S'il est des formations soucieuses de se laisser le temps nécessaire à la pleine maturité de leurs gammes et de leurs arpèges, ce combo hellénique serait assurément du nombre : s'il réalise son introductif et grisant EP, «
Haunted Heart », l'année même de sa sortie de terre, en 2017, le groupe athénien nous fera patienter quelque cinq années avant de nous livrer son premier et rayonnant album full length «
Vertalia » ! Après une longue période de latence, ce n'est qu'en 2025 que le phœnix renaîtra de ses cendres, insufflant, tout d'abord, deux singles – «
Somnia » et «
Chaos » – soit deux des huit pistes de son second et présent EP : «
Metamorphosis ». Modeste de ses 34 minutes, cette auto-production serait-elle à même d'offrir à nos gladiateurs une arme suffisamment efficace pour se jouer de l'âpre concurrence dont cet espace artistique est le théâtre ? A l'aune de ses arguments, cette rondelle permettrait-elle dès lors à nos acolytes d'envisager de rejoindre les valeurs confirmées du si convoité registre metal symphonique à chant féminin ?
Dans cette nouvelle aventure, le trio d'hier se voit mué en un frugal duo, conjuguant dorénavant les talents de Nancy Mos (parolière et mezzo soprano au timbre proche de celui de Manuela Kraller (ex-
Xandria)) et de George Halliwell – claviériste, orchestrateur et producteur de son état – le guitariste/bassiste
Gregory Koilakos ayant, quant à lui, quitté le navire. Pour l'occasion, ont été requis les apports de : Alex Chelmis à la basse, Sakis Vlachakis (
Decemberance,
Shattered Hope...) aux guitares et Giorgio Tzitsifas à la boîte à rythmes. Afin de densifier un tantinet l'espace oratoire, la part belle a été faite aux chœurs : pas moins de huit choristes, conduits par Katerina Vasilikou, sont venus prêter main forte à nos acolytes. Excusez du peu !
Conformément à leurs aspirations premières, nos acolytes nous replongent dans un espace metal mélodico-symphonique aux relents cinématiques, opératiques et progressifs, à nouveau dans le sillage de
Nightwish,
Dark Sarah et
Xandria. A l'instar de sa devancière, cette œuvre à la fois volontiers solaire, parfois intrigante et complexe, un brin romantique, a été produite par George Halliwell, et mixée et mastérisée au Matrix Recording Studio par Yiannis Petroyiannis (Illusory). En découle un mix bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation, une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut et des finitions passées au crible. De quoi nous intimer de suivre nos flibustiers dans leurs pérégrinations...
C'est sur une mer d'huile que démarre notre traversée. Ce faisant, le rideau s'ouvre sur une brève mais poignante entame instrumentale d'obédience symphonico-cinématique ; pourvu d'arrangements ''nightwishiens'' de fort bonne facture et d'une soufflante chorale, le violoneux et progressif élan, « Mnemosyne », annonce dores et déjà la couleur des intentions de nos compères...
Comme il nous y a accoutumés, le collectif nous octroie ces schèmes d'accords aptes à nous aspirer durablement dans la tourmente, à commencer par ses plages les plus enfiévrées. Ce à quoi nous sensibilise, en premier lieu, «
Somnia », ''xandrien'' mid/up tempo aux riffs épais et pourvu d'un léger tapping ; égrainant des couplets finement ciselés, relayés chacun d'un refrain immersif à souhait mis en habits de soie par les magnétiques envolées lyriques de la sirène, et recelant d'insoupçonnées et grisantes montées en régime de son corps orchestral, le ''tubesque'' élan poussera assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure évanouie. Dans cette dynamique, on ne saurait davantage éluder le chevaleresque mid/up tempo «
Chaos » eu égard à l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre et à son break opportun, mis en exergue par une imposante muraille de chœurs que rien ni personne ne songerait à enrayer la marche en avant. Non sans renvoyer à
Dark Sarah, et là encore souligné par les célestes ondulations de la déesse, ce hit en puissance ne se quittera qu'à regret. Sans doute l'une des pépites de la galette.
Quand le propos se fait un poil plus tourmenté et énigmatique, nos compères trouvent là encore, et d'un battement de cils, les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce qu'atteste « Cosmos », up tempo aux riffs acérés dans la veine d'un
Nightwish des premiers émois ; pourvu d'arrangements orchestraux aux petits oignons, d'inaltérables et virulents coups de boutoir tout en sauvegardant une sente mélodique des plus enveloppantes, où se greffent les pénétrantes oscillations de la diva, l'épique et opératique mouvement fera à son tour plier l'échine à plus d'une âme rétive. Et ce n'est pas le fringant solo de guitare octroyé qui nous déboutera davantage du sémillant mouvement, loin s'en faut.
Lorsque la cadence se fait un brin moins vive, la troupe parvient à nouveau à nous rallier à sa cause. Ce que révèle l'altier et opératique low/mid tempo «
Metamorphosis » au regard de ses enchaînements intra-piste ultra sécurisés et de son émouvant lyrisme. Inoculé par de complexes arpèges d'accords mais non moins porté par un paysage de notes des plus radieux et une chorale en liesse – corroborant les angéliques modulations de la maîtresse de cérémonie – ce romanesque méfait à mi-chemin entre
Nightwish et
Xandria trouvera à n'en pas douter écho auprès d'un auditorat déjà familiarisé avec les vibes de ces maîtres inspirateurs.
On pourra, enfin, s'immerger au cœur des versions orchestrales de trois des pistes sus-mentionnées : ainsi, bien que dépourvu de sa section rythmique, et en raison d'orchestrations finement sculptées et des plus ensorcelantes, cette mouture de «
Somnia » offre une heureuse alternative à l'originale ; difficile également d'esquiver la sculpturale version orchestrale de «
Chaos » qui, tout en sauvegardant son invitante sente mélodique et son armature oratoire dans son entièreté, ne se fait guère moins impactante que sa ''metalisante'' sœur.
Plus surprenant encore, le frénétique « Cosmos » se voit ici mué en un a-rythmique et frissonnant élan. Et la magie opère, une fois encore.
Au terme d'un parcours à la fois mouvementé, enivrant et des plus émouvants, d'aucuns pourront ressentir l'irrépressible envie d'y revenir dès la chute finale amorcée, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité. Diversifié sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, affranchi de tout frustrant bémol harmonique et pouvant compter sur une ingénierie du son de bon aloi, c'est à une croisière sans escale prématurée que nous convie le troublant méfait. Pour gagner en épaisseur artistique, il conviendra toutefois que le message musical soit moins emprunté qu'il n'apparaît et que nos acolytes en viennent à consentir l'une ou l'autre prise de risque. Carences néanmoins partiellement compensées par une technicité instrumentale affermie, une signature vocale aisément identifiable et des plus magnétiques. Aussi, en dépit de son modeste format, cet opus contribuerait à asseoir plus encore la formation grecque parmi les valeurs montantes, soit à un cheveu des valeurs confirmées, de cet environnement metal. Qui pourrait bien arrêter la colombe athénienne en plein vol ?...
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