Quelle ravissante histoire vais-je vous conter? Celle de Blanche Niaise et les 40 violeurs? Arf! Non, il y a des enfants ici. L’histoire sans faim? Trop mince! Le coq, le chat, le chien et
DSK? Il va y avoir un scandale! Ah oui je sais! Il y a longtemps de cela, en l’année 2003 de notre ère, deux amis décidèrent de créer ensemble un groupe de musique folk, c’est dès l’arrivée d’un premier batteur et d’un premier chanteur qu’ils nommeront leur petite troupe « Potatoes ». Mais les jeunes hommes ne s’entendent guère entre eux et les patates ont tendance à se fritter. On a eu beau faire venir des dames, mais rien ne semblerait mettre un terme à la mésentente ambiante liée à cette bande. « Potatoes » sera auparavant devenu «
Niflheim ». Le violoncelle et les claviers auront eu le temps de prendre place intégrante dans la formation, puis de s‘en voir retirés. Ces nombreux changements n‘auront, en tout cas, pas empêché la sortie de deux EP: «
Lost in Brocéliande » en 2006 et «
Once Upon a Cow » en 2008. Malgré les remous, notre troupe emmenée par son fondateur et guitariste Hichem Taoufik semblerait bien tenir le coup. C’est ainsi qu’ils produiront leur premier grand volume pour 2011 au
Boss Hog Studio, ayant déjà travaillé pour «
General Lee » et «
From Dying Skies » (qui n’ont eux, clairement rien à voir avec la musique de ceux qui nous intéressent ici). « Personae » voit ainsi le jour. Béni soit cet enfant irradié de lumière, car sans en douter, il fera honneur au nom de ses parents. Pour un premier grand ouvrage ,« Personae » franchit une porte plus pimpante que celle de la taverne de Molly .
Les premiers pas se font tout en langueur sur « Rock the Harem ». On perçoit les expirations, une musique abattue dans l’apparence. Puis le tout se redresse, devenant soudain vif, grâce à la vivacité du violon qui dessinera tous les contours de la piste. C’est la voix d’une femme déterminée qui nous rentre dedans, celle d’Aurore Gautheur. On ne pourrait pas croire que la scène se joue dans le harem d’un sultan. Au lieu de musique orientale appropriée à l‘endroit, on vogue dans la plus belle et harmonieuse musique d’inspiration celtique. Peut-on y voir là le seul bagage restant, teinté de souvenirs et de tristesse, d’une jeune femme à la peau blanche, qui se rappelle soudainement les vertes prairies de son pays d’origine et de son enfance? Un jeune homme courageux aura voulu en profiter sur le dos du
Sultan, à ce qui nous est colporté. Dans le même ton, on nous emmènerait bien plus loin, vers de nouveaux horizons. Ce ne sont plus les sabres des eunuques que nous devrons affronter, mais ceux des pirates sur « Sailing South ». On se laisse directement embarquer par l’audace des intervenants. Riffing solide, chant et chœurs galvanisants. Un morceau pris en tenaille par la guitare et par le violon, chacun voulant donner la mesure. De ce combat c’est un troisième lutteur qui finira par l’emporter, à savoir le batteur Emmanuel Chouart, le M. Muscle, le forgeron du groupe.
Quand on évoque la forge, on en vient tout de suite à « The
Blacksmith ». « Alors, un petit coup de souffle la dessus » peut-on entendre à l’entame. Un souffle qui aura pour effet d’alimenter les braises et de mettre le feu à la musique de «
Niflheim ». Les enchaînements prendront du poil de la bête. Par passages seulement. C’est un feu se gondolant et devant être alimenté sans cesse. Aurore varie sa voix, la rendant par brefs instants plus lyrique. De ces nombreuses contorsions, la musique se refroidira pour en devenir intimidante, sombre. Notre cœur accélèrera tout autant au lancement de « The 13th
Warrior » (directement puisé du film « Le 13ème Guerrier »). Cherchant à nous effrayer au départ par sa dureté implacable. Le chant nous harangue au beau milieu d’une frénésie. Le violon est quant à lui apeuré par la situation et chercherait à nous mettre en garde, ce que ne fait pas la batterie, ravie de pouvoir s’adonner à la force. Une version symphonique du même morceau y est proposé en piste 11, avec l‘aide des claviers de Reney Mieulle. C’est exactement comme si l’original en ressortait blindé et sublimé, alors qu’il n’y avait déjà rien à jeter. Ils nous produiront encore quelques frayeurs sur « Happy Drunk Friend », juste le temps d’une entame. S’en suivra une tonalité bien plus langoureuse et séduisante. Le tout avance à tatillons, en toute sérénité. Ce style joué se rapprocherait fortement de celui d’un de leur comparse folk du nom d’«
Eklyps ».
Un apport en nonchalance dans la voix et dans le rythme que l’on pourra retrouver au préalable sur « Deep ».
Airs chaloupés et groovy. C’est le résultat de la libre expression des instruments, dégageant à la fois joie, assurance et volupté. Des titres plus timorés et mélodieux se seraient donc incorporés à la galette. Ce sont les instants de pure quiétude. Le violon de Clara Danchin viendra ainsi nous bercer sur un « Watery Grave », qui se laisse paisiblement effeuiller. Il se montrera tout aussi performant sur l’agile et gracieux « Spirits », ouvrant une fenêtre plus large à la basse de Sébastien Le Bruchec. Dans le gracile et le rayonnant il faudra garder une petite place à « Molly’s Tavern », titre issu de l’EP «
Once Upon a Cow », que l’on retrouvera exclusivement dans la version japonaise du présent volume. Le violon s’alliera aux percussions et au violoncelle, cette fois pour donner un ravissant petit spectacle à moult convives bien assis.
On parlerait du violon comme d’un organe essentiel, mais remarquable de voir que la guitare se taillerait une part de lion. C’est lui qui dans ses brillantes secousses animera « Holy Mushroom ». Quelle puissance, quelle vigueur d’entrée! Pourtant ce brusque effet revigorant s’aplanira vite. Aurore d’abord indolente, s’adonnerait à plus d’expérimentation sur le refrain. Une nouvelle fois Hichem mènera la danse sur le somptueux et riche « Birth of a Succubus ». Il frappe, envoie des coups dans l’espoir de lancer les autres instruments, de les sortir de leur timidité. La fougue des uns se mêlent à la tendresse des autres. Impossible d’anticiper leurs actions. Comment pourrait-on s’ennuyer devant un pareil morceau, qui malgré sa légèreté dégage une force quasi insurmontable?
Le
Niflheim, serait dans la mythologie nordique, la région glacée où iraient ceux qui sont morts de vieillesse. Espérons, oh grands dieux, que ce «
Niflheim » français ne meurt que de vieillesse. Ils nous produisent là un folk metal généreux et intelligent. Chaque piste est un point d’attache différent permettant à notre esprit d’y faire escale, et de festoyer avant de reprendre le large. Le label japonais
Red Rivet Records pourra se frotter les mains d’une telle acquisition, car une vedette de la scène folk française est probablement née avec ce « Personae ». Il serait injuste pour eux de ne pas se faire reconnaître avec une autoproduction d’aussi bonne qualité, capable d’impressionner les géants du genre.
17/20
Ta chronique m'as donné envie d'écouter l'album au plus vite :)
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