Oddity

ajouter les paroles de l'album
ajouter une chronique/commentaire
Ajouter un fichier audio
18/20
Nom du groupe Nature Morte
Nom de l'album Oddity
Type Album
Date de parution 29 Septembre 2023
Style MusicalBlack Atmosphérique
Membres possèdant cet album9

Tracklist

1.
 Bruises & lace
 08:32
2.
 The Pier
 09:31
3.
 Here Comes the Rain
 04:52
4.
 New Dawn
 05:49
5.
 Monday Is Fry Day
 06:02
6.
 Banquet Overflow for the Mind House
 05:52
7.
 Nothingness
 03:58
8.
 Untitled
 02:20

Bonus
9.
 Fireal (Deftones Cover)
 07:00

Durée totale : 53:56

Acheter cet album

 buy  buy  buy  buy  buy  buy  buy
Spirit of Metal est soutenu par ses lecteurs. Quand vous achetez via nos liens commerciaux, le site peut gagner une commission

Nature Morte


Chronique @ JeanEdernDesecrator

29 Septembre 2023

Contre-nature et folie douce amère

Si Nature Morte est un groupe que l'on peut qualifier d'extrême, c'est dans les contrastes qu'il excelle. Les explosions de violence et des screams du black métal d'un côté, la quiétude inquiète du shoegaze et du post rock de l'autre, se mêlent en cherchant délibérément le contre-nature. Le calme, la tempête, le calme, la tempête, c'est la recette très simple en apparence que proposent les parisiens, en jouant très finement sur le développement de la tension et sa décharge soudaine. Appeler son nouvel album "Oddity", cela peut aussi faire penser à David "Ziggy Stardust" Bowie, et donner l'envie d'avoir son saoul d'étrangeté, surtout avec un artwork aussi bigarré...

Formé en quatuor à ses débuts en 2015, le groupe a évolué un temps en duo, avant de se stabiliser en trio depuis 2018 à l'époque de son premier LP "NM1". Leur deuxième album "Messe Basse" a vu leur personnalité s'affirmer, malgré l'instabilité de l'année 2021 pour le milieu metal, pas le moment idéal pour faire sa confirmation ! Pour son troisième LP, c'est comme d'habitude le guitariste Stevan Vasiljevic qui a composé la quasi intégralité de la musique, y compris les parties de basse et de batterie, et les a maquettées en home studio. Le groupe au complet a ensuite travaillé à sa finalisation et Chris Richard a eu toute latitude pour poser son chant. Des guests ont participé au disque : Cindy Sanchez (Lisieux) et Lionel Forest (Cloudy Skies). Ce disque a été enregistré au Lower Tones Place Studio, le mixage et le mastering ont été faits par Edgar Chevallier (Demande à la Poussière, 6:33, etc.)."Oddity" est sorti le 29 septembre 2023 chez Frozen Records.

Sur le papier, on pourrait avoir l'impression que le trio utilise les mêmes éléments avec les mêmes mécanismes produisant des effets similaires, mais ce disque se révèle bien différent de son prédécesseur. Il n'y a qu'à comparer les pochettes, une photo d'enfance nostalgique aux tons tirant vers le sépia sur "Messe Basse", et une peinture aux couleurs saturées délavée comme une aquarelle psychédélique sur "Oddity".
Le premier morceau "Bruises & Lace" se situe musicalement dans la droite lignée du précédent album, mais les mots dérivent sur des couleurs paradoxales, en relation directe avec l'artwork de "Oddity". Les textes explorent la folie, et la banalité désespérante des gachettes qui forent un trou dans l'esprit, en prose, parfois tournés comme de simples anecdotes (l'histoire de "The Pier"). J'ai pensé au The Cure de "Disintegration" pour l'ambiance de certaines intros aux guitares délicieusement dépressives. Certains riffs, ou juste des licks sont plus proches du rock ou du blues ("Monday is Fry Day"). Les parties de Stevan se développent surtout à partir des arpèges, avec un beau travail sur les sons et les effets. Pas de distorsions extrêmes, les potards sont poussés avec minutie, ce qui donne une bonne lisibilité aux parties plus brutales. Même la reverb, fléau immémorial dans le black métal, est ici dosée et contenue.

Certains passages sont extrêmement lents, une sorte de doom clair-voyant (le milieu de "The Pier", avec ses accords lumineux et étranges sur lesquels psalmodie Chris. Le chant black de Chris Richard est moins strident que sur les enregistrements des débuts, plus lointain, comme un cri qui déchire le voile du chuchotement. Lorsqu'il ne screame pas, il utilise la voix parlée de différente manières, traînante comme un réveil poisseux ("New Dawn"), ou utilise le chant diatonique qui produit cette résonnance grave et osseuse si particulière. Sur "Nothingness" Chris Richard a laissé le micro à Lionel Forest qui s'enfonce dans des failles à taille humaine, à la manière d'un Iggy pop ou un Nick Cave .
Il y a des moments de stupeur avec certains passages (les accords saisissants d'étrangeté du milieu de "Monday is Fry Day", qui se suffisent un temps à eux-mêmes, avant d'être soufflés par un blast dévastateur. La violence se déclenche souvent par l'intermédiaire de la batterie, parfois de manière tranchée avec le reste des instruments, parfois seule en contraste. Les passages rapides infligés par Vincent Bemer sont entre d-beat survolté et blast ralenti, ce qui produit un effet stroboscopique et hypnotique, avec la compression qui reflue sur la caisse claire.
Puisqu'on parle de son, la production est très bonne, équilibrée, sans trop d'excès dans les basses et les aigus. Du coup basse et guitares jouent sur un terrain de médiums très large, sans se monter sur les pieds. Mention spéciale au son de caisse claire percutant en profondeur, qui rend les lenteurs aussi menaçantes que les accélérations.

Si certaines chansons demandent du temps pour être apprivoisées, d'autres sont d'une évidence qui vous saute dessus ("Banquet Overflow for the Mind House"). Au milieu de ces chansons très longues, aux structures étirées, "Here Comes the Rain" est une plage ensoleillée, de chanson presque rock, à la manière d'un The Gathering avec le chant de Cindy Sanchez. Mais même ce répit se trouble dans son outro saturé, me rappelant un peu -de très loin et sans ses effets de réverb élastique - The Caretaker, qui a fait de la folie son fonds de commerce et sa raison de vivre. Le bruit, bruitiste - bruit-triste ? fait partie intégrante de cette lente plongée dans le désespoir, dissout les fins de morceaux, où la musique se liquéfie, comme la folie abolit la logique, et le disque lui-même avec "Untitled", qui commence comme un piano démultiplié et saturé, recouvert par des larsens, dive-bombs au ralenti, et divers effets à vocation destructive.
Pour finir, en bonus le groupe rend hommage à un de ses groupes fétiches, Deftones, avec une cover brutale de "Fireal" dont les refrains sont électrocutés de blasts et de screams.

Je dois dire que j'ai pris cet opus violemment intimiste à rebours, en l'écoutant les premières fois sur enceintes ou en voiture, et ne passant au casque qu'à la troisième fois, et cela m'a permis de l'appréhender de loin, avant de m'immerger dedans. Et plus je l'écoutais, plus je ressentais son unité ; d'ailleurs je l'écoute toujours en entier et dans l'ordre des chansons. Nature Morte tient là son album référence si on peut dire, où il a élevé sa musique et l'a magnifiée avec le thême de la folie. Je parlais plus haut de The Caretaker, qui se "contente" de choisir des morceaux souvenirs surranés et de les détruire sur une durée de près de six heures trente ; j'avais le regret qu'il n'ait pas illustré la plongée dans la folie de manière plus imagée, musicale, créative. Nature Morte vient de le faire, dans son style, et de la manière la plus aboutie qui soit.
Ceux qui les ont déjà vus en concert le savent déjà, Nature Morte a un quelque chose en plus, magique ou occulte, c'est selon, qui rend ce groupe capable de toucher au plus profond. "Oddity" le confirme avec éclat.



4 Commentaires

8 J'aime

Partager
Ensiferum93 - 30 Septembre 2023:

Cette chronique est tout bonnement incroyable, tu m'as tenu en haleine du premier au dernier mot. Et quelle plume ! Je ne connais pas ce groupe mais le moins que l'on puisse dire, c'est que ton écrit donne envie. Alors je m'y mets, et un grand merci pour ce moment de lecture claire-voyante, pour reprendre ton jeu de mots smiley

JeanEdernDesecrator - 02 Octobre 2023:

Merci Ensiferum93 ! J'espère que la découverte t'aura plu,  le groupe m'a pas mal inspiré aussi...

Ensiferum93 - 06 Octobre 2023:

Après une première écoute approfondie, je me permets de revenir te partager mon expérience. Le mélange des genres et sonorités en alternance grande violence/pure mélodie m'a beaucoup plu, c'est assez nouveau pour moi. Le travail sur les ambiances est vraiment de qualité, j'espère juste qu'ils n'ont pas passé autant de temps sur leurs paroles, car il m'aura fallu attendre la fin de l'album pour comprendre quelle langue est utilisée (et j'ai encore un petit doute ^^). "L'absence" de prononciation va très bien avec le style et cette mise en avant des ambiances, mais en tant qu'amateur de textes j'admets avoir été dérouté. 
Mais même si je ne suis pas tombé en pâmoison, il y a de fortes chances que j'approfondisse au travers de leurs précédentes productions. Alors un grand merci pour cette découverte qui aura eu le mérite de me faire connaître et ressentir quelque chose de vraiment nouveau, ce qui n'est pas donné à tous les groupes :)  

JeanEdernDesecrator - 15 Octobre 2023:

Merci de ton retour, leurs albums sont assez différents les uns des autres, le premier et le dernier aux extrêmes. Ils ont effectivement un truc en plus et encore davantage en live, si tu as l'occasion de les voir jouer...

    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

Autres productions de Nature Morte