L’histoire d’
Amon débute le 21 juillet 1987 exactement, le jour où Glen Benton, seul dans sa petite bourgade de Floride, ayant lancé plusieurs appels à la recherche de musiciens, reçoit un coup de fil de Brian Hoffman, lui indiquant qu’il pratique de la guitare avec son frère Eric sur les beats de Steve Asheim, et qu’il recherche un chanteur. Glen rencontre rapidement le trio, et satisfait, leur propose de s’installer dans son propre garage. La bande se met immédiatement au travail et se baptise
Amon dans la foulée, en référence au dieu égyptien. En 1989, le quatuor rejoint l’écurie Roadrunner tout en changeant son nom en
Deicide et, à partir de ce moment, la bande connait un succès retentissant dès son premier album éponyme, puis enchaine les disques avec une régularité de métronome, tout cela sans aucun changement de line-up, un fait suffisamment rare pour être souligné.
En 2004, deux ans après la sortie de Scars of the
Crucifix, c’est pourtant le clash après 17 ans de stabilité. Qui l’eût cru, les frères Hoffman sont éjectés par Asheim et Benton, et un combat juridique s’engage pour désigner quel duo conservera le patronyme de
Deicide, l’enjeu étant colossal vu la renomée internationale du combo. Ayant finalement perdu la longue bataille, les frères Hoffman réutilisent judicieusement le nom original du groupe abandonné en 1989 et reprennent officiellement le service en 2007, en recrutant deux ex-musiciens de la formation de deathmetal floridienne
SWWAATS, le growler / bassiste Jechael et le batteur Mike Petrak, sans aucun changement de personnel jusqu’à aujourd’hui.
Il faut encore attendre cinq longues années pour assister à l’arrivée du premier effort d’
Amon baptisé
Liar in Wait, enregistré aux
Red Room Recorders sous la houlette de Mark Prator, ingénieur du son issu des Morrisound Studios et ayant notamment travaillé avec
Vital Remains. Alors que chaque deathster pouvait s’attendre à un contrat discographique d’envergure et à une concurrence rude avec son rival
Deicide,
Amon autoproduit étonnamment son album et décide de le diffuser en format digital dès mai '12. Quelques CDs sont toutefois gravés et, bizarrement, sont vendus au compte-goutte par Eric Hoffman en personne sur un site d'enchères international, tandis que le disque physique est pourtant indisponible sur le site web marchand d’
Amon.
Cette démarche est d’autant plus déconcertante à l’écoute de
Liar in Wait, un album solide comme un roc, bénéficiant non seulement d’une interprétation irréprochable mais aussi d’un enregistrement relativement professionnel.
Plus proche du brutaldeath d’
Hate Eternal que du deathmetal plus traditionnel d’
Acheron,
Amon représente aujourd’hui la facette la plus violente et la plus sombre de
Deicide, où l’on retrouve avec plaisir le riffing si incisif, rapide et serré des deux frères, ainsi qu’une ambiance diabolique. Loin d’asséner une simple succession de riffs effrénés durant 35 minutes, bien que la cadence soit majoritairement élevée, Brian et Eric ont su composer un album suffisamment varié, où les rythmiques impitoyables cèdent la place à quelques décélérations qui apportent un surcroît de puissance, moments où les frères nous surprennent aussi par la qualité de leurs leads, impeccablement exécutées et rappelant les envolées de Michael Estes chez
Acheron, pour citer les superbes soli sur Eye of the Infinite ou le tout aussi intense titre éponyme. A l'image de la pièce finale
Wraith of
Gaia, la technicité est également au rendez-vous, nos deux guitaristes nous étonnant par un jeu relativement moderne, là où on aurait pu les croire figés dans les années 90's. Enfin, les ex-membres de
SWWAATS ne sont également pas en reste, Mike Petrak possédant une frappe rapide, puissante & précise, tandis que Jechael, si ses lignes de basse restent difficilement perceptibles, lâche un growl pur & profond, parfois doublé à la manière de Benton.
Amon &
Deicide, entité unique durant 17 années, s’est donc scindée en deux corps différents pour mieux repartir. Peut-être à bout de souffle, chacun avait visiblement besoin de sang neuf et, à ce titre, les quelques craintes que l’on pouvait avoir du côté d’
Amon sont largement dissipées à l’écoute de
Liar in Wait. Ayant en commun la puissance et la haine des premiers albums de
Deicide, nos deux groupes suivent aujourd’hui des chemins relativement différents,
Amon empruntant sur son premier jet une voie foncièrement plus brutale & sauvage que son rival, si l’on excepte l’intraitable Till
Death Do Us Part de la bande à Benton, passerelle la plus représentative entre les deux formations aux côtés de
Legion. L’
Amon du cru '12, c’est à la fois un héritage deathmetal solide, un brasier infernal, ainsi qu’un regard tourné vers l’avenir, musicalement et humainement parlant.
Fabien.
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