Encore un énième groupe de metal symphonique à chanteuse puisé parmi tant d'autres, dont la plupart ont été prestement voués à un funeste destin, me direz-vous, et vous auriez raison. Seulement, ce jeune quintet provençal, initialisé en 2007 par le guitariste Nicolas Rey et le bassiste Loris Guillen, s'est laissé le temps de mûrir son projet, pour nous octroyer ses premières et captatrices compositions à l'aune du flamboyant EP « Words in Time », sorti 4 ans plus tard. En outre, le combo s'est beaucoup investi sur scène, ayant notamment partagé l'affiche avec ses compatriotes
Benighted Soul,
Markize ou encore
Whyzdom. Fort de ses expériences passées et d'un accueil favorable auprès d'un auditorat grandissant, le groupe décida d'impulser une dynamique nouvelle à l'instar de son premier album full length dénommé « Lumen » ; généreuse et énergique galette de 53 minutes où s'enchaînent sereinement 10 pistes metal mélodico-symphonique aux effluves de
Nightwish,
Delain, ou encore
After Forever ou Revamp, tout en témoignant d'un message musical singulier.
Rejoints par Pablo San Matin (batterie), Stanislas Dinnequin (guitare) et Jessica Donati (frontwoman), nos deux acolytes développent un propos énergique, vibrant, parfois saillant, voire romantique, à la belle esthétique mélodique, dans lequel on se laisse surprendre et où l'émotion souvent finit par nous gagner. Bref, on effeuille une œuvre magnétique, mise en exergue par une ingénierie du son plutôt soignée, que l'on doit à Cristian Coruzzi et Wahoomi Corvi (au RealSound Sudio, à Parme (Italie)). De plus, l'auditeur jouit d'un mixage ajusté signé Pablo, lui-même, associé à Loris, ayant assuré la production d'ensemble du skeud. Quant à l'artwork, il a été laissé à la patte experte de Jessica, celle-ci ayant privilégié le noir et blanc et différentes nuances de gris pour la réalisation de la sobre jaquette de l'opus. Une mise en bouche qui a de quoi nous interpeller et piquer notre curiosité quant à l'écoute de la pléthorique rondelle.
Là où la combo se montre des plus captivants concerne les titres les plus tumultueux, qui sont autant de bombes prêtes à fouetter en les encensant nos pavillons. On retiendra en premier lieu le rageur et vrombissant «
Haven » qui, dans la lignée d'
After Forever, déploie d'ondulantes nappes synthétiques parallèlement à des riffs corrosifs. Soutenu par les profondes et puissantes envolées de la sirène, à la manière de
Floor Jansen, prenant l'ascendant sur un entêtant refrain, le magmatique propos prend alors tout son sens, celui-ci ne nous lâchant pas une seule seconde. De même, le virulent et syncopé « Enclosure », à mi-chemin entre
After Forever et
Epica, tel un cyclone inattendu, nous secoue le tympan tout en nous immergeant dans un bain mélodique des plus hypnotiques. Dans cette mouvance, des riffs lourds, tournoyants et répétitifs, non sans rappeler
Apocalyptica, immergent l'avenant « Disclosure » dans une saisissante torpeur. Magnifié par les attaques de la mezzo-soprano, partiellement secondée par des growls en arrière-fond, l'incisif morceau prend, lui aussi, aux tripes. Enfin, dans la veine d'
Epica, l'entraînant « As It Wanes », non moins pétri d'énergie, offrant couplets envoûtants et refrains immersifs à souhait, se placerait lui aussi en bonne place dans les charts. Une kyrielle de titres de pure jouissance auditive, en somme. Mais là ne s'arrête pas le spectacle, sur un mode opératoire alternatif.
D'autres passages non moins offensifs s'offrent à nous, mais s'avèrent moins immersifs que prévu, et ce, en dépit de superbes lignes mélodiques octroyées. D'une part, le virulent « Within
Flesh » distribue ses coups de boutoir sur une rythmique endiablée et progressive surmontée de riffs plombants et graveleux, dans le sillage de
Delain. Doté d'un refrain efficace, enjolivé par les chatoyantes patines de la déesse, et d'un mordant qui rarement accuse une quelconque baisse de régime, ce magmatique effort aux airs d'un hit en puissance ne ratera pas sa cible. On regrettera cependant une clôture basée sur de linéaires effets de distorsion, qui s'étire en longueur, atténuant d'autant la portée de cette piste. D'autre part, le saillant et contrasté « Lumen » regorge de gimmicks à la lead guitare, de blasts bien sentis et de riffs corrosifs, nous menant dans un champ de turbulences duquel il s'avère difficile de s'extirper sans éprouver le désir d'y revenir. Les chatoyantes volutes de la maîtresse de cérémonie ne sont pas étrangères à cet état de fait, imprégnant couplets sanguins et refrains enivrants. Seulement, à mi-parcours, un ample pont technique où vrombit la basse interrompt l'incendiaire, s'imposant pour ne plus s'arrêter, à peine entrecoupé par la belle en fin de piste.
Pas sûr que cela soit suffisant à retenir le chaland plus que de raison...
Cependant, lorsqu'il ralentit le tempo, le collectif français témoigne d'envoûtantes vibes assorties d'une technicité instrumentale éprouvée, même si l'originalité espérée n'est pas forcément au rendez-vous ne nos attentes. Ainsi, «
Nothing Grows », offensif mid tempo aux arrangements nightwishiens, à la façon de Revamp, n'a de cesse de perforer l'asphalte de ses riffs en tirs en rafale. Sur le schéma de la belle et la bête, par effets de contraste, Jessica donne le change à son growler de comparse sur cette vibrante ogive. Pourtant agréable de bout en bout, on aurait toutefois souhaité une ligne mélodique plus oscillatoire et moins convenue pour permettre à ce méfait d'emporter une inconditionnelle adhésion. Pour sa part, le plantureux mid tempo « The Passengers » livre un inaltérable et martelant tapping que corroborent des riffs roulants. Ce faisant, dans un bel élan et au regard d'une judicieuse osmose, la belle et la bête sont au coude à coude sur cette volcanique proposition, nous intimant de les suivre jusqu'à la note ultime de la piste.
Plus encore, quand il se met à toucher aux moments intimistes, le groupe les esquisse avec grâce et les dissémine avec volupté, sans être tombé dans les travers de larmoyants accords. Ainsi, une grasse et plombante rythmique introduit « Instill Light », prenant rapidement des airs d'une soyeuse ballade, mais qui ne cherche nullement à revêtir l'aspect d'un slow qui emballe. Impulsée par les célestes inflexions de la douce, la romantique plage se pare de séduisants et fondants atours, mais n'en oublie pas de garder une dynamique de fond, évitant dès lors l'écueil d'une énième mielleuse ritournelle.
Enfin, le combo achève son tableau déjà richement orné par une pièce de maître. Sensible jusqu'au bout des ongles, l'interprète offre de fines modulations sur une tonalité plus élevée qu'à l'accoutumée sur «
Fragments », orientalisante fresque polyrythmique de l'opus dans laquelle abondent des riffs roulants et de vénéneuses rampes synthétiques. En outre, des growls caverneux répondent en écho aux claires impulsions de la belle, octroyant ainsi de saisissants contrastes oratoires sur une émoustillante piste aux airs d'un
Epica à l'époque de « The Divine
Conspiracy ». Toutefois, plusieurs écoutes circonstanciées permettront de s'imprégner plus en profondeur de l'atmosphère suave et délétère du brûlot. Mais il y a fort à parier que cet effort d'assimilation ne sera pas vain, loin s'en faut...
Ainsi, à l'aune de cette dernière offrande, le groupe provençal a témoigné d'une intarissable inspiration, d'une vibrante énergie et d'une prise de risques parfaitement assumée et contrôlée. Diversifié dans son offre, souvent efficace, prégnant quel que soit le champ atmosphérique et rythmique, cet effort sera apte à rester durablement dans les mémoires de ceux qui s'y seront plongés. C'est dire que le combo affiche une pleine santé, à l'image d'une stupéfiante dynamique compositionnelle dont se nourrissent couplets et refrains de la goûteuse et généreuse galette. En dépit de quelques petits bémols mélodiques ou techniques affectant certains passages, la rondelle pourra sans mal combler les amateurs de metal symphonique à chant féminin dans la veine de leurs maîtres inspirateurs. C'est donc avec une impatience à peine voilée qu'on espère une seconde ogive de longue durée de cet acabit, celle-là même pouvant les propulser parmi les valeurs montantes de ce registre metal si concurrentiel. Faisons-leur confiance pour ne pas s'absenter trop longuement des studios et nous revenir, peut-être encore plus habités et déterminés qu'avant...
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