Près de deux ans suite à un introductif et encourageant EP répondant au nom de «
Fight or Flight », le jeune quintet rock'n'metal alternatif américain originaire de Rhode
Island revient dans la course. Et ce, tout aussi prudemment, nous octroyant dès lors un second mais plus opulent EP intitulé « Of White and
Grey ». Depuis sa création, en 2014, si le combo étasunien évolue toujours à la croisée des chemins entre le metal gothique de
Lacuna Coil, l'empreinte hard rock de
The Pretty Reckless et d'
Ela et l'univers punk rock de
Bif Naked, il y a adjoint une touche atmosphérique gothique empruntée à
Autumn et à
Kingfisher Sky et une fibre prog plus marquée, dans le sillage de
Dream Theater. Nos acolytes amorceraient-ils quelques mutations qui définiraient à la fois le contenu et l'identité artistique de leur projet ? A l'aune de cette livraison, voguerait-on vers d'autres cieux ?
Dans ce dessein, l'équipe originelle s'est scindée, conjuguant dorénavant les talents de la claviériste et frontwoman Jen Janet ; Jake Bedard au chant et à la guitare (en remplacement de
Ian Timpany) ;
Kirk Scully à la guitare ; Phillip Clougher à la basse, se substituant à Steve Powers ; James Steele à la batterie. Une nouvelle distribution qui a pour corollaire un set de compositions à la solide technicité et doté d'une mélodicité plus nuancée que naguère. Par ailleurs, l'inspiré collectif a cette fois privilégié le chant féminin clair, partiellement lyrique, à mi-chemin entre Marjan Welman (
Autumn) et Judith Rijnveld (
Kingfisher Sky), au détriment du dispensable schéma de la belle et la bête, sollicité sur sa précédente livraison. On entrerait déjà dans une autre dimension...
Bénéficiant d'un jeu d'écriture affiné, le message musical est cette fois centré sur une réflexion de fond relative à nos propres ''démons'', tels que l'anxiété, l'addiction, la peur de la mort, entre autres. De façon originale, chacun des 5 titres de ce concept EP évoque, par sa désignation-même, un lobe du cerveau humain, et ce, parallèlement à une riche et originale description des sentiments qu'inspirent ces ''démons'' de l'existence humaine. A la lecture de ces paroles, cette galette s'offrirait comme un troublant voyage dans les profondeurs abyssales, pour ne pas dire impénétrables, de l'esprit de l'homme. Effort de réflexion philosophique témoignant, lui aussi, de louables progrès accomplis par nos cinq compères.
Deux ans d'un intense labeur aux Bridge East Studios, dans le Massachusetts, ont autorisé une belle profondeur de champ acoustique et des enchaînements inter pistes de bon aloi, à l'image d'un enregistrement de meilleure facture et d'un mix plus ajusté qu'il ne le fût sur leur précédent manifeste. S'en dégage un confort auditif susceptible de magnétiser le tympan jusqu'à la note ultime de l'énergisante demi-heure de l'opus. En outre, un même schéma progressif (intro à la guitare acoustique/gradation orchestrale et vocale/final en crescendo) s'observe sur la plupart des titres, qui ne saurait entamer une quelconque déroute chez le chaland. Bien au contraire. Quelques séquences prometteuses, et pour lesquelles le groupe parvient à un inconditionnel recueil de l'adhésion, in fine. La preuve en musique...
C'est surtout lorsqu'il flirte avec le rock'n'metal atmosphérique gothique que le prog prend ses lettres de noblesse. Ainsi, un subtil picking à la guitare acoustique nous ouvre les portes de « Parietal: Pressure », enivrante offrande gothique que vient infiltrer une basse aussi enfiévrée que vrombissante. Dans la lignée d'
Autumn (seconde période), avec un zeste de
Lacuna Coil, cette piste se dote graduellement d'un riffing roulant et massif, d'un jubilatoire solo de guitare dans le veine de
Dream Theater, et d'une stupéfiante montée en puissance du corps orchestral. Variant judicieusement le rythme de ses frappes et la cadence de son tempo, eu égard à sa volonté de multiplier les effets de contrastes, le collectif ne libère qu'à mi-morceau sa ligne de chant, la déesse évoluant alors en symbiose avec ses musiciens jusqu'à la note ultime de la pièce.
Sur un même modus operandi, mais avec davantage d'effets de surprise, « Occipital:
Covenant » impose de saisissants gimmicks guitaristiques, un invitant pont techniciste, de délicats arpèges au piano et un refrain immersif à souhait. Dans cette lignée, on ne pourra esquiver ni le vibrant appel de la sirène, aux faux airs de Judith Rijnveld, ni les riffs plombants tels des rouleaux compresseurs du magnétique «
Ashes ». Accélérations et ralentissements rythmiques n'ont de cesse d'alterner, et ce, au fil des envolées semi lyriques qui, peu à peu, gagnent en intensité ce qu'elle ne perdent ni en justesse ni en aura. Une manière habile de faire cohabiter le Yin et le Yang.
Quand il se plaît à intensifier le rythme de ses frappes, le combo nous replonge dans l'ambiance survoltée de son précédent effort, avec d'inédits harmoniques à la clé. Ainsi, on retiendra le sanguin «
Temporal:
Mercenary » qui, au fil de ses riffs rocailleux et de son tapping martelant, et sans relâche, évolue sur des charbons ardents. A mi-chemin entre
Ela et Pretty
Reckless, c'est dans un champ de turbulences résolument hard rock que l'on pénètre. Par cette alchimie dont lui seul à le secret, le quintet ricain nous octroie de grisants couplets relayés par de prévisibles mais entêtants refrains, mis en exergue par les siréniennes inflexions de la maîtresse de cérémonie. Non moins offensif et calé sur une rythmique un tantinet syncopée, sans attendre, «
Frontal:
Seeker » nous prend à la gorge pour ne plus nous laisser le temps de reprendre notre souffle. Avec une verve assimilable à
Bif Naked, l'incandescent morceau fait claquer sa basse, rougeoyer ses fûts, pour un final en apothéose.
A l'aune de ce sémillant message musical, le jeune combo américain a résolument franchi une étape décisive dans sa carrière. Au regard de ses nombreuses et insoupçonnées digressions, d'une judicieuse fusion de styles, d'une singulière mise en œuvre de son projet, on comprend que le groupe a beaucoup appris de ses maîtres inspirateurs, sans s'y être réduit exclusivement. En témoigne cet original et vibrant set de partitions susceptible de lui élargir le champ de son auditorat. On aurait toutefois souhaité davantage de diversité atmosphérique, rythmique et vocale, et quelques prises de risques supplémentaires. Quelques bémols compensés par une qualité de production quasi professionnelle, des sentes mélodiques épurées, une technicité éprouvée et des lignes vocales affûtées et mieux négociées. Bref, une œuvre plaçant déjà la troupe sur les rangs des valeurs montantes de cet éclectique registre metal. L'aventure continue donc, sereinement, pour nos cinq mousquetaires...
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