Revenir sur ses pas aide parfois à avancer. C’est la méthode choisie par le combo américain «
Malice » pour venir se rappeler à notre bon souvenir. Il est vrai aussi que le nom de la formation s’est vu longtemps égaré dans le fin fond de la période des années 80. «
Malice » avait produit à cette époque deux albums: « In the Beginning » en 1985 et «
License to Kill » en 1987. Leur carrière connaîtra une longue interruption après l’Ep «
Crazy in the Night » sorti en 1989, jusqu’en 2006, date de la reformation du groupe autour des guitaristes Jay Reynolds, Mick Zane, et du bassiste Mark Behn. Ils s’accompagnent dès lors du batteur de « Black N’ Blue », Pete Holmes et du chanteur de «
Vicious Rumors », Brian Allen. L’aventure de ce dernier au sein de «
Malice » ne durera qu’un temps. Il aura pour successeur le vétéran de la scène américaine James Rivera, également membre chez «
Helstar ». Ensemble, ils s’attèleront au retour dans les bacs de l’ancienne formation heavy metal, en réenregistrant plusieurs de ses anciens titres des années 80.Ce n’est pas vraiment un nouvel album, plus une remise au goût du jour. Pourtant, viendra se greffer au produit «
New Breed of Godz » quatre nouvelles chansons, cette fois sans la présence du bassiste historique Mark Behn, entre-temps remplacé par Robert Cardenas (ex-
Agent Steel). Que les adorateurs se réjouissent, l’ancien prêtre est ramené à la vie. Cependant, ces réjouissances ne dureront qu’un court moment, le temps qu’ils s’aperçoivent que la momie renaissante a perdu l’étendue de sa sorcellerie.
Nous avons donc un opus avec huit morceaux réenregistrés (quatre tirés d‘« In the Beginning », quatre autres de «
License to Kill ») et quatre nouvelles compositions. Commençons par ceux réenregistrés, ceux qui remémoreront la gloire passée. « Hellrider » ressort de nouveau ses sonorités motorisées. Le son serait en revanche remis à neuf, accentuant davantage les influences portées à «
Judas Priest ». C’est surtout vrai en ce qui concerne le riffing plus endiablé que jamais, et le chant de James Rivera copié à Rob
Halford, se différant ostensiblement de celui de son ancien homologue James Neal. Ce qui est dommage, c’est que l’on constaterait une exécution, somme toute, identique un peu partout dans l’album, au point d’en devenir linéaire. Ainsi, même un titre de l’envergure d’« Against the
Empire » ne bénéficierait plus du tout de la fraîcheur que l’on pouvait retenir de son original. Il s’écoulera donc sans que l’on y fasse plus attention.
L’énergie est au rendez-vous. On ne pourra pas leur ôter ça. C’est vrai que la rythmique semble plus aguerrie à ce qui se faisait autrefois. Paradoxalement, plus enflammés, les brûlots en deviendraient réchauffés. Pour exemple, « Godz of
Thunder », incontournable du groupe, serait amené à ressembler aujourd’hui à un croisement bâtard entre «
Manowar » et «
Judas Priest ». Sans doute faute au battement ininterrompu et rigide de Pete Holmes, qui n’aura pas soulevé l’enthousiasme tout le long de cet ouvrage. N’oublions pas non plus James Rivera. Son engagement est total, certes, mis très en avant d’ailleurs, peut-être même au dépend des instruments qui se contenteraient de ramer derrière. Le problème avec lui, c’est qu’il pousse de manière exagérée sa voix dans les aigües. À la longue, y compris pour un seul titre, sachant en plus qu’il constitue un élément proéminent, dévoreur sur l’ensemble des pistes, s’en serait presque trop. Cela manquerait de peu d’envoyer «
Sinister Double » par le fond.
Heureusement, il se retiendra de surjouer sur les couplets de «
Circle of
Fire », mais ce titre d’inspiration maidenienne n’offre décidément pas la profondeur qu’il avait à l’époque. Faute aux guitaristes et au batteur cette fois, en pleine récitation tendue devant leurs petits camarades. « Stellars Masters » aurait encore de bons restes. On sent malgré tout une perte de niveau de la part des membres. Ils auront l’occasion de redorer leur blason sur le virevoltant « Air
Attack » que l’on croirait sorti d’un « Screaming for
Vengeance ». La version
2012 de «
Chain Gang Woman » descendrait elle davantage d’une pièce du calibre « British Steel ». Enfin, on ne finira donc pas de rappeler ce renfort priestien à des œuvres qui s’en sont déjà principalement influencées.
Après ces titres réenregistrés, qui nous laisseront une impression en demi-teinte, venons-en à ces fameuses nouvelles compositions. En premier lieu, «
New Breed of Godz », le titre éponyme, cherchant à s’apparenter par son nom à l’illustre morceau du groupe « Godz of
Thunder ». On retiendra son riffing abrupte, une puissance qui n’est pas désagréable, jusqu’à l’intervention des chœurs dans le pré-refrain. C’est vrai qu’à côté des couplets le pré-refrain et le refrain ont l’air franchement déstructurés et patauds. Il y a du plomb dans l’aile, et l’inquiétude du futur de la formation se fera immédiatement ressentir quand viendra le poussif « Branded ». Aucune sensibilité dans le jeu. La batterie compacte et sans âme enterre un peu plus l’espoir à chacun de ses coups. Elle ose persister dans son erreur sur « Slipping Throgh the Cracks ». Un titre qui tente un ton à la fois amusé et inquiétant. James Rivera aurait-il compris que la performance est lamentable? Il avait pourtant essayé de sortir les marrons du feu sur «
Winds of Death », se présentant plus comme une ballade. Nous retiendrons malgré une maladresse palpable cet aspect d’hymne que revêt assez ingénieusement le refrain. On comprend pourquoi ils ont inclus leurs anciennes chansons aux nouvelles. «
Malice » réinvente la technique du cache-misère.
Rien de comparable avec ce que le groupe a pu faire dans les années 80, donc. Les morceaux ne pourront objectivement être considérés comme mauvais, mais ils sont sans commune mesure avec les originaux. Ce n’est plus la même maîtrise, ni la même envie. Ce n’est plus exactement la même recette. On y aurait rajouter davantage de «
Judas Priest » en ingrédient. Le bilan sera d’autant plus cruel, quand on viendra à se pencher sur les quatre nouveaux morceaux que «
Malice » nous propose après une longue période aux abonnés absents. Absolument consternant. Passé les interrogations et l’amertume, l’opus amadouera certainement les néophytes du groupe, qui redécouvriront quelques perles du heavy metal d’autrefois dans une version juste moins flatteuse. Les nostalgiques et tous ceux qui attendaient avec impatience un troisième album studio de cette vieille légende américaine vont en revanche s’en mordre les doigts.
12/20
L'erreur est humaine, non ?
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