Au rayon des mélanges Metallico-ethnique,
Skindred est un groupe qui a clairement une place de choix. Fondée sur les ruines fumantes de
Dub War, la bande emmenée par le charismatique Benji Webbe assure depuis maintenant une quinzaine d’années un mélange savoureux de Néo, d’électro et de ragga,
Skindred fait aujourd’hui figure de tête d’affiche d’un
Metal dit-dansant. Efficace en studio, le groupe trouve sa pleine puissance sur les planches d’une salle chauffée à blanc des rythmes vindicatifs du quatuor. Pour preuve : le titre de « Meilleur Groupe
Live » décerné par
Metal Hammer en 2011.
Donc comme dit ci-dessus,
Skindred est un groupe d’une puissance inégalable en live, mais en studio ? Si la recette est, généralement, plutôt très efficace, beaucoup ont contestés l’apport de «
Union Black » dans la discographie des Anglais.
Pas mauvais, mais avec un petit truc qui rend l’album plus « facile », plus « accessible ». Et c’est dans un silence relatif que sors le nouveau brûlot du groupe dans nos disquaires tricolores : «
Kill the Power ». Pochette et titre semblent nous l’annoncer : le groupe n’a rien perdu de sa rage.
Et autant dire que
Skindred maîtrise ses entrées comme personne. «
Kill the Power »-titre, après quelques samples, lance une suite de riffs lourds sur une prod béton. On retrouve rapidement cet impitoyable flow, ce groove purement entraînant qui lance dans les meilleures dispositions un refrain imparable, voix vindicative et refrain entêtant. La structure du titre, basique à souhait, nous place de manière judicieuse un break mélodique tout à fait dans le ton. Encore plus ragga, la pure rythmique R’n’B de « Worlds on
Fire », beat, percu, lourds accords, tous se mélangent adroitement pour envoyer un refrain fort et entêtant, conclut sur un breakdown massifs de hurlements et de puissance.
De nouvelles expériences se glissent plutôt adroitement dans le tout, notamment des relents dubstep sur « Ruling Force » et « Playing with the
Devil ». Bien que très vaguement sur l’opus précédent, ces deux titres la mettent vraiment en valeur, la vive « Ruling Force » l’accorde sur la voix de Benji pour mieux incorporer des pré-refrains imparables introduisant voix hurlée et guitares-dubstepisé. « Playing with the
Devil » choisit plutôt la voie d’un rythme posé, beat et grosse basse pour dicter le tout. Les puissantes coupures dubstep des refrains, emmené par la voix haute du frontman, entre débit rapide et passage mélodique témoignent d’une belle maîtrise de ce périlleux instrument. Et pour un peu plus de folie, l’harangueuse «
Ninja » mélange lourde corde et melting-pot talentueux de la palette vocale de Benji. Tout cogne à la perfection, même son étrange break électro-8bits, plus amusant qu’autre chose.
Ces cinq premières pistes témoignent d’un
Skindred n’ayant pas perdu de sa verve d’enragée. On positive, l’headbang massif est jouissif, mais il était écrit que le groupe ne veut pas se contenter de sa fan-base. L’ouverture à des voies FM/tout-public semble de plus inéluctable. « The Kids Are Right Now » sonne extrêmement catchy et prévisible, dans les grains pop/rock du rythme ou de la voix plus mielleuse du chanteur, encore plus sur les refrains, entêtant au possible. On franchit un autre palier avec « We
Live », pop-rock ensoleillé, voix légère (agréable, certes, mais tout de même) et guitare de plage, un soir d’été… Vous les sentez, les clichés ? Alors persévérons encore ! « Saturday » et sa Pop-Punk scandaleuse, mauvais Green Day en tête, indigestion de sucrerie d’une voix mielleuse et niaiseuse témoigneront d’un improbable manque d’idée pour un titre tout simplement ridicule. « Open Eyed » sera davantage accrocheuse, malgré que la voix (pas désagréable, tempérons) de Jenna G (artiste et présentatrice anglaise) sur les refrains semblent être juste présente pour respecter une sorte de classicisme du titre FM par excellence.
Mais là n’est qu’un ventre mou, car le groupe démontre encore quelques bonnes idées par la suite, l’atmosphère bluesy et génialement groovante de « Dollars and Dimes », bien que très prévisible sur des refrains trop classiques sera bien agréable (si on excepte un peu les bruitages à la Mega-Man). Encore une fois, le talent vocal de Benji ne sera même pas à relever. Sur un « Proceed with Caution » rapide et nerveux, le groupe prouvera qu’il n’a rien perdu de son impitoyable force de frappe. Une voix ragga des plus incisives, des growls rares, mais juste, des riffs lourds à des dissonances psyché, une batterie claquante avec technique et rapidité, le groupe en a encore sous le pied ! Toute cette brutalité pour mieux introduire la conclusion «
More Fire », génial rythme reggae à la guitare acoustique, de manière à conclure sur une note de tranquillité très réussie, démontrant encore une fois la vivacité et le talent des musiciens à changer aisément de registres.
Une pointe de facilité, des tentatives de tubes FM en puissance et une curieuse inoriginalité en son milieu. Et autour ? Un
Skindred pur jus : rageur, équilibré, fédérateur et plus que jamais dans la maîtrise de son Ragga/
Metal de haute volée. Encore plus dans l’hésitation qu’était «
Union Black »,
Skindred ne semble pas avoir véritablement trouvé le point intermédiaire entre un univers brut et plus catchy, s’obligeant à partager ses pistes entre ces deux univers et créant un album perdant de sa cohésion et pouvant de ce fait perdre une certaine frange des auditeurs. Mais au-delà de ce simple point négatif se trouve un album tout ce qu’il y a de plus impitoyable dans le pouvoir de vous donner un sourire rageur et une énergie d’enragée et il serait plus que regrettable de ne pas se laisser tenter ne serait-ce que par une écoute par cette expérience accrocheuse.
[Et du côté des bonus ? Deux titres : « Ghetto Long Time », entre intro électro-psyché et couplet ragga agressif, couplant le tout à des refrains plus rock’n’roll, fédérateur et mélodique. « All
Fall Down », ambiance pop/funky, pas désagréable, mais on pas vraiment l’impression d’écouter le même groupe…]
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