On ne les compte plus les groupes metal symphonique gothique à chant féminin à se lancer dans la fourmillante arène, où un public désormais grandissant se masse pour assister aux impitoyables et inaltérables combats des gladiateurs. Aujourd'hui, c'est au tour d'un jeune quintet américain originaire de Washington, créé en 2013, de s'avancer, et qui a pour louable ambition de tenir la dragée haute à ses homologues stylistiques. A cet effet, la vocaliste Lisa d'Arcangelis (ex-
Nocturnal Ascent) s'est entourée des talents conjugués de Sean Gronholt (programmation, guitare), Dean Michaels (guitare, claviers), Dean Anthony (batterie) et Eliakon (basse), pour nous livrer un premier effort de 8 titres dont 7 composés et produits par le collectif lui-même. Musiciens auxquels ont été adjoints Micah Consylman aux claviers sur « Reverie of Shadows » et «
Remains », ainsi que la violoniste et violoncelliste Rachel Kolster sur «
Remains » et la violoniste Sarah Stepanik sur «
Omicron ». Quant au huitième titre, « Strangelove », il est l'œuvre de Martin L.
Gore (guitariste et claviériste de Depeche Mode), originellement issu de « Music for the Masses » (1987), sixième album du groupe new wave britannique. Morceau non encore disponible au moment de la publication de cette analyse, nous y reviendrons ultérieurement pour compléter le propos.
On décèle, en premier lieu, une empreinte metal symphonique propre à la personnalité du groupe, avec une pépite à la clé. Ainsi, le cadencé «
Chimera », piste symphonique gothique aux relents électro, et ce, non sans rappeler
Nemesea, ponctué d'une souple frappe et d'une rythmique effilée, envoûte par son tracé mélodique ample et oscillatoire. On suit sans sourciller les frasques de la déesse dans son parcours au cheminement harmonique sécurisé, à cheval entre
Delain et un
Within Temptation des premiers émois. Un joli toucher de guitare s'insinue, laissant entrevoir un picking alerte et bien inspiré par son auteur. Dans cette énergie, on appréciera notamment un refrain d'une efficacité redoutable. Le combo ricain marque déjà ses premiers points sur un titre taillé pour les charts. Sinon, le tonnerre gronde à l'entame de «
Remains », énergisante piste metal symphonique progressif à la rythmique plombante, aux riffs lipidiques et vrombissants, aux franches et opportunes accélérations. De séduisants couplets s'offrent au tympan, mis en habits de lumière par le gracile filet de voix de la sirène, dans le sillage de
The Flaw, alternant néanmoins avec des refrains moins immersifs qu'attendu. Se faisant rattraper par une empreinte masculine profonde, la belle offre de jolies sinuosités oratoires, au fil d'un épaississement du parterre instrumental. Soudain, le convoi orchestral se tait, un délicat toucher d'archet signé Rachel venant rompre le silence et ainsi clôturer sereinement une piste en demi-teinte mélodique.
Mais, le collectif s'est montré plus offensif encore, distillant de sémillants blasts et autres saisissantes harmoniques au fil de passages résolument diluviens. Tout d'abord, le rageur et entraînant « Reverie of Shadows », titre sympho-gothique aux arrangements soignés dispensés par Micah, dans la veine de
One Without, avec de faux airs de
Delain, envoie le bois, avec des riffs en tirs en rafale accolés à une acariâtre et insatiable section rythmique. Par contraste, les fines volutes de la douce s'insèrent parfaitement dans une trame harmonique plus complexe qu'il n'y paraît, mais sans jamais y perdre en nuances mélodiques. Un pont technique, pas des plus utiles, s'infiltre, précédant un petit break, histoire de reprendre son souffle. Et ce, avant de se faire souffler par la déferlante sur la crête du refrain, au demeurant plutôt agréable, le cinglant acte s'achevant crescendo. Pour sa part, le féroce « The Unworthy », d'inspiration power symphonique, nous assène ses riffs qui déchirent tout sur leur passage, escortant une rythmique frondeuse, sur fond de nappes synthétiques ondoyantes, de gammes éprouvées au piano, sans oublier une lead guitare en liesse qui jamais ne baisse la garde. Les attaques en règle abondent et ont pour corollaire le réveil d'un growler passablement coléreux, contrastant avec les légères impulsions de sa jeune comparse. Ce faisant, à la manière de
The Murder Of My Sweet, on ne perd pas de vue un tracé mélodique nuancé, avec quelques variations bien senties, et qui prend de sa superbe sur le refrain. Par ailleurs, de somptueux arpèges au piano introduisent l'engageant et vivifiant « Delusions », piste sympho-gothique à la touche dark, aux riffs acérés et mitrailleurs étreignant une rythmique martiale, traversant un champ de mines percussives. Les angéliques patines vocales de la princesse, bien qu'un poil linéaires, imprègnent le pavillon par touches successives, celle-ci renforçant ses inflexions d'un cran au fur et à mesure de son avancée dans l'invitante trame harmonique de cette plage. Au maître instrument à touches de fermer la marche, pianissimo.
Le combo a également octroyé des passages plus tamisés, de deux manières différentes, non sans une certaine pointe d'originalité. D'une part, «
Ghost », délicat mid tempo, nous mène en des terres sereines, non sans évoquer
Nemesea, au fil d'une infiltrante ligne mélodique. Un joli solo de guitare invite à prolonger le parcours d'un titre aux effets de surprise bien amenés et aux enchaînements efficaces entre couplets et refrains. Le tout s'avère rigoureusement supervisé par la maîtresse de cérémonie. Enfin, une frissonnante présence violoneuse vient nous cueillir sur «
Omicron », titre éponyme et sensible ballade instrumentale. Exercice peu couru et pourtant émouvant, faisant néanmoins une petite place à de sulfureuses vocalises en background, il ne laissera pas indifférent l'amateur d'instants apaisés. Un travail sur le son a permis de mixer en les superposant judicieusement des gammes au piano et au violoncelle, un tapis synthétique sur fond de craquements extirpés d'un vieux vinyle aux sillons blessés par les affres du temps ou les attaques répétées d'un diamant usé. Original et tout aussi efficient qu'une ixième ballade oralisée, on se fera fort d'y revenir, pour déceler toutes les subtilités contenues dans ce message musical.
Au final, on ressent déjà un potentiel se forger à l'aune de cet introductif essai, qu'il conviendrait de valoriser encore au fil d'exercices de style plus variés, plus rigoureux dans l'écriture de ses portées, à la lumière de lignes mélodiques à affiner encore pour l'emporter plus largement. Si les lignes de chant semblent un tantinet sous-mixées, elles ne s'avèrent pas moins séduisantes et précises, même si l'on ne perçoit pas l'once d'une envolée lyrique, pourtant classique dans ce registre metal. Ce qui en fonde également leur particularisme. Quant à la technique instrumentale, elle ne souffre pas de carences avérées, nos compères maîtrisant déjà l'art du riffing, maniant les rampes aux claviers avec un rare doigté, tout en octroyant des arrangements de bonne facture. On conseillera donc cet opus aux amateurs de metal symphonique à chant féminin, dans la mouvance des sources sus-citées, pour quelques écoutes attentives. Bref, un encourageant effort qui en appelle de ses vœux bien d'autres à venir. Du moins, on ne peut que le leur souhaiter...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire