En matière de
Metal Expérimental il y a
Sleepytime Gorilla Museum et les autres. En effet tel un dandy dégénéré le groupe américain à la fâcheuse manie de faire tout le contraire de ce qu’on attend de lui, le tout en surnageant d’une manière insolente bien au dessus des autres groupes du genre. S’attaquer à un disque pareil c’est la certitude d’en ressortir dans un état second, vidé de toute substance tant on en ramasse plein la poire durant l’écoute. Tenter d’en comprendre toutes les subtilités prendrait une vie entière (et déborderait certainement sur une hypothétique réincarnation) tant chaque morceau compte de possibles angles d’écoute différents. D’autant qu’en plus d’être sans aucun doute à la pointe en matière d’expérimentations SGM se paye le luxe d’entretenir un coté malsain largement plus dérangeant que les Marylin Manson et autres icônes dégénérées du
Metal. Grimés comme les membres d’une secte occulte et mettant en musique une folie (à mon avis) loin d’être un genre qu’ils essayent de se donner pour faire plus déjantés qu’ils ne le sont déjà. Bref SGM fait partie de ces OVNIS musicaux qui vous transportent loin, loin de cette réalité trop terre à terre.
Avant d’aller plus en avant dans l’asile, une petite présentation de l’album s’impose.
Grand Opening and Closing est le second album du groupe paru dans nos contrées. Mais en réalité il est leur première parution qui à été rééditée après la sortie de leur véritable second opus. Vous avez du mal à suivre ? C’est normal, et cet emplacement délirant dans leur discographie colle parfaitement à la musique qui n’est pas moins complètement à l’ouest. La pochette du disque est elle aussi complètement perchée, sorte de pastiche des affiches événementielles du début du 20ème siècle elle présente l’ouverture d’un musée des horreurs, avec comme image un âne en train de lire on ne sait trop quelle revue étrange. Faute de pouvoir plaire à tous elle à le mérite de très bien représenter le contenu du disque. Ça y est les hommes en blanc sonnent à ma porte il est donc temps de passer au contenu de l’album. Âmes sensibles s’abstenir car ce dernier pourrait bien en plonger plus d’un dans un état proche de la schizophrénie.
Pour faire une présentation réductrice et grossière de l’objet, je pourrais le qualifier de mélange contre nature entre
Meshuggah et la BO d’un film de Tim Burton. Comprenez par là qu’on passe de grosses bastonnades
Metal avec un chant de troll à des ambiances glauques qui seraient à même de filer les chocottes à Lancelot si ce dernier les entendait au fond d’un labyrinthe peuplé de gobelins et autres succubes maléfiques. Ces passages glauques seraient véritablement parfaits pour illustrer l’entrée en scène d’un monstre sorti de l’imagination machiavélique des designers de
Silent Hill. A ce propos le titre d’introduction colle parfaitement à cet esprit, montant progressivement et me faisant penser à la démarche boiteuse d’un écorché vif sortant du brouillard de la bourgade fictive et s’apprêtant à vous fondre dessus les crocs sortis lorsque l’intensité tourne à une grosse bastonnade. Mais limiter la musique présente sur cette galette à cela est très réducteur sur le contenu de la chose. N’hésitant pas à incorporer des passages Funky complètement décalés ou des passages sombres et dépressifs en plein milieu d’une chanson. Le plus fort restant que la maitrise des compos à tiroirs les fait apparaître comme logiques après un gros passage proche du Death. Les délires ne s’arrêtent pas là car le groupe n’hésitant pas à lancer un riff imitant la sirène d’une ambulance débouchant sur un morceau bien violent (1997). On trouve aussi des passages de violons et quelques passages ressemblant à des annonces radios des années 30. Les rythmiques assénées sont totalement déstabilisantes, réussissant à casser les rythmes toutes les temps sans qu’on ne puisse le prévoir et sans nous ennuyer le groupe donne réellement l’impression de se retrouver au milieu d’un asile en permanence. Le tout dégageant une lourdeur et une intensité rarement atteinte en musique. Nous ne sommes pas dans la lourdeur du
Doom mais plutôt dans un univers à la croisée des chemins du lendemain de cuite et du film d’horreur des années 50.
Techniquement parlant il n’y a rien à redire sur la prestation des musiciens qui assurent toujours un niveau supérieur à la moyenne. D’autant que la plupart des membres est multi-instrumentiste. Les guitares sont lourdes oppressantes et parfois plus aériennes mais collent toujours parfaitement au ton général. La batterie est chaotique et perchée et assez déstabilisante à première écoute. La basse volontairement funky réussit à donner un rythme complètement barré aux riffs. Les samples accrochent bien et contribuent à l’ambiance, à l’image des claviers, du violon et des instruments créés par les membres eux-mêmes. Instrument inédits portant des noms bien délirants à l’image de ce « placenta électrique » dont je n’ose imaginer la tronche. Le chant quand à lui passe sans problèmes de gros cris à parties plus douces et glauques en passant par des sons proches de l’animal agonisant. Certaines parties sont assurées par un chant féminin ou des chœurs fort bien interprétés. Le son est dans l’ensemble assez gras et froid renforçant le délire ambiant. Bref qu’on accroche ou pas à la musique du groupe le travail des musiciens est très impressionnant et convainquant.
En clair cet album démentiel s’adresse en priorité aux amateurs de musique barrée au sens large. Il demeure mon préféré du groupe et tranche radicalement avec le classicisme ambiant d’une scène
Metal américaine peinant à se renouveler. Si vous aimez Mister Bungle ou Fantômas je ne peux que vous conseiller chaudement de vous jeter dessus car l’expérience devrait largement vous convenir. Par contre si vous n’aimez pas ce qui est cinglé passez votre chemin car cet objet haut perché dans les délires de psychopathes sur doués va vous empêcher de dormir un bon moment. Ou tout du moins vous filer une violente poussée d’urticaire en quelques secondes seulement.
Sleepytime Gorilla Museum reste incontestablement l’enfant terrible du
Metal Expérimental et l’un de ses représentants les plus doués. Si le croisement entre
Hannibal Lecter, Freddy et Mister
Jack ne vous effraie pas cet album devrait se faire une place de choix dans votre collection. Culte tout simplement.
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