Prudence est mère de sûreté, dit-on... Adage qu'aurait suivi le combo italien depuis le début de son aventure en 2009. En effet, ce n'est que trois ans plus tard que le groupe padouan accouche de son premier bébé, l'opulent et encourageant album studio «
Wandering Through Sorrow ». Puis, silence radio durant quelque cinq années avant de revenir dans les rangs, muni de son second effort de longue durée, le présent «
Onirica », sorti, tout comme son aîné, chez le puissant label italien Revalve Records. Le temps pour nos acolytes de peaufiner leur production d'ensemble, de procéder à un remaniement de leur line-up et d'asseoir le projet sur de nouvelles bases stylistiques. Ainsi, la coloration symphonique gothique originelle ferait-elle place désormais à un metal symphonique aux relents heavy et progressif plus marqués, avec quelques touches gothique en toile de fond. Aussi, l'atmosphère générale des neuf pistes de l'opus nous rapprocherait désormais davantage de
Delain,
Darkwell,
Serenity,
Visions Of Atlantis, ou encore
Sirenia que de
Draconian ou
Tristania.
Pour cette nouvelle traversée, à bord du navire, nous accueillent dorénavant : Claudia Duronio, soprano aux limpides et pénétrantes inflexions à mi-chemin entre Simone Simons (
Epica) et Stephanie Luzie (ex-
Atargatis, ex-
Darkwell) ; les guitaristes Filippo Miatto et Alberto Ferrari (en remplacement d'Andrea Bazzon (II
Dawn)) ; le bassiste Dario Dugo ; le batteur
Leonardo Drago, en lieu et place d'Andrea Vedorin. A cette agrégation de talents s'adjoignent, pour l'occasion, Alessandro Moro aux claviers, déjà sollicité sur la précédente offrande, ainsi que l'expérimenté et frissonnant vocaliste Fabio Dessi (
Arthemis,
Hollow Haze). De cette nouvelle et étroite collaboration émane une œuvre à la fois volontiers offensive, parfois enjouée, un brin énigmatique, un tantinet romantique, témoignant d'une technicité éprouvée, de sentes mélodiques plus finement esquissées que naguère, et d'une ingénierie du son plutôt soignée, à commencer par une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut. Mais entrons plutôt dans le vaisseau amiral en quête de quelques pépites profondément enfouies...
Passée la brève et glaçante entame symphonico-gothique «
Insomnia » où de déchirantes et cristallines vocalises féminines se noient dans un océan synthétique en proie à quelques tourments, le spectacle peut alors véritablement commencer...
C'est dans une atmosphère le plus souvent enfiévrée que nous mène l'escadron italien avec, pour effet, de nous intriguer tout d'abord, pour se plaire à nous embrigader, in fine. Ainsi, des riffs épais adossés à une pulsionnelle rythmique exhalent de « Hold Me Back » et « When
Darkness Will Fall », up tempi à la confluence entre
Xandria (première mouture) et
Darkwell, où les sensuelles impulsions de la sirène ne manqueront pas d'aspirer le tympan du chaland. Si l'accroche s'effectuera sans encombres dans le premier cas, on regrettera toutefois de ne pouvoir éluder ni de tenaces linéarités mélodiques ni d'incertains enchaînements dont s'affublent quelques séries d'accords dans le second, ce dernier ne manquant pourtant ni d'allant ni d'élégance. Dans cette mouvance, s'inscrit encore « Oceanus », entraînant méfait aux riffs crochetés, doté d'un refrain immersif à souhait relayant des couplets un brin énigmatiques mais aux dérapages contrôlés. Bref, un hit en puissance concocté par nos compères, que l'on ne quittera qu'à regret.
Dans une énergie similaire, la troupe a également misé quelques espoirs de séduction sur les pérégrinations d'un duo mixte en voix claires des plus infiltrants. Aussi, ne mettra-t-on qu'une poignée de secondes pour se voir gagné par l'émotion à l'aune de «
Kill Your
Pain » ; magmatique méfait aux arrangements d'excellente facture, dans la lignée conjointe de
Serenity et
Kamelot, où les claires patines de la déesse et les rayonnantes inflexions de Fabio Dessi évoluent à l'unisson. Dans ce champ de turbulence, l'aficionado du genre ne pourra esquiver un headbang subreptice, et ce, même si l'on eût souhaité un zeste de mordant supplémentaire au regard d'une plage n'ayant tari ni de panache ni de sensibilité.
Quand le convoi orchestral ralentit un tantinet sa cadence, l'émotion sera assurément au rendez-vous des attentes du chaland. Ce qu'illustre, d'une part, le tubesque et ''delainien'' mid tempo syncopé «
Lullaby ». Glissant sur un filet mélodique d'une redoutable efficacité, le troublant manifeste nous octroie parallèlement un entêtant refrain mis en habits de lumière par les angéliques oscillations de la maîtresse de cérémonie. Jouant habilement des effets de contrastes atmosphériques tout en demeurant rivé sur un grésillant riffing, le pimpant effort s'avère susceptible de magnétiser les tympans les plus rétifs. Peut-être bien l'un des gemmes de la livraison. Dans une même dynamique mais un poil moins immédiatement lisible, le ''sirénien'' mid tempo « Sleeping
Dream » dissémine, quant à lui, un fin picking à la guitare acoustique sur un lit de sémillantes séries de notes.
Lorsque les tensions s'apaisent et que la lumière se fait caressante, le combo trans-alpin se mue en un véritable bourreau des cœurs en bataille, nous adressant par là-même ses mots bleus les plus sensibles. Ainsi, la petite larme au coin de l'oeil ne pourra longtemps être esquivée sous l'impact de la charge émotionnelle délivrée par «
Stormborn » ; aérienne, mélancolique et frissonnante ballade a-rythmique se parant d'un infiltrant cheminement d'harmoniques et sur lequel se greffent les limpides et ensorcelantes volutes de la belle. Au maître instrument à touches eu égard à ses délicats arpèges de contribuer à rendre l'instant privilégié propice au total enivrement de nos sens, ce dernier nous menant au terme de la délicieuse sérénade pianissimo...
Enfin, le collectif nous immerge au cœur d'amples espaces d'expression symphonico-progressifs, exercice de style aussi grisant que redouté par ses pairs. Aussi, calé sur le duo en voix mixtes sus-cité, l'épique, romanesque et mystérieux « Luceafarul » nous plonge au sein d'une fresque de 8:39 minutes aux forts contrastes rythmiques tout en nous réservant moult effets de surprise. Pourtant doté d'une indéfectible énergie et de prestations vocales de bon aloi, mais en proie à une bien terne mélodicité et à des enchaînements de séquences de notes peu loquaces, le luxuriant propos éprouvera quelques difficultés pour prétendre à une inconditionnelle adhésion. Sans doute le bémol de la galette.
Envolées les petites erreurs de jeunesse, désormais, la formation italienne affiche une production d'ensemble de bonne facture, tout en livrant une rondelle plus accessible, mais nullement simpliste, et un brin plus colorée que sa devancière, celle-ci s'avérant dès lors susceptible de provoquer quelques émois auprès de l'aficionado du genre. Cela étant, il conviendrait encore que le groupe consente à quelques prises de risques et fluidifie quelque peu ses lignes mélodiques pour les rendre plus impactantes qu'elles n'apparaissent. Nos inspirés gladiateurs révèlent toutefois un potentiel technique qui s'affirme davantage, des prestations vocales en réel progrès, et surtout un set de compositions majoritairement délivré de l'empreinte de leurs modèles identificatoires. En dépit de ses baisses de régime et de la relative opacité de certains passages, ce second opus se parcourt d'un seul tenant.
Plus encore, cette offrande marque une évolution à la fois stylistique et logistique par rapport à son aînée, laissant à penser que nos compères sont loin d'avoir écrit les dernières lignes de leur histoire. Affaire à suivre, donc...
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