Il faut savoir fouiller dans les petites formations de nos contrées françaises pour trouver parfois des perles rares. Rares car pleines d’intérêt, pourvues d’une complexité et d’une maîtrise digne des plus grands.
Ars Moriendi est un projet solo issu de la tête de Arsonist qui évolue dans un Black
Metal Progressif rempli de riffs mélodiques et de samples, qui sort en cette année 2014 « La Singulière Noirceur d’un Astre », troisième album longue durée sous le label Ukrainien Archaic Sound.
La première observation va sur le point le plus évident de l’album, à savoir la production. Le choix de s’orienter vers une netteté et une propreté souvent reniée par les groupes de black, a pour effet de mettre en valeur les compositions de l’album. Chaque instrument peut être pris séparément lors d’une écoute et c’est pour ça que l’intérêt de cette œuvre grandit à chaque nouvelle oreille jetée : on se dit « tiens, pourquoi pas me concentrer sur la basse cette fois-ci ? » et on se retrouve à avaler la galette, focalisé sur la basse sans trop sourciller tellement celle-ci ne nécessite pas d’efforts de concentration et d’habitudes aux fréquences lourdes pour être entendue.
La production est donc vraiment soignée aux petits oignons. Même la batterie – qu’on reconnait bien être une boîte à rythme sur certains patterns – se fond merveilleusement bien dans ce mille-feuille d’instruments.
Chaque morceau dure au minimum 8min 30 et laisse développer une ambiance toute particulière au long de l’album. Tantôt la brutalité, tantôt le groove d’un groupe de trip hop, on s’attarde quand même sur certains éléments :
Le chant est terriblement proche de celui d’une autre formation Française au niveau de l’intonation et des effets utilisés dessus, Les Chants de
Nihil. Ma première écoute fut accompagnée d’une recherche pour vérifier d’ailleurs si ces deux voix n’étaient pas une seules, mais ce n’est visiblement pas le cas.
Les passages « calmes » qui introduisent certains morceaux font clairement penser au niveau des ambiances à des titres composés par Akira Yamaoka, le créateur de la bande son des premiers
Silent Hill. Un peu rock, un peu trip, et jouant à mort sur les sonorités qui s’échangent et déstabilisent malgré la relative linéarité de la rythmique.
On peut constater une certaine virtuosité même au niveau des mélodies et des envolées, car nombreux sont les solis de guitares sous les nappes de clavier qui parsèment les morceaux, et à aucun moment on ne se dit que c’est de trop.
Les touches expérimentales, qui lorgnent vers le dark ambiant avec des paroles chantées ou murmurées très laconiquement rajoutent un effet totalement malsain à cette création, et on arrive à s’immiscer dans ce monde sous la tension constante d’une reprise de l’art noir du BM.
L’aspect progressif parfois rebute, cependant, et certaines parties où on aimerait voir débarquer un bon blast accompagné d’un trémolo picking à la gratte, nous laissent un peu sur notre faim. Même la brutalité et la violence de
Ars Moriendi font dans la subjectivité. C’est recherché, c’est bien fait, mais ce n’est pas souvent pêchu et pas vraiment accrocheur. C’est là qu’on le trouve, le seul regret de cet album, c’est de ne pas avoir mis un titre purement violent car il aurait pu constituer une pierre angulaire autour de laquelle graviteraient les autres morceaux dans une cohérence et un ensemble plus que génial.
Outre ceci, que j’oserais appeler un détail, l’album est un excellent effort. A réserver aux initiés qui aiment ce type de travail sur une musique à la base brute et instantanée, car celle-ci propose bien plus et emporte aussi plus loin dans le ressenti, pour peu qu’on y soit sensible. Je conseille cet album à tous, mais c’est surtout à présenter de toute urgence aux fans d’
Akercocke,
Ihsahn ou encore
Hail Spirit Noir.
N.
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