Au sein du milieu metalleux, et plus exactement au sein de sa frange folk/pagan, il y a plus que du simple intérêt pour la culture viking. On se passionne beaucoup pour ces guerriers redoutables qui étaient plutôt vus et ressentis comme des dangers ambulants au temps de nos ancêtres. L’héritage viking se revendique partout à tort et à travers. On pourrait être indulgent en se rappelant aussi que ces barbares à la toison blonde ou rousse avaient constitué des colonies à travers toute l’Europe et arrondis un nombre incalculable de femmes lors de leurs différents raids. Mais, si on se fie à un point de vue pleinement historique, seuls la Norvège, la Suède, le Danemark et l’Islande ont légitimement une part successorale au patrimoine viking. Norvège et Suède seraient les plus fiers successeurs pour renouer avec leurs traditions en musique. Le Danemark se montrerait lui un peu plus réticent, même s’il existe aussi là-bas quelques groupes de metal qui épousent sans ambigüité ce retour dans les drakkars. On fait l’éloge de «
Svartsot », puis récemment de «
Vanir », en bons représentants danois. Le dernier cité ne se distingue pas par sa personnalité. Certains lui reprocheraient des affinités musicales très prononcées avec «
Finntroll ». Leur premier album, «
Særimners Kød » sera néanmoins salué pour la qualité de ses compositions et pour la forte teneur festive qu’il s’en dégage. Moins d’un an plus tard, «
Vanir » prépare un second album. Et cette fois le grand producteur Berno Paulsson («
Amon Amarth », «
Deranged (SWE) ») est de la manœuvre via ses Berno Studios de Malmö. Il n’y aura que peu à redire de cet ouvrage forgé par le marteau de
Thor. «
Onwards into Battle » conforte tranquillement la situation de «
Vanir » sans non plus lui faire directement accéder au
Walhalla.
Le ciel gronde, la mer s’agite. L’environnement semblerait témoigner de la colère des dieux sur l’introduction «
Dark Clouds Gather ». Serait-ce la première étape d’une traversée périlleuse ? Non ! Passé cette petite frayeur le voyageur sillonnera des terrains connus et apaisés. On prendra directement le rythme marin sur l’éponyme «
Onwards into Battle » avec des éléments familiers au précédent ouvrage. Ainsi, en acteurs privilégiés, on retrouve la cornemuse et la flute, apportant de faux airs celtiques, et qui viendront égayer la composition. Ces instruments seront mis en compétition avec la robustesse du growl et de la batterie. Comme si tout élément liquide devait obligatoirement rencontrer un corps solide, comme si la mer devait impérativement s’écraser sur les rochers. Malgré la monotonie de ce paysage, on aura occasion de s’étonner. Une interférence acoustique a lieu au moment où on pourrait croire la piste se terminer. Le groupe maîtrise son sujet et voudrait nous signaler la présence d’éventuels passages cachés dans sa musique. Ce sera parfois des soli éclairés, stimulants, perdus en bout de piste comme sur le très rude et poussif « Tveskægs Hævn ». Ces passages isolés sont cependant trop peu nombreux pour révolutionner cette première partie de disque globalement sympathique si on juge l’entrainant et solennel «
Thyrfing », emmené par les sons aigus et frétillants de la cornemuse, mais également, dans un registre beaucoup plus festif, un « By The
Hammer They
Fall » qui déménage. Celui-là devrait remporter du succès en live. Bien qu’empruntant cette même tournure festive et dansante, « Brigands of Jomsborg » n’est pas qu’une simple invitation à boire et à ripailler. Il s’y incrusterait un soupçon épique, guerrier, comme s’il était là pour mieux nous préparer à l’écoute du prochain titre, à une visite dans des lieux autrement plus sacrés.
En effet, après les joies de la taverne, la stupéfaction, l’éblouissement que seuls pourraient procurer la pénétration d’un temple fait de lumière et de dorures. Le bouleversement commence avec un « Æresdød » resplendissant de mille feux. Les chœurs épiques ont remplacé le growl d’Andreas Bigom. C’est la flute qui cette fois manie la mélodie. La spiritualité a pris place sur les joies terrestres. L’ascension de l’esprit va perdurer sur un « Hlidskjalf Gynger » tribal.
Plus de chœurs épiques, mais on conserve un ton sérieux. Malgré tout, le côté bourru et la rythmique assez uniforme du morceau auront du mal à convertir les auditeurs. Ceux-ci se retrouveront bien plus conquis à travers un «
Fimbul » tout aussi barbare. Cette illustration rupestre nous met intelligemment sous tension ; une première moitié de piste se consacre à nous faire partager un événement funeste, à contenir une rage intérieure. La seconde moitié figure comme une délivrance. Les mélodies s’enchaînent avec une étonnante vigueur. Suite au sombre spectacle de la mort, voici la résurgence de la vie. Cet élan de dynamisme rappellera l’énergie dégagée par «
Warriors of
Asgard ». Véritable démonstration de combativité de la part des danois. Course furieuse entre chants, flute et guitares.
Toute la convivialité folk et finntrolienne que l’on avait aperçu en première partie d’album n’aura pas pour autant disparu. On pourra donc faire état d’un titre comme « Vinlandsfærd » qui associe les airs joyeux d’accordéon aux chœurs épiques. Cette dualité est suffisamment insolite pour arriver à nous captiver, tout comme le court et très embarqué « Raise Your
Horns », indéniablement cousu pour le live. «
Vanir », qui s’était jusqu’à présent évertué à ne chanter que dans sa langue nationale, a fait l’effort d’incorporer des titres en anglais de bonne qualité. Celui qui se démarquera autant pour le dépaysement procuré par sa musique que pour son exceptionnelle performance est sans nul doute le morceau final « Sons of the
North », pourtant oublié du livret (à croire qu’il s’agit là que d’un titre bonus. Il n’y a malheureusement pas de précision fournie à ce sujet). Oublié aussi le growl, place à un chant clair envoutant, à une fibre médiévale, qui auront forte tendance à rappeler un «
Falconer » en très grande forme. Ajouté à cela les chœurs épiques, vous voyez déjà les valkyries sur leurs chevaux ailés venir vous chercher.
On les aura vu quelques fois les valkyries sur cet opus.
Pas tout le temps, car il y a bien des endroits où on croise aussi les corbeaux. Même s’ils ne démontrent pas grand-chose d’original sur les six premières pistes, se campant derrière un folk metal festif ordinaire mais globalement à la dimension de leurs précédents travaux, le restant de ce second disque a son lot de bonnes surprises et confère une tout autre dimension au produit. C’est un peu ici la révolte des vikings danois sur leurs voisins nordistes. Suite à un «
Særimners Kød » satisfaisant, «
Onwards into Battle » assure à «
Vanir » une légitimité au sein de la grande table d’
Odin.
Thor leur aura confié son marteau. Qu’ils en prennent soin.
14/20
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