Liste des groupes Death Metal Sulphur Aeon Gateway to the Antisphere

Le premier album des Allemands de Sulphur Aeon "Swallowed by the Ocean's Tide" sorti il y a deux ans avait produit son petit effet, de façon quasi-unanime, parmi les deathsters les plus blasés. Combinant une atmosphère poisseuse et brutale à la fois, et reprenant les codes de Morbid Angel, Nile, Immolation et Dissection réunis en un magma musical rendu personnel et cohérent, ce premier album à la pochette somptueuse (ça aide) a été une des vraies réussites de 2013.

Produit une fois de plus par Simon Werner et avec un artwork toujours illustré par Ola Larsson, qui avait donc travaillé pour le groupe sur leur premier album, ce second full-lenght de Sulphur Aeon sort cette fois chez Van Records (mais toujours sous licence Imperium Productions) en lieu et place du label FDA-Rekotz. Changement dans la continuité donc.

L'auditeur averti qui a usé le premier album notera, aussi, un (léger) changement dans la continuité à l'écoute de cette nouvelle livraison. Sur la forme déjà, l'illustration de Larsson justifie quasiment à elle seule l'achat en format vinyle, comme pour son prédécesseur. La classe, vraiment ! La pochette constitue ainsi un vrai plus pour la version physique, en LP de préférence, et illustre parfaitement la musique du combo. La modification la plus notable se situe au niveau de la production. Plus aérée que sur "Swallowed by the Ocean's Tide", ou moins étouffante, c'est selon. Oh, rien de rédhibitoire dans le rendu du style pratiqué, mais les instruments sont plus déliés dans le mix, et l'oreille distinguera plus aisément les différentes parties instrumentales, facilitant l'appropriation de morceaux construits sur un schéma classique mais ô combien riche et typique du groupe. Les fans ne seront donc aucunement décontenancés, mais Sulphur Aeon en devient du coup plus accrocheur ("Devotion To The Cosmic Chaos"), sans perdre pour autant sa spécificité.

Ceci étant dit, tout au long des neuf morceaux, plus une intro et une conclusion qui renvoient au sequencing du précédent album, nos Allemands balancent avec toujours autant de conviction leurs plans chaloupés, leurs roulements de toms caractéristiques et leurs soli glaciaux sur des morceaux d'environ cinq grosses minutes, et délivrent au final un album passionnant. Du sépulchral "Abysshex" à "He Is The Gate", le cœur de l'album figure parmi les parties du disque les plus accrocheuses, sorte d'alternance entre rythmiques typiquement scandinaves (Dissection rôde toujours) et riffs inspirés du deathmetal floridien relançant avec à propos la machine tout à fait judicieusement.

Toujours fidèles à une ambiance abyssale et Lovecraftienne ("Diluvial Ascension - Gateway to the Antisphere", l'intro "... To Drown This World", "Conclusion" parmi les titres les plus lugubres) qui sied si bien au trio, Sulphur Aeon réussit à faire la synthèse de ses influences. Tout en conservant son style propre dans une mixture impeccablement mis en valeur (le final et lancinant "Into The Courts Of Azathoth"), l'album - varié - défile ainsi très vite, malgré ses plus de cinquante minutes. Ne rechignant pas à accélérer le tempo (le terrible "He Is The Gate"), Sulphur Aeon, sans se départir de sa spécificité et avec des soli toujours aussi réussis, a su sortir un second album légèrement plus accessible.

Plus lumineux donc, à l'image du monstre Lovecraftien de sa pochette, qui quitte les fonds sous-marins du premier disque pour déchaîner les enfers du firmament, Sulphur Aeon réussit son coup. S'élever sans se renier. Moins étouffe-chrétien de prime abord que son pourtant plus court prédécesseur, qui nécessitait plusieurs écoutes pour intégrer pleinement son essence, Gateway to the Antisphere saura sans nul doute rassurer les fans du groupe, et, probablement attirer également les adorateurs des Morbid Angel les plus poisseux - "Gateways To Annihilation" en tête. Les voies d'une reconnaissance méritée et un des albums deathmetal de l'année.

Sulphur Aeon est un trio allemand, formé en 2010 et qui s’articule autour de Martin "M" Hellion au chant, de Torsten "T" Horstmann à la guitare et à la basse et de Daniel "D" Dickmann derrière les fûts. Après une démo (« Sulphur Psalms ») en 2011 et un Ep (« Deep Deep Down They Sleep ») en 2012, le trident germanique avait marqué au fer rouge le microcosme de death metal avec la sortie du monumental « Swallowed By The Ocean’s Tide », album tentaculaire inspiré du Cthulhu de l’œuvre de Lovecraft, qui avait conquis les deathters de tous bords.

Comme on ne change pas une équipe qui gagne, les allemands ont donc conservé le producteur Simon Wernes qui avait fait merveille sur « Swallowed The Ocean’s Tide » et leur illustrateur Ola Larsson (The Primordial, King Of Asgard) qui accouche, pour cette dernière livraison intitulée « Gateway to the Antisphere », d’un artwork magistral, fourmillant d’une multitude de détails.
« ...To The Drown This World » et ses incantations plantent complètement le décor et nous immergent dans les profondeurs abyssales de ses eaux troubles où est tapie la bête, mais l’explosion sonore débute réellement avec « Devotion To The Cosmic Chaos » qui ouvre l’opus tambour battant et, si vous êtes aguerris à l’art musical développé par Sulphur Aeon, vous ne serez certainement pas en territoire inconnu puisqu’il s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur.

Le riff y est appuyé, la rythmique échevelée, rehaussé d’une mélodie sous-jacente, le tout faisant penser au monstre polonais qu’est Behemoth. Et la majeure partie de « Gateway to the Antisphere » est du même acabit, impossible de faire ressortir un morceau plus qu’un autre de ce bloc compact et homogène.

Là où « Swallowed The Ocean’s Tide » proposait une alternance entre morceaux lourds et titres alambiqués, ici, les nuances se font plutôt dans l’agencement même des compositions passant d’une rythmique frénétique à une cadence pachydermique, donnant beaucoup de « vie » à leur death-metal, « Devotion To The Cosmic Chaos », « Abysshex, Seventy Steps » ou le furieux « Into The Courts Of Azathoth » en sont les parfaits exemples.
Même si le producteur reste le même, l’évolution notable entre « Swallowed The Ocean’s Tide » et « Gateway to the Antisphere » réside belle et bien dans l’élément sonore de la chose. Le son est en tout point parfait, conservant néanmoins un côté bouillonnant, il est à la fois clair, puissant et massif, chaque instrument est parfaitement audible. Côté interprétation, rien à redire non plus, les musiciens sont au diapason et délivrent une performance de haute volée.

Cependant, même si ce dernier opus est d’une qualité élevée, force est de constater que l’effet de surprise, initié par son prédécesseur n’est plus présent, la multiplicité des écoutes sera nécessaire afin de pouvoir pénétrer cette masse compacte. Aussi, quelques titres sont qualitativement un peu dessous l’ensemble, comme le générique « Titans », et, « He Is The Gate » et « Onwards...Towards Kadath » qui peinent véritablement à décoller. Pour finir, s’il en fait une des qualités primordiales de cet album, le son, bien plus clair et précis, amenuise la facette obscure et l’aura noire qui émanaient de son prédécesseur.

« Gateway to the Antisphere » se hisse à la hauteur, sans pour autant le surpasser, de « Swallowed The Ocean’s Tide » qui, il faut bien en convenir, avait fait plus que poser les fondations de la musique de Sulphur Aeon, malgré une mise en son ultra massive et des compositions à la structure variée. « Gateway to the Antisphere » aurait pu postuler au titre très convoité d’album de l’année 2015 mais quelques morceaux dispensables viendront freiner l’ardeur de l’auditeur.