Ah les bootlegs… Véritables objets de collection et de culte pour les uns ou arnaques inénarrables pour les autres, ces productions pirates ne peuvent laisser insensibles les amateurs maladifs de musique metal que nous sommes tous. Il est vrai que le meilleur y côtoie souvent le pire et que l’on ne sait jamais si l’objet de nos intenses recherches sera ou non un produit audible qui nous permettra d’apprécier le groupe concerné d’un point de vue réellement pertinent et constructif, mais existe-t-il un plus grand plaisir que celui d’agrémenter sa discothèque d’un charmant release artisanal dont il n’existe que quelques centaines d’exemplaires de par le monde ?
«
From the Dark » consacré à
Morbid s’avère être un must du genre à bien des égards, constituant une pièce indispensable à la curiosité des fans de death metal suédois et accessoirement du légendaire groupe de black metal norvégien
Mayhem. Effectivement, ce groupe de Stockholm formé en 1986 a compté dans ses rangs le temps de ses deux courtes années d’existence des musiciens qui ont indéniablement contribué à écrire les lettres de noblesse du metal extrême scandinave. Jugez plutôt : Per Yngve Ohlin alias
Dead (R.I.P. 1969-1991) de
Mayhem ainsi qu’Uffe Cederlund et Lars Göran Petrov de
Nihilist/
Entombed. Aussi, en plus d’être représenté par une désopilante pochette de très bon gout signée par un certain
Ereshkigal et mettant en scène un zombie se vidant les cojones par une nuit de pleine lune sur le corps défunt d’une femme à la poitrine généreuse et aux zygomatiques on ne peut plus proéminents, ce «
From the Dark » produit par le « label » américain
Demon Seed Records présente l’intérêt de réunir sur une seule et même galette les deux démos difficilement trouvables du combo suédois que sont les mythiques «
December Moon » de 1987 et « Last Supper… » de 1988, ainsi que l’enregistrement du concert au Birka
Garden de Stockholm du 23 octobre 1987 qui parut en 2000 sous la forme d’un «
Live in Stockholm » édité sur
Reaper Records.
Constituant le tout premier release de
Morbid, «
December Moon » a l’honneur d’introduire le carnage dans tous les sens du terme. D’une qualité sonore plus que médiocre mais on ne peut plus pardonnable compte tenu du contexte qu’il est judicieux de prendre en considération au cours de son écoute, la première démo de
Morbid pose les bases d’un mix intéressant et efficace de death/thrash/black metal à travers quatre titres que sont les « My
Dark Subconscious », «
Wings of
Funeral », «
From the Dark » et autres «
Disgusting Selma » raisonnant aujourd’hui comme des hymnes à la mort et à la chaire humaine en état de décomposition avancée. A noter le riffing divin d’Uffe Cederlund et de John Lennart n’étant pas sans laisser présager la lourdeur et la puissance du futur excellentissime « Left
Hand Path » d’
Entombed, ainsi que la phase planante de «
From the Dark » au sein de laquelle Per Yngve Ohlin alias
Dead semble annoncer à l’auditeur sa future direction musicale…
Sur « Last Supper… », l’auditeur remarquera de suite un réel effort de production par rapport à la précédente démo, se traduisant par quatre titres relativement audibles permettant de discerner facilement les différents instruments et de découvrir un
Dead plus agressif et saccadé dans ses vocaux que sur «
December Moon ». D’obédience plutôt thrash et assez soutenu rythmiquement, « Last Supper… » met en lumière une indéniable progression technique des musiciens beaucoup plus rigoureux que sur «
December Moon ». Avouons qu’il s’avère être difficile d’établir un lien de cohérence entre les deux démos, tant elles diffèrent et paraissent à mille lieux l’une de l’autre. En l’espace d’un an, le pas franchi par
Morbid s’avère être remarquable techniquement mais le style pratiqué sur « Last Supper… » ne laisse présager en rien les futures directions musicales de
Dead, de Cederlund et de Petrov. En effet, les quatres titres constituant la démo s’avèrent être beaucoup plus proche de
Kreator période
Tormentor que de
Mayhem et d’
Entombed.
Enfin, «
From the Dark » gratifie l’auditeur le plus téméraire de l’une des cinq prestations live de
Morbid enregistrée au Birka
Garden de Stockholm en octobre 1987. Bien que le son soit relativement mauvais et rappelant ainsi la veine sonore de «
December Moon » ; cette marque certaine de perfectibilité confère un charme indescriptible et non moins hallucinant à ce gig joué devant une vingtaine de personnes maximum. Alors que l’intro sonore du concert tirée de la scène du « crucifix fucking » du film L’Exorciste fait son petit effet,
Morbid enchaîne ensuite les titres quasiment tous issus bien évidemment de «
December Moon » avec un enthousiasme et une inspiration sans pareils. On regrettera néanmoins l’ambiance trop bon enfant de cette prestation scénique ainsi qu’un
Dead proche et plutôt déconneur avec le public, ce qui tend à briser le mythe du misanthrope dépressif dont la légende raconte qu’il enterrait ses vêtements dans les cimetières pour les imprégner de l’odeur de la
Mort et qu’il humait un sac contenant des entrailles de corbeaux avant les concerts de
Mayhem pour se conditionner à l’esprit du
True Norwegian Black
Metal.
Bien plus qu’un simple et vulgaire bootleg live, «
From the Dark » s’avère donc être une compilation de l’intégrale des enregistrements du légendaire
Morbid à l’exception néanmoins du « Rehearsal 07/08/1987 » de 1987, constituant donc un objet d’intérêt majeur pour qui s’intéresse aux balbutiements de la scène death metal suédoise. Un objet d’Histoire des plus intéressants donc qui ravira les historiens du style et qui pourrait constituer un complément sonore de premier choix à l’excellent livre « Swedish
Death Metal » de Daniel Ekeroth (ex
Insision,
Dellamorte,
Tyrant) qui s’avère être une anthologie d’une richesse incommensurable dédiée au metal de la mort made in Sweden.
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