La scène black metal québécoise ou plutôt « metal noir » comme ils disent, est une scène qu'il est tentant de regarder de haut, voir d'un œil taquin, nous autres arrogants françois, pétris de cet orgueil (qui peut se défendre jusqu'à un certain point) de posséder l'une des plus brillantes scènes black metal. Mais il faudrait porter de belles œillères pour ne pas considérer avec le respect qu'elle mérite, cette scène proposant moult groupes plus ou moins connus dans différents styles non dénués d’intérêt, ainsi
Forteresse et
Monarque bien sûr, mais aussi Sorcier des Glaces, Gris, Neige et Noirceur, Sombres Forêts,
Catuvolcus ou encore
Chasse-Galerie, un microcosme méritoire, qui certes est plus discret que la scène death locale (les
Kataklysm,
Martyr,
Quo Vadis ou autres
Gorguts) mais sort régulièrement des petites perles.
Délétère est un duo formé relativement récemment par deux musiciens pas tout à fait inconnu de la scène, l'un
Atheos (aux guitares) étant guitariste live pour
Monarque, l'autre Thorleïf (chant, batterie, claviers) étant lui plus connu de la scène pagan, de par son groupe principal
Valknacht. Vivotant depuis quelques années, le groupe semble vouloir donner un nouveau jour à sa carrière en ce début 2015 avec dans le même temps, la sortie d'une réédition des deux précédentes démos et celle de leur premier véritable album : «
Les Heures de la Peste », le tout comme une évidence chez
Sepulchral Productions. Loin des thématiques régionalistes qu'ont pu aborder certains des groupes susnommés, c'est bien des choses plus impies et blasphématoires que Délétère va aborder, puisque en guise d'heures de la peste, sont présents ici huit morceaux, chacun pour une des huit heures canoniales, soit celles correspondant aux horaires des offices liturgiques dans les monastères catholiques...
Si au vu du contexte et de la couverture de l'album (qui évoque des choses à la
Peste Noire) on aurait pu s'attendre à un trip basé avant tout sur les ambiances malsaines, la première pièce : « Matines - Portepeste » nous surprendra agréablement puisque si effectivement on est sur quelque chose d'assez raw, l'ensemble est loin de faire dans le larmoyant dégueulasse, et le titre nous assène des vrais riffs martiaux qui nous tombent bien comme il faut en travers du visage. La majorité des titres seront d'ailleurs frappant par le coté percutant des motifs qu'ils soient mid-tempos ou plus rapides, bien servi par une batterie par un vrai batteur (c'était d'ailleurs son poste de base au sein de ses premiers combos connus). Le groupe nous offre en plus une belle variété de structures au sein des morceaux qui sont eux même de longueur raisonnables (autour de 5-6 minutes).
Après, force est de constater que pour accéder à la richesse intrinsèque des compositions, il faudra gratter la couche de crasse sus-jacente, et il est évident que le son global des plus trues en rebutera certains, car en effet si les compositions ont un coté martial et guerrier type champs de bataille plus qu'un aspect ambiant, le rendu global conférera plutôt à la fange poisseuse des basses-fosses où croupissent les déjections humaines, chères à Famine et autres Sales Freux. La voix de Thorleïf n'aura ainsi que peu de choses en commun avec celle qu'il applique dans
Valknacht, bien plus maladive, haineuse et dérengeante. La production est par ailleurs artisanale et obscure par bien des aspects. L'atmosphère y est donc particulière, tenant du true black metal des scènes sudistes et aussi également de quelque chose de plus médiéval un peu tel un Darkenhöld moisissant dans les discrets arrangements de clavier, avec par exemple ces sortes de cloches décadentes sur « Prime – Exitiabilis Venatus »... Ces huit prières ont également le mérite d'être assez équilibrées avec aucun titre vraiment en dessous (même si on préférera la furia d'un « Vêpres- Architectes de la Peste » au coté rampant de « Sexte – Une charogne couronnée de Fumier ») et d'aligner pris tous ensemble une atmosphère et une identité complète et cohérente qui ne sera pas démentie ici.
Délétère envoie avec ce premier véritable opus, un pavé méritoire dans la mare, en proposant quelque chose de true mais travaillé, de raw mais à la fois riche et unique, bref de quoi réconcilier certains avec les sonorités acres à l’extrême d'un certain type de black metal. On se plaît d'ailleurs à penser que contrairement à nombres de groupes du genre, les compositions auraient de quoi passer agréablement le cap de l'album à la scène et que si le destin leur prête vie, on aura peut-être l'occasion de savourer autrement leurs attraits. En fait, ces québécois ont tout simplement trouvé un créneau vraiment intéressant : un black très racé dans un gant de déchéance nauséabonde...
Voilà un groupe qui donne envie, mais j'ai déjà plusieurs albums de Gris, Sombre Forêt et autres Forteresse à m'avaler avant dans la catégorie "Métal Noir Québécois" (j'adore !), donc celui-ci devra attendre un peu !
Ceci dit, la chronique m'a donné envie de me pencher sur cette sortie. J'ai déjà écouté "Laudes - Credo II" sur Youtube et j'apprécie beaucoup. Merci au chroniqueur pour le travail fourni derrière la plume.
Clairement, on n'a pas vraiment à palir. Quand tu lis des chroniques anglo-saxonne, on est d'ailleurs extrêmement souvent mis en exergue en terme de qualité. Il manque un énorme combo (et encore si DSO se mettait à faire des concerts on l'aurait mais bon...)
Et je pense qu'on rivalise trés largement avec l'Allemagne (qui ont de bons groupes, mais chez eux, ce n'est clairement pas le black que je mettrais en avant), et surtout les USA (à part Inquisition, récemment devenus américains, Nachtmystium qui a splitté et les 2-3 one-man band bien cotés...)
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