Encore un énième groupe de metal symphonique à chant féminin, sans doute voué, comme tant de ses pairs à une disparition prématurée des tabloïds, me direz-vous ? Et qui, dans un registre où la concurrence demeure féroce, pourrait bien songer à vous donner tort... à quelques nuances près toutefois ! Ce serait faire fi de la solide expérience studio et des talents conjugués de ce quintet portugais créé en 2022 à Queluz, ville située dans la région de Lisbonne. Prudent dans sa démarche, car conscient des risques courus à se lancer tout de go dans la bataille, le combo ibérique n'accouchera de son premier et présent album studio, «
Malignea », qu'un an plus tard.
Signé chez le puissant label portugais Erthereal Sound Works, le méfait n'affiche guère plus de 7 pistes au compteur, néanmoins égrainées sur un ruban auditif généreux de ses 52 minutes. Quels seraient alors leurs atouts pour faire de nos acolytes de sérieux challengers face à leurs si nombreux opposants, dont de jeunes loups aux dents longues ?
A bord de l'embarcation, nous accueillent cinq ex-membres du groupe de doom gothique portugais
Dogma, dont : la mezzo-soprano au troublant vibrato, Isabel Cristina (
Insaniae), suivie des guitaristes João Pedro Ribeiro (My
Enchantment) et Luís Possante (
Insaniae), du bassiste Miguel Sampaio, et du batteur Luís Abreu (
Beyond Carnage, ex-
Gwydion). De cette collaboration de longue date émane un propos metal symphonique progressif à la fois épique, un brin énigmatique, pétri d'élégance et aux troublants effluves ibériques, dont les influences de
Nightwish,
Stream Of Passion,
Diabulus In Musica,
Fortaleza, Elessär, Anabanta et
Atargatis se font tour à tour sentir. Pour optimiser l'impact de son set de compositions, le collectif a soigné sa production d'ensemble, à commencer par une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut et un regard attentif porté aux menus détails. Mais levons plutôt l'ancre aux fins d'une croisière que l'on espère sécurisée, voire ponctuée d'enchanteurs rivages...
Comme souvent dans ce registre, le bal s'ouvre sur une brève entame opératico-cinématique. Ce faisant, l'a-rythmique et aérien « Lasciate Ogni Speranza » laisse entrevoir un fin picking à la guitare acoustique surmonté d'une imposante muraille de choeurs. Un éveil en douceur ayant toute sa raison d'être, mais contrastant avec la dynamique insufflée par ses voisins de bobine...
Contrairement à moult de ses pairs, la troupe a misé ses espoirs de l'emporter par le truchement d'amples pièces en actes symphonico-progressives ; une réelle prise de risque consentie, à l'heure où leurs homologues tendraient aujourd'hui à resserrer leur message musical pour espérer impacter plus immédiatement leur auditorat, mais parfaitement assumée par nos compères. Ainsi, calé sur une mélodicité toute de fine nuances cousue et mis en habits de lumière par les magnétiques inflexions de la sirène, le graduel et ''anabantien'' «
Morte Vermelha » nous immerge quelque 8:22 minutes durant dans un océan de félicité. Démarrant et s'achevant telle une langoureuse ballade, une insoupçonnée et grisante montée en régime du corps orchestral attend cependant le chaland à mi-morceau. Et la sauce prend, in fine. Dans cette énergie, on ne saurait davantage éluder « Universo 25 » tant pour l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à emprunter que pour ses truculents gimmicks guitaristiques.
Plus complexe techniquement mais guère moins rayonnant ni moins surprenant, ce mid/up tempo à la confluence de
Fortaleza et d' Elessär pourra, à son tour, faire plier l'échine à plus d'une âme rétive.
Tout aussi opulents mais moins directement orientés vers les charts, certains espaces d'expression détiennent quelques clés pour nous retenir un peu malgré nous. Ce qu'atteste, d'une part, « Farol dos Malditos », une polyrythmique offrande au carrefour entre
Diabulus In Musica et
Atargatis ; abondant en coups de théâtre, reposant sur des enchaînements intra piste des plus sécurisants et mis en exergue par les poignantes impulsions de la déesse, et en dépit de persistantes linéarités mélodiques, l'opératique et intrigant méfait n'aura pas tari d'armes pour asseoir sa défense. On pourra également s'orienter vers «
Sanguis Lunae », une fresque à la fois épique et opératique, dans le sillage coalisé d'Anabanta et
Fortaleza, déroulant ses 9:32 minutes d'un spectacle aux moult rebondissements. Variant ses phases rythmiques à l'envi et empreint de délicates senteurs ibériques, mais nous menant par moments sur quelques chemins de traverse, la pléthorique ritournelle pourra alors nécessiter quelques écoutes circonstanciées avant de prendre l'aficionado du genre dans ses filets.
Quand il écourte quelque peu son propos, s'il parvient à aspirer le tympan à l'aune de certains arpèges d'accords, le combo accuse toutefois quelques bémols susceptibles d'atténuer sa portée. Ce qu'illustre, en premier lieu, «
Maligna », mid tempo aux riffs épais, à la croisée des chemins entre Anabanta, Elessär et
Stream Of Passion. Pourvu de couplets finement ciselés, relayés chacun d'un refrain immersif à souhait et mis en relief par les fluides volutes de la maîtresse de cérémonie, et agrémenté d'un flamboyant solo de guitare pour clore le chapitre, le manifeste aurait les atouts pour nous assigner à résidence, si n'est son break éthéré, semblant inlassablement s'étirer, qui ne s'imposait pas. D'une durée équivalente, mais un poil plus véloce, l'orientalisant mid/up tempo « Cirenaica » envoûte tant par sa chatoyante atmosphère que par les troublantes modulations de la princesse, alors égrainées sur une sente mélodique enivrante. On regrettera cependant de se voir égaré par des schèmes d'accords éminemment complexes, voire insaisissables.
Le pari de baser l'essentiel de son message musical sur de corpulents espaces d'expression était osé pour le quintet portugais. D'aucuns auraient sans doute espéré des exercices de style plus variés qu'ils n'apparaissent. Affichant toutefois un réel potentiel technique sur les plans instrumental et vocal, tout en ayant soigné son ingénierie du son et esquissé une mélodicité le plus souvent agréable, à défaut de se faire imparable, la troupe disposerait dores et déjà de quelques armes pour espérer jouer les outsiders. Mais, pour l'heure, ces dernières s'avèrent insuffisamment efficaces pour envisager d'essaimer leurs riffs à l'international. Bref, un troublant et subtil mais tortueux mouvement esquissé par la formation ibérique...
Note : 12,5/20
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