L'audace consistant à bâtir son univers créatif en le nourrissant d'un passéisme trop démodé n'est évidemment pas sans conséquence quant à la désaffection d'un public à l'égard de certains groupes jugés ainsi trop rétrogrades. La créativité d'autres, adeptes d'évolutions constantes les poussant au-devant d'un avant-gardisme trop avant-gardiste, peut s'avérer tout aussi fâcheux. Et quant à l'immobilisme consistant à ne proposer qu'une infime variation sur un invariable thème, elle peut, très vite, devenir le berceau ridicule d'une expression trop caricaturale. La vérité est donc soit dans l'équilibre précaire et subtil de toutes ces aspirations artistiques, soit dans la mesure. Et dans tous les cas, le talent peut être un remarquable allié.
Les Suédois de
Steelwing auront choisi leur voix dans le passéisme. En effet, ils nous proposent de découvrir un Heavy
Metal traditionnel issu de la nouvelle vague britannique, NWOBHM. On peut ainsi aisément reconnaître, dans l'expression de ces Suédois, les stigmates évidents de certains des illustres concepteurs de cette mouvance qui naquit durant les années 80 (Iron Maiden,
Judas Priest,
Saxon…).
Le choix de cette orientation musicale, tourné vers d'antiques époques glorieuses, est d'autant plus judicieux que certaines des groupes évoqués, initiateurs originels de cette tendance, peine aujourd'hui à en retrouver l'essence primale et à nous en restituer l'esprit initiale. Ces formations égarées ne parviennent, en effet, pour la plupart, qu'à nous en proposer désormais une vision déformée par le prisme d'évolutions inefficaces, en des albums, il faut le dire, souvent moyens.
La démarche de ces Suédois est donc courageuse. Toutefois d'autres auront déjà tenté de danser au bras de ce concept hardi, et sans le talent suffisant, le ballet devient très rapidement, si ce n'est consternant, tout au moins inintéressant. Mais ne présageons en rien du devenir de
Steelwing, et laissons nous emporter, dès à présent, par les premières écoutes de ce
Lord of the Wasteland.
Si l'on pouvait encore raisonnablement s'interroger, avant que ne démarre l'album, quant à la nature volontaire ou non des influences énoncées précédemment, le premier morceau de cette œuvre ne nous laisse plus aucun doute sur son aspect délibérément assumé. En un préambule instrumental introductif, Enter the
Wasteland nous propose, en effet, une esquisse dont les premiers traits ressemblent à s'y méprendre au Am I
Evil ? du
Lightning to the Nations de
Diamond Head, sortis en
1980. Un titre que repris par
Metallica sur son
Kill 'em All en 1983.
S'ensuit alors un album relativement séduisant dans lequel le propos est séduisant et efficace. Les fantômes d'autres s'y ressentent aisément sans pour autant peser dans ce Heavy
Metal traditionnel.
Et alors que le chemin est agréable en une première partie délicieuse, l'oeuvre nous fait basculer dans un plaisir plus intense encore avec l'excellent The
Illusion. La parenté NWOBHM, et notamment avec Iron Maiden, devient alors plus incontestable encore. Néanmoins, paradoxalement, cette affirmation filiale plus précise permet à
Steelwing de se sublimer et de nous offrir quelques moments somptueux (The Nightwatcher, Under
Scavenger Sun, Point of Singularity, Clash of the
Two Tribes…).
The
Lord of
Wasteland est donc un album dévolu à un Heavy
Metal classique et passéiste. On reconnaîtra facilement, dans cette expression musicale issue notamment de la période anglaise de ce mouvement (NWOBHM), les ascendants de certains de ces fameux auteurs coupables du genre. Néanmoins,
Steelwing aura su dépasser suffisamment ses influences pour nous en proposer, avec ce premier méfait, une version moderne et convaincante.
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