Elle embrase désormais les flammes, prenant corps dans le chaos et tirant sa puissance de la destruction humaine. Elle n’est plus simple spectatrice ou futile victime de la catastrophe à venir, elle n’est plus un guide ou un messie mais l’apocalypse incarnée : le temps de la réflexion est terminée, il faut désormais rendre les comptes et payer ses dettes.
Dès le premier coup d’œil, on sait que le concept créé par les britanniques de
Xerath prend une nouvelle dimension sur cette troisième phase, toujours aussi sobrement intitulé "III". Le groupe passe la vitesse supérieure et après deux albums très réussis, notamment "II" qui explorait des domaines encore presque vierges musicalement, "III" pourrait être la consécration définitive d’un artiste en constante progression depuis sa création.
Xerath ne change pas sa formule initiale, se basant toujours sur une musique brutale et syncopée, moderne et technique en y ajoutant une emphase lyrique et symphonique de plus en plus impressionnante avec le temps, très chargée en cuivres et atmosphères apocalyptiques (quoique les samples commencent à dévoiler certaines limites). On trouve d’ailleurs plus de cordes sur ce troisième opus, ajoutant une sensation parfois plus mélancolique, plus définitive à l’ensemble que simplement explosive. Quant à la production, elle est tout simplement identique à "II" donc la continuité est véritablement au rendez-vous,
Xerath ayant tenté de se sublimer une fois de plus pour aller encore plus loin, et créer un fossé identique à celui qui séparait "I" de "II". Cependant, cette stratégie, si intentionnelle elle est, n’est pas forcément la plus brillante sur le long terme.
La première chose que l’on remarque, avant même la première écoute, est le nombre de morceaux, s’élevant à quatorze (contre dix pour les précédents) pour une durée de soixante-dix minutes. Les titres sont sensiblement plus concis mais la durée totale est éloquente et parfois difficile à rendre complètement justifiée, surtout dans la musique extrême. On se retrouve fort logiquement avec un opus éparse, très varié mais ayant quelques difficultés sur la longueur et laissant penser que ce choix n’était pas forcément judicieux car il étiole l’impact et la force du disque. De même, en comparaison de "II", très cohérent et monolithique (dans le bon sens du terme), "III" se perd parfois dans des ambiances trop contrastées et perd de sa superbe. Certains titres sortent évidemment du lot, notamment le brutal à souhait "Autonomous" agrémenté d’un riff monstrueusement efficace et de parties symphoniques renforçant l’agression de l’ensemble. Richard Thomson est reconnaissable dès les premières notes tant son chant est désormais distinct et fort, particulièrement en hurlé. Le britannique a en revanche pris la mauvaise habitude de beaucoup se rapprocher de
Devin Townsend pour les parties claires et c’est parfois dommage car il en ressort un manque évident de personnalité qui tranche avec l’image radicale et innovatrice de
Xerath. C’est le cas de "I Hunt for the Weak" où les envolées rappellent complètement l’époque atmosphérique d’"Accelerated
Evolution" ou "Terria", bien que ce soit techniquement impressionnant, le groupe y perd malheureusement en émotion.
Les anglais ralentissent parfois considérablement le tempo pour laisser les orchestrations au premier plan mais là où Septic
Flesh parvient à leur donner une telle contenance qu’elles se suffisent à elles-mêmes,
Xerath semble encore frêle dans cet exercice. Ainsi, "
Passenger" parait un peu bancale entre son introduction très fluette (enfin…), une progression ensuite thrash/death pour évoluer vers un refrain atmosphérique où
Devin Townsend semble encore présent et où le groupe abandonne complètement l’idée d’intégrer un riff dans le morceau tant les claviers dominent les débats. A l’inverse, l’impressionnant "I Hold
Dominion" qui ouvre l’album présente le meilleur des mondes, d’une longue introduction symphonique à la
Dimmu Borgir période "
Death Cult
Armageddon" vers un premier riff et un hurlement terrifiant vous écrasant comme un vulgaire insecte. Le riff est vicieux, les parties de basse alambiquées sont virtuoses et absolument éblouissantes et l’aspect arithmétique des guitares renforce le chaos de la composition, intégrant pourtant quelques interludes en chant clair proprement prodigieux et bien plus personnels que d’autres passages évoqués précédemment. Il en va de même pour le génial "
Death Defiant", résonant comme une balle claquant contre une boite crânienne déjà partiellement défoncée par les assauts répétés du groupe.
Cependant, cette sensation d’un album trop long prend vraiment pied dans la seconde partie du disque, intéressante dans l’ensemble mais ne parvenant pas à se renouveler, à justifier autant de titres ni un certain remplissage ("The Chaos
Reign" qui aurait très bien pu faire office de face B).
Xerath termine pourtant sur une belle note, avec les sublimes "
Veil" pt I & II qui, cette fois-ci, évoquent véritablement une identité plus prononcée et une prise de risques certaine, quasi absente de l’album au demeurant. Le piano installe une première mélodie grandissant naturellement avec l’intervention progressive des symphonies et des guitares, dans une osmose quasi parfaite et une ambiance cinématographique retrouvée (ces chœurs à couper le souffle de mélancolie). Une ambiance effectivement trop perdue sur "III", n’évoquant que rarement les compositeurs de soundtrack comme Horner ou Shore que l’on identifiait assez clairement sur "II". "
Veil" restaure donc cette émotion, cette grandeur instrumentale laissant ce sentiment d’écouter une œuvre monumentale. Dix minutes sans chant, très filmiques et abreuvées de chœurs ou passages narratifs, imposant plus souvent les instruments à cordes (violon/alto/violoncelle/contrebasse) que des cuivres imposants. Magie et talent qui, et c’est fort dommage, manquent cruellement sur certains titres.
"III" est de ce fait une semi-déception car il essouffle le concept même de
Xerath qui était de repousser les limites. Trop long et manquant de l’ambition démesurée de son grand frère, ce troisième opus navigue entre instants de grâce et moments sans conviction ni intensité. Il reste évidemment fort bien réalisé, produit et instrumentalisé mais manque d’un impact global qui avait fait de son prédécesseur un classique en devenir.
Xerath rate un peu la marche d’une ascension pourtant déjà promise et devra rapidement se reprendre pour apporter de nouveaux éléments à sa musique. Un bel effort mais trop proche de ses congénères pour que l’on ressente une évolution positive…et dieu sait que la stagnation est synonyme de mort immédiate dans ce monde cruel qu’est la création artistique.
C'est plutôt un point positif, non ?
Sinon le reste de ta chronique correspond bien à cet album, c'est agréable à lire.
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