La Turquie a son histoire, sa culture, sa mixité orient/occident, et aussi son metal avec ses failles et ses atouts. Les Turcs sont très friands des groupes extrêmes et suivent régulièrement les formations en dehors de leur pays. Malheureusement, leurs groupes locaux sont très peu encouragés, ce qui explique pourquoi les formations du coin restent quasi inconnues. Certains connaissent tout de même
Pentagram/Mezarkabul (heavy metal) ou encore
Raven Woods (death/black). Mais peu auront entendu parler de
Seth.ECT, formé en 2008 à Ankara. Pourtant, le quatuor a pris le défi de mélanger de l'electro avec du metal extrême, un mixage très rare au Proche Orient mais peut-être en passe de se démocratiser. Cerise sur le gâteau, le rendu total se rapproche étrangement d'une forme de Cyber
Death metal aux relents Black et orientaux, pris dans un concept ambitieux mélangeant religion, mythes, et science.
Si on découpe le nom du groupe en deux blocs, on obtient "
Seth", le dieu égyptien du désert, des tempêtes et des étrangers mais aussi "ECT", l’abréviation de "Experimental Chaos Theory", ce qui nous donne un magnifique contraste, non seulement entre orient/occident, mythe/science, ancien/futur. Ce patronyme nous met directement sur la voie quant à la musique, qui se veut être un mélange de beaucoup de choses, mélange subtil d'ambiances, d'éléments, d'émotions, de sonorités. Si ce qui tend à ressortir est le côté grandement expérimental et recherché, il en découle aussi une thématique originale, sous entendant que la technologie créé les Dieux et inversement. Les allusions au passé et à la mythologie indiquent quelque peu que les Dieux qui, se proliféraient, naissaient du progrès et de la passivité de l'homme. Au final, l'authentique peut aisément côtoyer le synthétique.
C'est ce qui se passe le long de cet album aux sons electro/cybernétique omniprésents. Alors que certains se plaignent que metal et electro ne font pas bon ménage, il est clair que
Seth.ECT inverse la tendance en rendant les deux styles encore plus cohabitants. La musique est très extrême, bourrée de riffings death metal efficace. La pochette et l'esprit général font penser au groupe
ID:Vision, mais il s'avère que les Turcs font une musique plus aérée, bien que très agressive, mieux produite et moins bourrine, mais plus homogène et moins scotchante. Toutefois, un titre tel que "B.L.A.ST." peut rappeler le travail des Biélorusses, surtout avec ce côté tordu, alambiqué et expérimental présent tant dans les riffs que dans les parties électroniques.
Toutefois,
Seth.ECT a son empreinte, offrant un cyber death très porté sur un aspect clair, obscur et arabisant par moments. Serait-ce la réponse orientale au cyber occidental? L'origine du groupe n'y est pas pour rien et on sent d'ors et déjà les influences, rien que sur "ECT", le break en milieu de titre nous gratifie de percussions, d'instruments traditionnels (flutes...) et de chant féminins éthérés, avant de repartir sur les chapeaux de roue avec un mélange electro/folk. Un contraste étonnant mais révélateur de l'identité de
Seth.ECT.
L'entrée en matière de "For Se7en Years" indique un tournant plus sombre et plus malsain, accentuant plus les sonorités cybernétiques, tels que des samples futuristes et des rythmes robotiques, parradés d'un chant très hargneux. Idem pour un "
Heart Beat" à la double pédale omniprésente offrant un refrain entêtant avec ces sons et son mélange de voix extrême/voix robotique à la Daft Punk.
Mais
Seth.ECT fait plus fort qu'un
Thy Disease sur leur morceau "Blame" de l'album "Anshur-Za". Sur "Orison" (que ce soit la première ou la seconde partie), le quatuor accentue encore plus les contrastes sus-cités et nous offre sans aucun doute le morceau le plus complet et le plus prenant. Mélangeant avec brio le passé et le futur, le monde humain et le monde des dieux/machines, la religion et la science, le titre renferme son lot de riffs death costaud, de growl, de chant synthétique et de mélodies électroniques froides et hypnotiques. Ajoutez à cela des violons, des flûtes, des chants traditionnels et des chœurs à un ensemble tantôt brut, tantôt aérien et vous avez dans vos oreilles le fruit ultime de l'imagination de
Seth.ECT.
Puis, "Keops" nous emmène des milliers d'années en arrière avec notre embarquement dans l'Egypte Ancienne. Keops était le deuxième pharaon de la IV Dynastie et on le connait bien pour les pyramides qu'il a fait faire construire. Ici, les Turcs nous proposent le morceau le plus teinté de Black, avec ces riffs caractéristiques. Le chant quant à lui se veut plus growlé, plus grave et plus offensif, tandis que les principaux riffs death et les sons électroniques mènent le jeu.
Seth.ECT fait donc fort en proposant non seulement un metal original, mais surtout un metal avec une âme et une grosse personnalité. La fusion cyber/death/oriental metal reste très bien effectuée et relativement ambitieuse, peu encore s'y était essayé, si ce n'est
Senmuth, dans un registre plus lent et plus indus. Ce groupe, et cet album, risque de faire parler de lui, tant dans le monde oriental que dans le monde occidental, pour son métissage et ses sujets. Car "Godspeak" perce les problèmes actuels tout en prenant ceux du passé et même du futur. L'art a des fins utiles selon
Seth.ECT?
Pas pour rien qu'ils reprennent cette fameuse citation de Ernst Fis(ch)er dans leur livret.
"Dans une société décadente, l'Art, s'il est véritable, doit aussi refléter ce déclin. Et à moins qu'il ne veuille briser la foi dans sa fonction sociale, l'Art doit montrer le monde comme ouvert au changement. Et aider à le changer". --- Ernst Fis(ch)er
Il faut que je garde ce groupe en tête, ça m'a l'air intéressant.
Merci pour la découverte !
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