Talia Hoit est une prolifique et talentueuse auteure-interprète, pianiste et orchestratrice étasunienne originaire de Colorado Springs. Si elle a été la claviériste et une auteure du groupe de metal gothique/alternatif
AnaDies cinq années durant, elle est surtout connue pour être la frontwoman, co-auteure et orchestratrice du groupe de metal symphonique
Beyond Forgiveness, et, plus récemment, la claviériste du groupe de black/death mélodique Ob Nixilis.
Parallèlement à cette intense activité de groupe, la belle poursuit une carrière solo : déjà à la tête de deux albums studio réalisés à titre personnel («
Fate's Too Small » en 2007 et « A Little Longer » en
2012), l'artiste nord-américaine ne fondera véritablement son one woman band qu'en 2019, réalisant alors quelque sept singles entre 2020 et 2024, dont trois seront retenus parmi les dix pistes que compte «
Oceans », son premier album full length à titre professionnel. Ce faisant, les 45 optimales minutes de la galette permettront-elles à notre acolyte de se démarquer de ses homologues stylistiques, toujours plus nombreux à se bousculer au portillon ?
Intégralement écrit et interprété par Talia Hoit, ce set de compositions a également requis l'expérience de Frank Pitters (feu-
Dignity, guest chez
Visions Of Atlantis,
Deep Sun,
Ecliptica...) aux claviers et aux orchestrations, Max Stoner à la guitare rythmique et à la basse, Mat Plekhanov (
Dragony,
Red Eye
Temple) à la lead guitare, et de Roland Navratil (ex-
Atrocity, ex-
Edenbridge, ex-
Leaves' Eyes...) à la batterie. De cette collaboration émane un propos rock'n'metal mélodico-symphonique aux relents prog et folk dans le sillage coalisé de
Nightwish,
Xandria,
Amberian Dawn,
Edenbridge,
Dark Sarah et
Visions Of Atlantis (VOA). Inspiré par le thème du nautisme, où la pluralité des représentations relatives à l'océan (tantôt enchanteur et apaisant, tantôt tourmenté et anxiogène) reflèterait celle des émotions et des expériences humaines, cet opus se fait à la fois pulsionnel, introspectif, rayonnant et troublant.
Co-produit par Talia et Frank Pitters (
Deep Sun,
Dragony,
Visions Of Atlantis...), mixé et mastérisé par ce dernier au Silverlinemusic, l'opus n'accuse par l'once d'une sonorité résiduelle tout en bénéficiant d'un mix bien ajusté et d'une belle profondeur de champ acoustique. Par ailleurs, afin de leur assurer une optimale fluidité, les lignes de chant de neuf des dix plages ont été enregistrées par le producteur/ingénieur Steve Avedis (feu-
Hammers Rule, feu-Steel Lace) aux Colorado Sound Studios, le titre «
Stolen » ayant, lui, été enregistré par Bill Douglass (Psyco
Drama,
Transmetal, Hercules Castro) au Royal Recording. Mais embarquons sans plus attendre à bord du vaisseau amiral, en quête de quelque terre d'abondance...
C'est à l'aune des plus magmatiques de leurs pistes que nos acolytes marquent leurs premiers points, et non des moindres. Ce qu'atteste, d'une part, le ''nightwishien'' up tempo « Vastdeep » au regard de son refrain catchy mis en habits de lumière par les envolées lyriques de la princesse et de son éblouissant solo de guitare. Dans cette dynamique, on ne saurait davantage éluder «
Infinity » à la lumière de l'insoupçonnée et grisante montée en régime de son corps instrumental succédant à une entame a-rythmique à fleur de peau ; pourvu de sémillantes séquences d'accords, ce hit en puissance dans le sillage d'
Edenbridge pourrait bien laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon.
Quand la cadence du convoi orchestral se fait un tantinet plus mesurée, le combo trouve non moins les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce à quoi nous sensibilise, tout d'abord, « Castaway », mid tempo progressif aux riffs crochetés, à la croisée des chemins entre
Nightwish et
Amberian Dawn ; doté non seulement d'un break opportun sous-tendu par de délicats arpèges pianistiques – que soufflera une bondissante reprise sur la crête d'un refrain immersif à souhait mis en exergue par les fluides inflexions de la sirène – mais aussi d'insoupçonnés changements de tonalité et d'un grisant final en crescendo, le ''tubesque'' élan ne se quittera qu'à regret. On ne saurait davantage esquiver «
Ocean », mid/up tempo au confluent de
Xandria et d'
Amberian Dawn, eu égard à ses saisissants effets de contraste rythmique entre des couplets à la fois enfiévrés et invitants et un refrain plus en retenue et des plus fondants. Et ce n'est pas le pont techniciste, relevé par un fringant solo de guitare auquel succèdent de truculentes rampes synthétiques, qui nous déboutera de ce hit en puissance, loin s'en faut. Dans cette mouvance, on retiendra encore «
Abyss » aussi bien pour ses sémillants arpèges d'accords que pour ses enchaînements intra piste des plus sécurisants.
Lorsqu'il retient un peu plus les chevaux encore, le collectif parvient également à nous aspirer, et d'un battement d'ailes, dans la tourmente. Ce que révèle, en premier lieu, « Unanchored », mid tempo syncopé au carrefour entre VOA et
Edenbridge, tant pour sa ligne mélodique des plus engageantes que pour son enivrante cornemuse samplée et son flamboyant solo de guitare. On pourra non moins se soustraire aux vibes enchanteresses exhalant des entrailles du romanesque et ''xandrien'' mid tempo « Significance » ; une véritable invitation au voyage en d'oniriques contrées, en somme. Dans cette veine, eu égard à l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre, qu'empruntent les pénétrantes oscillations de la déesse, le ''nightwishien'' low/mid tempo «
Beautiful » s'avère non moins apte à se jouer de toute tentative de résistance à son assimilation.
Mais c'est à l'aune de leurs pièces en actes symphonico-progressives et cinématiques que la troupe serait au faîte de son art. Ainsi, non sans rappeler
Dark Sarah, les polyrythmiques «
Stolen » et «
Island of Hope » déversent leurs quelque 5:28 minutes d'une traversée épique et romanesque, où déambulent les angéliques impulsions d'une interprète bien habitée. S'esquissent alors deux petites fresques abondant en coups de théâtre atmosphériques et rythmiques, voguant sur d'enveloppantes sentes mélodiques, reposant sur des arrangements instrumentaux de fort bonne facture, et instillant chacune un fuligineux solo de guitare dans sa trame. Et, dans un cas comme dans l'autre, la sauce prend sans tarder.
Au final, Talia Hoit et ses compères nous livrent un frissonnant mouvement en guise de message de bienvenue. Ne manquant ni d'allant ni de panache, cet effort poussera assurément le féru de metal symphonique à chant féminin lyrique à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée. Bénéficiant d'une ingénierie du son coulée dans le bronze, variant ses phases rythmiques et ses atmosphères à l'envi, et reposant sur une technicité instrumentale bien huilée, le rayonnant élan n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense. D'aucuns, pour se sustenter, auraient sans doute espéré un propos plus varié en matière d'exercices de style – instrumentaux, ballades et duos manquant à l'appel – ainsi que des prises de risque moins timides qu'elles n'apparaissent. Doté cependant de mélodies, certes, parfois empruntées mais des plus émouvantes et d'une signature vocale aisément identifiable et des plus prégnantes, ce premier opus permet dores et déjà à l'artiste étasunienne d'opposer une farouche résistance face à ses nombreux challengers. Affaire à suivre...
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