (The
Ether, qu’on croirait droit sortie d’une rave party malsaine pour blackeux héroïnomanes avec ses grosses basses hardtech abrutissantes en fin de titre) se répercuteront douloureusement dans notre boîte crânienne vide, imprimant un rythme aux allures de transe chimique qui contribuera à nous courber l’échine et à broyer notre pitoyable carcasse humaine, nous réduisant définitivement en esclavage. Les riffs, simples et efficaces à l’extrême, roulent en des boucles hypnotiques et bourdonnantes qui viennent composer un mur de son tétanisant et ne nous laisseront de répit que sur le Dissolve Into
Impiety de clôture, long titre ambiant et hanté à la
Trist qui achèvera de nous geler l’âme. Ajoutez à cette orgie bruitiste quelques petits effets électroniques et touches de clavier glaciaux habilement dosés, histoire de distiller cette ambiance de fin du monde, de néant et de désespoir, et vous aurez une petite idée de la teneur de ce
Planet Satan.
Annihilation porte bien son nom, débutant sur cette alarme aux stridences d’apocalypse et nous mitraillant de ce rythme robotique et très militaire qui nous lobotomise sans pitié, quant à
Fist of
Satan, où les percus synthétiques nous ravagent les tympans comme un marteau sur une enclume dans une vieille usine désaffectée, il incarne l’apogée de la décadence urbaine, de la dégénérescence et l’échec d’une société industrielle à l’agonie, cette voix rageuse et désespérée se mêlant aux rafales de la boîte à rythme en un chaos bruitiste et éprouvant. La partie de guitare à 2,14 minutes fait même penser aux Bérus, crade, noire, et désespérée, puant le mal être et la rage impuissante.
Mysticum semble totalement dépourvu de sentiments, détruisant avec application toute once d’humanité, et nous balançant sans vergogne ses riffs hypnotiques d’une beauté douloureuse. A l’écoute de ce
Planet Satan, le constat est évident : certes, les Norvégiens ont peu évolué musicalement, et cet opus ressemble énormément à son aîné, ceci dit, l’ambiance est toujours aussi saisissante, on est toujours tiraillé entre fascination et horreur et ce sentiment d’oppression et d’enfermement ne nous quitte que très rarement (sur la fin de All Must
End, par exemple, plus lente, mélodique et solennelle avec ces riffs plus spatiaux).
La conclusion s’impose donc d’elle-même :
Planet Satan est la suite logique et imparable de Streams of
Inferno, et
Mysticum reste au sommet de son art plus de 20 ans après ses débuts, point final.
Dès 1996, j’avais acheté (chez Osmose Productions, bien sûr !) Streams of Inferno, qui annonçait déjà son successeur Planet Satan. Finalement, l’album somophore aura mis environ vingt ans à sortir, mais on le dirait tout droit sorti lui aussi de la même période. On retrouve ce style unique, d’avant-garde, mécanique, martial, frénétique, ce côté occulte et nihiliste imparables, et toujours cette force hypnotique si bien entretenue. De plus, je trouve Planet Satan fort bien produit et sa batterie idéalement programmée. Une suite réussie, à mes yeux. ++ FABIEN.
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