C'est promis, c'est juré, le nouveau président des États-Unis va réindustrialiser l'Amérique. Mais chacun sait que la mascotte du parti républicain, l'éléphant, ça Trump énormément (Désolé, j'ai pas pu résister). Aussi certains citoyens USiens ont-il pris les devants : on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Pittsburgh, ancien haut lieu de la sidérurgie, est aujourd'hui un désert industriel. Sous le patronyme collectif de Legendry, deux de ses enfants, experts en métallurgie musicale, ont décidé de relever le gant et de faire couler de nouveau l'acier en fusion depuis des haut-fourneaux électriques.
Make America great again : Vidarr (guitars, vocals, bass and swords) et Kicker (drums, percussion and necromancy) n'ont pas attendu le Donald pour s'y atteler avec talent et générosité. On doit d'emblée saluer l'art des musiciens : la guitare est exceptionnelle, la batterie enthousiasmante et la basse très loin d'être anodine. Nul n'est prophète en son pays, c'est bien connu. Après un EP auto-produit, Legendry trouve dans le label portugais Non Nobis Productions, vieux routier de l'underground, le vecteur qui lui permettra de publier ce premier album «
Mists of Time », résultat d'un long travail de deux ans. Et quel travail !
Le duo (qui s'adjoindra par la suite un troisième larron pour jouer la basse en concert) ne cache rien de ses inspirations : pour les textes, le papa de
Conan, R.E. Howard ; pour l'ambiance picturale, Franck Frazetta ; et pour la musique, par
Crom, quelle tournée des grands ducs !
Omen,
Cirith Ungol,
Manowar, Maiden,
Saxon, Judas, j'en passe. Et le premier de tous,
Manilla Road, honteusement méconnu jusqu'au début du siècle et qui commence à influencer ouvertement un nombre croissant de nouvelles formations.
C'est peu dire que l'esprit du
Manilla Road époque « Crystal Logic » est omniprésent dans ce «
Mists of Time ». L'illustration naïve de la pochette du disque (œuvre de Vidarr), ce barbare marchant l'épée au poing vers des ruines de temples grecs, évoque celle de ce même album du trio de Wichita. À l'instar de leurs compatriotes de
Visigoth l'année précédente, Legendry nous gratifie d'une fluide et véloce reprise de ce titre jubilatoire qu'est Necropolis. Le placement de voix de Vidarr est similaire à celle de Mark Shelton, avec moins d'incursion dans les aiguës, et en plus quelques « Huh » qui ponctuent judicieusement ses textes. Si l'on ne retrouve pas l'expressivité sheltonienne dans son timbre un peu monocorde, le mixage en retrait de sa voix donne à la musique une profondeur, un air de mystère bien en phase avec l'univers de
Manilla Road : comme s'il chantait derrière un voile (d'une existence négative?).
On peut s'amuser à égrener la liste des influences de Legendry à travers leurs chansons.
Manilla Road s'y taille la part du lion : l'intro aérienne Cimmeria, avec son texte narré au vocoder, évoque immanquablement celle de Necropolis, les légères touches de basse en plus ; le long morceau final,
Winds of Hyboria, rappelle, en plus linéaire, les longues envolées épiques des cow-boys du
Kansas ; le riffing simple et tout d'efficacité, rehaussé sans cesse par des soli et des leads impériaux, est typiquement roadien, notamment sur
Phoenix on the Blade, et pour partie, sur For
Metal we Ride et
Mists of Time.
Avec une pointe de
Cirith Ungol, on retrouve
Manilla Road dans le saccadé
Attack ot the
Necromancer, mais un
Road antérieur à « Crystal Logic », dans sa période psychédélique et brouillonne. La fougueuse cavalcade up tempo Ancestors' Wrath nous offre un riffing aux évidentes influences Priestiennes, de même que le début de
Phoenix on the Blade. Et comment ne pas penser aux illustres Suédois de
Heavy Load à l'écoute de For
Metal We Ride ? Même musicalité prenante, même riffing fermement ancré dans l'épopée, même métaphore guerrière pour un hymne au
Metal : c'est The Guitar Is My
Sword version 2016 et made in Pennsylvania. Quant au pesant riff introductif repris en refrain de
Mists of Time, il est sabbathien en diable.
Legendry démontre un imparable sens de la composition et délivre des morceaux contrastés qui n'engendrent jamais la monotonie. Il inclut dans ses titres de fréquentes variations de rythme et/ou de tons (For
Metal We Ride,
Phoenix on the Blade,
Mists of Time) ; de nombreux soli, souvent travaillés à la wha-wha, viennent scander un même morceau :
Attack of the
Necromancer, par exemple. Un long passage progressif et instrumental vient alléger avec finesse le gros riff d'un
Phoenix on the Blade. Des corps étrangers au Heavy rehaussent opportunément certaines plages : des percussions tribales ouvrent
Attack of the
Necromancer, un air typiquement folk celtique revient régulièrement aérer le lourd
Winds of Hyboria. On peut aussi évoquer l'intro en arpège (qui présente aussi une petite tonalité folk) de For
Metal We Ride ou les légers claviers de
Phoenix on the Blade, joués par Drea, la compagne de Vidarr.
Dernière influence de
Manilla Road en guise de clin d’œil, Legendry est assez bon en matière de « Mystification » : il maîtrise notamment fort bien l'art de la fausse sortie.
Winds of Hyboria semble mourir une première fois avant que ne repartent les samples de vent violent et qu'un sombre récitatif sous-tendu par la basse ne vienne réellement clôturer le titre. On jurerait que For
Metal We Ride se termine sur une outro ressuscitant les calmes arpèges du début, lorsque le groupe reprend et répète subitement sur un rythme de furieux le refrain à la noble injonction.
Alors bien sûr, il n'y a rien de révolutionnaire dans la musique de Legendry. Les groupes actuels ne sont-ils pas tous des nains juchés sur des épaules de géants ? Sans doute, mais certains nains sont plus grands que d'autres, et dans ce cas, la jeune formation de Pittsburgh est de la trempe d'un Thyrion Lannister, personnage phare de la série Games of
Thrones. Il faut voir «
Mists of Time » comme une cathédrale gothique : chaque pierre de ses arc-boutants et de ses croisées d'ogives est frappée du poinçon des plus grands artisans du Heavy
Metal, mais la majestueuse harmonie de l'édifice doit tout à son génial architecte. Si l'expression commerciale et galvaudée de « new wave of traditional Heavy
Metal » a une quelconque utilité, c'est avec un Legendry qu'elle prend sens.
Divine surprise de l'année 2016, ce premier album va être attendu au tournant. Ce magistral essai sera-t-il transformé de la plus belle manière par son futur successeur ? On ne peut que prier
Crom et l'espérer. Que ce fier refrain soit désormais l'ardente et indéfectible devise de Legendry :
« We fight for our glory
We fight for our pride
Heavy
Metal tells our story
For
Metal we will ride ! »
D'abord, si tu te mets à chroniquer des albums de 2016, on va plus s'en sortir. Et les anciens alors?
Ensuite, je n'ai pas apprécié que tu fasses une infidélité au palmipède en évoquant le grand duc. Chacun sa volaille merde!
Mouais, je suis pas super fier là tout de suite...
Plus sérieusement, le titre que tu as posté récemment sur le forum m'avait bien plu mais j'avais eu du mal avec le chanteur. A voir sur la durée d'un album et avec le temps car cela pourrait changer bien des choses. Et puis tu as rarement mauvais goût :-)
Salut coin coin. As tu eu l'occasion d'écouter le nouvel album du groupe? Y'a une cover vraiment sympa du "Swords of Zeus" de Lords of the Crimson Alliance. Aprés celle de Manilla Road ici, y'a pas à dire, ce groupe sait choisir ses reprises. Toujours un peu de mal avec le chant en ce qui me concerne. Dommage car la musique me plait.
Leur second album est excellent, Sam, mais je le trouve moins immédiat, plus exigeant. Plus profond aussi : du genre à se bonifier au fil des écoutes, la première pouvant paraître presque décevante au regard du premier, beaucoup plus direct. Legendry s'écarte un peu du mood revival épique pour fricoter avec le hard et le rock prog des seventies. Et oui, la reprise de LOTCA (quel putain d'album, aussi!) est excellente, même si ce n'est pas le meilleur titre à mon goût (je pense qu'il était un peu "imposé", vu que Vidarr n'a pas la capacité de Far Cry à escalader les aigües. En tous cas, j'ai apprécié la capacité de ce groupe à se renouveler avec intelligence et à-propos, le second album devrait te plaire, Sam, si tu bloques pas trop sur le chant. Je le chroniquerai peut-être un jour (promesse de canard ivrogne...).
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