« L’Art De Mourir »,
Ars Moriendi, projet d’un seul homme, le multi-instrumentaliste Arsonist, présente avec « L’
Oppression Du Rien », sorti en septembre 2008, son premier album officiel.
Précédé de 5 « démos », cet album est le couronnement d’une carrière musicale qui prône depuis son commencement une ouverture d’esprit sur laquelle il faut se pencher : d’abord instrumentale, la musique d’
Ars Moriendi s’est progressivement dirigée vers un Black
Metal aux formes progressives et « progressistes » : en effet Arsonist affiche des influences multiples, allant de
Dream Theater à
Emperor ou
Burzum, en passant par Iron Maiden… Sa musique se veut donc technique, ambitieuse et variée, tout en restant dans un univers Black
Metal.
Cet univers, Arsonist le façonne avec sa musique : en effet, son passé instrumental se ressent énormément ; le chant est donc, dans « L’
Oppression Du Rien », « minimaliste » : et le rapprocher de celui de Varg Vikernes époque pré-Filosofem semble judicieux puisqu’il veut, comme le musicien de Bergen , instaurer une ambiance inquiétante, teintée d’une atmosphère oppressante : la musique d’
Ars Moriendi n’en est donc que plus profonde, recherchant une atmosphère intelligente et sensible, faite de nuances et de finesses, renforcée par une technique irréprochable et une production honnête : « L’
Oppression Du Rien » (et
Ars Moriendi) se destinent donc aux auditeurs ouverts d’esprit.
C’est avec « Marche D’un Fou » que s’ouvre « L’
Oppression Du Rien » : introduite par un sample évoquant un homme ayant une démarche hasardeuse et marchant sur une surface humide, ce morceau plonge son auditeur dans une ambiance oppressante, correspondant bien au concept que veux dégager l’album : l’étouffement, l’oppression que l’on subit quotidiennement : l’oppression du rien et du tout.
Outre la musique, éminemment intéressante, on a donc un réel corps dans l’atmosphère : le coup de maître d’Arsonist est de faire ressentir ce concept d’ « oppression » d'abord par sa musique, qui prend avec « Marche D’un Fou » une dimension à la fois dépressive (la guitare clean superposée aux accords Black
Metal, puis plus tard alliée à des lignes de basse « pesantes » pour une atmosphère planante) et vindicative : en effet, la haine se ressent dans le chant, qui voit Arsonist éructer sa haine, évacuer sa frustration dans un exhutoire salvateur, et dans la musique, "heavy", dense(rappellant par certains côtés
Metallica ou Maiden) : ainsi, la musique d’
Ars Moriendi conjugue dans « Marche D’un Fou » les influences de son géniteur à sa propre personnalité Black
Metal.
« L’
Oppression Du Rien » continue son périple avec « Le Sang De
Ton Dieu », qui par son titre assume d’ores et déjà le concept de l’album : « L’
Oppression Du Rien », puisque chacun sait que Dieu n’existe pas mais que, pourtant, il « oppresse » bon nombre d’individus, fidèles ou non. Arsonist, avec une humilité déconcertante, démontre sur ce morceau ses qualités techniques, proposant des lignes de basse pesantes et profondes mises en valeur par un tempo lent et alliées à un sens du rythme aiguisé, au service d’une musique qui se veut, sur « Le Sang De
Ton Dieu », désabusée, dépressive, dénuée de tout espoir : le spleen habite la musique d’
Ars Moriendi , qui, dans ses moments d’accalmie ou de violence, reste fidèle à l’Art Noir, et se voit de ce fait ouvrir les portes d’une tristesse viscérale qu’Arsonist offre avec « Le Sang De
Ton Dieu ».
La chanson-titre qui suit se veut également pesante : le spleen se transpose sur « L’
Oppression Du Rien », et s’applique à l’atmosphère également noire qui règne en maître sur cette composition au tempo lent, tantôt menée par l’alliance guitare clean/basse, caractéristique remarquable de la musique d’
Ars Moriendi : ces épisodes atmosphérique donnent à son Black
Metal une visée ambitieuse et une ouverture infinie vers un univers musical qu’Arsonist veut s’approprier : ainsi, « L’
Oppression Du Rien » dégage, comme l’album du même nom, une maturité dans la musique alliée à un côté instinctif dans le chant qui donne cette chanson une folie que l’on peut apparenter à une forme de catharsis. Le final, proche du
Doom avec une voix gutturale insistante, assène son rythme lourd et carré, qui se veut oppressant : on a donc là une conclusion cohérente à une composition telle que celle-ci.
Le morceau qui suit, parfaitement instrumental, est un pur chef-d’œuvre, symbole de la dimension « progressiste » que veut atteindre le Black
Metal d’
Ars Moriendi ; ce morceau évoque
Pain Of Salvation ou même les ballades instrumentales Petrucci/Rudess présentes sur les albums de
Liquid Tension Experiment… tout en restant du
Ars Moriendi dans la forme et dans le fond : les harmoniques de guitare ainsi que les gammes utilisées rappellent les chansons précédentes, donnant à l’album une cohérence dans la différence, et lui offrant ainsi une variété immense ; en effet ce « Voyage En Hérésie » sort des rives du Black
Metal mais reste teinté de mélancolie, reste pendu à ce spleen qui habitait les morceaux jusque là. Arsonist gratifie son auditeur sur cette piste d’un solo de guitare qui se veut planant, et qui prend une forme désabusée, fermée à toute joie. Placer ce morceau à cet endroit du disque est une démarche à louer : Arsonist se veut opportuniste, audacieux, et avec son « Voyage En Hérésie », « L’
Oppression Du Rien » est à l’apogée de sa visée ambitieuse, de son style Black
Metal Progressif et Ambiant, « progressiste ».
Après le doux « Voyage En Hérésie », l’auditeur se prend la « Réalité » en pleine face et s’immerge ici dans le côté épique d’
Ars Moriendi, qui déchaîne sa violence avec un début en blast, contrastant avec le morceau précédent et montrant, encore, son esthétique musicale des plus variée… Cette pièce épique, à son commencement, se veut incisive, violente, puis se teinte de formes plus évasives, planantes, faisant ressentir cette « patte
Ars Moriendi » apposée à cet album : cette « Réalité » évolue vers un passage joué aux guitares clean, autre symbole d’un Black
Metal qui veut « toucher à tout ». Le seul reproche que l’on peut faire à ce morceau est sa production, mais après tout, qui écoute du Black
Metal sait bien écouter.
La pièce finale de « L’
Oppression Du Rien », « Au-delà de l’
Illusion », est un morceau qui se démarque un peu des autres, de part le traitement de sa voix, qui prend une consonance plus industrielle. De même, le morceau lui-même est plus « industriel », possède une structure plus répétitive sur une gamme de guitare assez « orientale ». On a une fois de plus la volonté de toucher à autre chose, d’explorer un univers plus froid, plus « industriel », plus déshumanisé : on a là une volonté de sortir de cette
Oppression par l’aliénation, la folie : Arsonist éructe des paroles incompréhensible, touchant du doigt l’au-delà avec l’extrait des Danses Hongroises de Brahms, repris ensuite dans une version Black
Metal tout à fait réussie. Le morceau clôt ensuite l’album de la même façon qu’il l’a commencé, avec cet homme ne trouvant toujours pas son chemin…
On tient là un album de Black
Metal tout à fait opportuniste et profond dans sa visée, et élitiste aussi, puisque l’auditeur a besoin d’un esprit extrêmement ouvert pour accéder à la nature, la substance de cet album exigeant, livrant toutes les influences musicales de son géniteur pour le bonheur des oreilles disposées à cette expérience… Elitiste, cet album l'est aussi par son concept : "
L'Oppression du Rien" : serait-ce une formule pour exprimer la notion de "spleen", l'ennui profond vis-à-vis d'un quotidien morose? L’essence de cette album se trouve dans son ouverture, qui veut atteindre un « progressisme » qu’il est bon d’entendre à cette entité si immense qu’est le Black
Metal ; souhaitons à
Ars Moriendi de faire son chemin dans celle-ci.
Le seule problème avec ces formations one-man-band c'est que le musicien s'improvise aussi chanteur et ce n'est pas toujours très talentueux... Enfin, la musique sauve en grande partie les meubles ! Ce n'est après qu'une question de point de vue.
Je généralise parfois mais cela ne s'applique pas à tous les groupes, comme toujours.
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