S’extirper. S’enfoncer dans les ténèbres pour répandre son venin et le chaos en marge de la communauté. Profondément seul, déverser sa haine…
C’est le sentiment qui émanait d’"
Hydra Lernaïa", le premier opus d’Eryn Non Däe, publié par
Metal Blade et voyant le jour à une période où le postcore et le djent étaient sur le point d’émerger définitivement. Un premier opus à la noirceur abyssale, tourmenté et malsain mais qui témoignait d’une grande maîtrise technique.
Trois ans plus tard, tandis que "Meliora" nait dans une certaine effervescence, il est salvateur de remarquer à quel point, aujourd’hui, Eryn Non Däe est en marge des autres. Rejetant les productions surpuissantes et sans âme, abandonnant la technique ostentatoire et inutile, dépouillant ses compositions pour en faire ressortir les ambiances les plus crues et sales, le quintet ne fait absolument aucune concession sur sa façon de voir son art.
Enregistré comme son prédécesseur au Conkrete Studio, "Meliora" bénéficie d’un son à l’aura noire considérable, d’un grain de saleté qui avait déjà différencié "
Hydra Lernaïa" des autres et qui atteste désormais au groupe d’une identité et d’une production résolument personnelles et uniques. L’ambiance du groupe est reconnaissable dès les premiers instants, et s’inscrit dans un certain paysage français actuel, que l’on pourrait parfois rapprocher d’
Hypno5e ou
Nojia (le bassiste, Mickaël André, étant le guitariste et compositeur de ce dernier). Il suffit de plonger dans "
Chrysalis" pour le remarquer, véritable apnée dans les ténèbres et les profondeurs du malaise social et mental. Les riffs sont froids mais pourtant très épais, les arrangements ont pris une densité bien plus grande et le chant de Mathieu est encore plus noir même si, paradoxalement, il varie ses vocaux de manière plus claire, plus audible et articulée qu’avant. Le second paradoxe vient de l’ambiance elle-même, plus chaotique encore que sur le premier album, mais laissant filtrer plus de lumière, certes masquée par la brume des arrangements et de cette production rugueuse, mais pourtant bien existante, notamment dans certains chorus de guitares qu’on pourrait presque qualifier de mélodiques, ou tout du moins atmosphériques.
Majoritairement très longues, les compositions forment un bloc homogène qu’il est très difficile de percer au début. "The Great Downfall" débute dans une ambiance très proche de ce que compose aujourd’hui Trent Reznor, particulièrement la BO de "The Social
Network". Inutile de préciser que la simplicité d’accès n’est clairement pas de mise dans le cas présent. La voix de Mathieu, très profonde, ample et violente, est également difficile à cerner tant elle semble cathartique de sa personne, et de surcroit très personnelle. Justement à l’instar du "Solarchitect" de
Nojia, la musique devient si opaque qu’il est parfois difficile de nous-même émerger, de réellement comprendre ce qu’il se passe pour pouvoir s’oxygéner.
Évidemment, des morceaux plus brutaux et ouvertement agressifs rendent l’ensemble plus digeste et « accessible », particulièrement le vindicatif "Muto", à l’introduction des plus bordéliques, ou le très technique "Ignitis" qui prendrait presque des inspirations techniques modernes que l’on n’aurait pas pensé entendre sur "Meliora". Néanmoins, l’interprétation, elle, se veut bien plus chaude et résolument charnelle, ressentant la réelle violence plutôt qu’un mur de son monolithique. Les différentes couches de guitares, mélodiques et en nappes, créées un contraste intéressant malgré le fait que, encore une fois, il est parfois difficile de suivre le groupe dans ses ambiances, tant le tout se veut crade et finalement dur à encaisser.
C’est peut-être le seul reproche à faire à "Meliora", que sa difficulté d’accès puisse le priver d’un certain nombre d’auditeurs. Car il ne s’agit pas ici de technique, de réelle originalité dans le fond mais véritablement dans la forme, dans l’étouffement que procure le son et la répétitivité intensive de l’ambiance qui rend difficilement écoutable l’album dans sa globalité sans vouloir à un moment revoir un tant soit peu de lumière. Il serait, pourtant, injuste de renier la très grande qualité de composition de cet album. L’autre longue pièce, "Black
Obsidian Pyre", très ambiante et travaillée, témoigne d’une profondeur rare et d’un travail sur les ambiances poussé à son paroxysme.
"Meliora" est un second album qui confirme définitivement la personnalité anticonformiste d’Eryn Non Däe, mais n’est pas pour autant supérieur au très impressionnant "
Hydra Lernaïa". Une sensation de lassitude peut découler de son écoute, ou même d’épuisement devant cet abattage de négativité et de noirceur, provoquant justement cet obstacle à l’écoute intégrale de l’album. Il est certain qu’il n’est pas album à mettre entre toutes les mains, et encore moins à faire tourner en boucle chez certains esprits…sous peine que la dépression qui l’emplit soit trop grande…vraiment trop grande…
J'y vais de ce pas!
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