« Les P’tits Suisses » de
Crystal Ball n’ont jamais eu, jusqu'à présent le succès escompté et ce n’est pas faute d’avoir eu une distribution hasardeuse. C’est malheureux pour eux, car le cœur y est, mais il y a un « je ne sais quoi » qui coince dans la mécanique de chaque album.
Hellvetia était déjà assez intriguant, dissimulant, derrière sa pochette immonde, un contenu séduisant, qui, passé la première écoute, s’avérait assez répétitif et plat dans sa forme. Les ingrédients sont pourtant réunis, des rythmiques simplistes mais appuyées, de l’énergie, des refrains bien amenés voire imparables (ou pompeux selon le point de vue). Un contenu donc conforme au Heavy
Metal teuton dans sa sacro-sainte forme mélodico-symphonique. Au-delà du riff, de la transpiration et de la bière, il manque cependant quelque chose de l’ordre de la créativité, ce que confirmera «
Time Walker », qui réussira l’incroyable tour de force d’être encore moins convaincant que son prédécesseur.
Tentons une nouvelle fois notre chance avec ce
Liferider… Difficile de ne pas faire un ennuyeux
Track By
Track, mais les premières impressions étant primordiales…
« Mayday » ouvre l’album de manière assez originale et révélatrice : un appel au secours… le navire est à peine à flot qu’il prend déjà l’eau … Malgré un groove assez entraînant, un apport de claviers pas franchement indispensable et un refrain "germanique", le patchwork d’influences ne semble pas réellement avoir été digéré. Et malgré toute la sincérité et la conviction du groupe, "Mayday" mériterait presque d’être jeté à la mer… Si on adopte un autre point de vue, moins critique (ou injuste, toujours selon le point de vue…), le contenu a beau être simpliste, certains le jugeront suffisamment efficace pour faire mouche… peut-être faute de mieux.
Malgré un attrait évident pour la manière de faire allemande, Stefan Kaufmann y étant sans doute pour quelque chose, il n’y aura aucun invité kidnappé (ou vieux-nappé) connu comme le veut la coutume. Et pourtant, engager d'autres têtes pensantes aurait eu le double avantage de permettre une médiatisation plus importante et le bénéficie d'un regard extérieur. Ce regard aurait pu permettre de sauver l'album de la monotonie qui s’installe au gré de tournures maintes et maintes fois entendues et qu’on retrouve d’ailleurs sur «
Eye to Eye », mélange de riffs basiques et de lignes de chant simplistes pour amener finalement un refrain sans surprise. La présence de Noora Louhimo ne sauvera pas le titre. « Ball Of Steel » entre en scène et s’annonce, lui aussi, comme une promesse d’originalité et de prise de risques…
On sent l’abandon de poste, le suicide collectif (petit « suisside » comme dirait l’autre ?) et le sabordage pour le rafiot «
Liferider »… Le pire, c’est qu’on n’est pas encore à la moitié de l’album. Alors que doit-on attendre finalement de ce contenu où tout semble si ressemblant et aseptisé ? Sans une petite étincelle d’originalité, les 12 titres de ce «
Liferider » risquent de passer aussi longuement que le transit d’un colopathe fonctionnel. Le Heavy Mélodique déployé risque de prendre le goût de réchauffé et se révéler de plus en plus indigeste.
L'espoir surgit cependant de « Hold Your Flag », dont la recette semble avoir été honteusement dérobée aux cousins germains d’
Edguy. Une composition qui ne sonne pas si mal au final, se posant en hymne grâce à un refrain inébranlable et l'atmosphère martiale et sombre qui s'y dégage. Le titre éponyme, sobre et efficace, saura vous convaincre à grands coups de riffs acérés, le tout sur un tempo enlevé. « Rock Of
Life » reste aussi un titre convaincant et montrant le potentiel réel du groupe : un solo loin d’être inintéressant, une modulation dans l'interprétation, une ambiance lourde et une personnalité qui s'affirme. Dommage qu’il existe des redondances et que le soufflet retombe à l'écoute de « Gods Of Rock », ce dernier possédant des qualités intrinsèques, mais avec cet aspect malheureusement très « cliché» qui pourrait le rendre indétrônable toutes catégories confondues, surpassant même les premiers
Paragon. On sombrera ensuite dans les abysses du « plus que moyen », allant de l’anémié « Memory Run » aux terriblement décevants «
Antidote » et « Bleeding ».
Un frontman s’en est allé, un autre l’a remplacé, ne mettant pas la barre forcement plus haut. Steven Mageney, fraîchement débarqué sur
Dawnbreaker, réalise un travail plus qu’honnête apportant des lignes de chant dynamiques capables de valoriser l’album.
A noter que les heureux possesseurs de la version Digipack se verront crédités de trois reprises de qualité, preuve que le groupe a réussi à s’approprier un son mais reste en cours d’acquisition d’un style…
La maîtrise musicale, les lignes de chant et les rythmiques sont convaincantes, bien que ces dernières sombrent parfois dans la facilité. Côté son, l'album est un peu surproduit, peut-être pour minimiser l’impact d’arrangements parfois approximatifs. Les titres, dans leur « forme », continuent à se diversifier, évitant que le grain de sable dans les rouages ne se transforme en boulet.
Au bout de 16 ans d’existence et 8 albums,
Crystal Ball continue son périple en proposant une musique assez accrocheuse, essayant de s'extirper de ses influences pour atteindre son plein potentiel créatif. L’efficacité est présente ainsi que de bonnes idées mais qui demeurent parfois gâchées par les clichés du genre et un manque de subtilité. Ce "
Liferider" ne fera pas exception à la règle, même s'il marque une nouvelle étape dans la recherche de cette dimension mélodique intéressante et personnelle, encore trop timide sur cet opus à mon goût.
Un album honnête mais terriblement frustrant à l'écoute des imperfections qui le ponctuent. Je ne vais pas conclure cette chronique par un « vraiment dommage... » mais en saluant cette nouvelle progression et en restant convaincu que le groupe devrait frapper fort la prochaine fois.
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