La gourmandise est un thème aussi savoureux que coupable. Cet appétit insatiable nous pousse à dévorer des montagnes de douceurs, à succomber aux festins et parfois à franchir les limites du raisonnable. Entre légèreté et critique, ce péché touche à bien plus qu’à nos estomacs puisqu’il résonne avec la joie, la démesure et peut parfois devenir la satire de notre société de consommation. Ces plaisirs délictueux, ces excès sucrés ou salés peuvent initier une dépendance, conséquences amères d’un trop-plein de saveurs. Ils sont aussi un miroir de nos comportements qui nous font rire, réfléchir et bien souvent culpabiliser. Car derrières ces friandises et ces banquets se pose la question de l’équilibre, de la surabondance et même d’un certain vide que l’on essaie tant bien que mal de combler.
Mais alors allez-vous me dire, quel est le rapport entre la cuisine et la musique ? En réalité, ces deux mondes se rejoignent sur bien des aspects, notamment un élémentaire. A vouloir trop en faire, à force de multiplier les goûts et les saveurs, bien que notre produit soit artistiquement et gustativement succulent, ne serait-il pas écœurant ou bourratif au fur et à mesure de nos bouchées ?
C’est exactement la réflexion que j’ai eu pour l’album
Introsphere, le second opus du quatuor australien
Gravemind. A la première découverte, j’ai commencé par profiter d’un moelleux au chocolat absolument exquis. Ensuite, à mon second passage, on m’a servi une tartelette à la fraise à tomber par terre. Puis, arrivé au troisième rang, j’ai été comblé de divines chouquettes. J’ai eu le droit à chacun de mes séjours à des mets d’exception mais arrivée à un point, je ne pouvais plus déguster quoi que ce soit puisque j’étais à la limite de l’explosion.
Le groupe nous sert un menu quatre étoiles composé d’un deathcore moderne, d’une prestation vocale à la triple sauce growlé, screamé et éthéré et d’une bonne dose de riffings querelleurs et académiques. A la lecture de tels intitulés, difficile de ne pas avoir l’eau à la bouche et de ne pas se laisser tenter. Le repas démarre fort avec l’amuse-bouche >_TERMINAL, une véritable baffe par son instrumentalisation sauvage, sa voix furieuse et ses inspirations électroniques. Le plat est agrémenté de touches mélodiques, d’une couche vocale claire et troublante et de quelques expérimentations pétillantes. Sa présentation est tout aussi particulière, un schéma assez déstructuré qui amplifie notre stupéfaction.
Notre souper suit son cours mais arrivé en son milieu, on commence d’ores et déjà à être rassasié. Pour cause, notre formation australienne nous concocte des plateaux riches, pour ne pas dire ultra-protéinés. Sur sa signature
Deathtouch, on est totalement déboussolé par ces accords frénétiques, futuristes qui ont l’effet des tirs des vaisseaux dans Star Wars. Cette pièce déjà copieuse est garnie d’un souffle de drum’n’bass, d’une batterie énergique et de ce méli-mélo de chant clair/obscur. Bien que la partie aérienne soit agréable et toujours aussi poignante, on a cependant l’impression qu’elle est forcée dans une composition pleinement aigre.
Au sein de notre réception, nous pourrons tout de même savourer quelques trous normands afin de faciliter notre digestion et de nous redonner un peu d’appétit. Parmi ces verres réconfortants, je vous suggère le numéro cinq
Anhedonia, d’abord doux et vaporeux avant petit à petit de prendre du caractère et d’être cognant. L’apparence mélodique est majoritaire, même si quelques breakdowns bien sentis donneront de la force à notre breuvage. Quant aux nappes vocales, elles sont toujours aussi hétérogènes entre growl et cleans mais trouvent un point d’équilibre plaisant. Et si vous êtes d’humeur davantage mélancolique mais toujours avec un trait de caractère progressif et d’une grande richesse, il ne me reste qu’à vous conseiller le numéro huit Aloy.
Introsphere est un festin sonore à la fois audacieux et surchargé, une expérience où chaque morceau est un plat aux saveurs éclatantes mais parfois trop généreuses. Si cette seconde œuvre impressionne par sa maîtrise technique et son inventivité, elle peut aussi éprouver l’auditeur par cette accumulation de textures et d’émotions. À l’image d’un banquet où l’excès finit par écraser la subtilité, le disque brille par moments mais manque d’un fil conducteur pour harmoniser l’ensemble. Néanmoins, cette réalisation interpelle et, à défaut de plaire à tous, ne laisse nullement indifférente.
Gravemind montre qu’il est un jeune chef en devenir, même si ce voyage culinaire et musical aurait peut-être gagné à être plus mesuré. Ses nouvelles créations sont à savourer avec modération mais assurément à découvrir.
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