Liste des groupes Metal Moderne Ancient Fragments From a Distance

Prudence est mère de sûreté, dit-on... Un adage suivi à la lettre par ce groupe espagnol originaire de Barcelone ! Cofondé par le guitariste Ramiro Alva (ex-Born In Exile) et le bassiste Victorien Condemine en 2018, le combo s'agrégera prestement les talents de Pipi Gogerl en qualité de frontwoman. Ce faisant, et aux fins d'un travail en studio des plus minutieux, leur introductif et présent EP, « From a Distance », ne naîtra que quatre années plus tard. Aussi effeuille-t-on une auto-production modeste d'un ruban auditif de 20 minutes où ne se dispatchent guère plus de quatre pistes ; enregistré et mastérisé aux Chicago Way Studios, ce premier mouvement n'accuse pas l'once d'une sonorité résiduelle tout en faisant montre d'une belle profondeur de champ acoustique. Indice révélateur d'une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos gladiateurs dans la concurrentielle arène metal moderne à chant féminin !

Le collectif ibérique nous plonge au cœur d'un metal moderne aux relents progressifs, djent, groove, death et un brin jazzy. Une originale fusion de styles où les sources d'inspiration seraient à puiser dans le patrimoine compositionnel de Rage Of Light, Tesseract, Kadinja, Novelists et Volturian. Jouant habilement sur les effets de contrastes rythmiques, nos acolytes ont également misé quelques espoirs de l'emporter par le truchement des qualités interprétatives de la frontwoman, cette dernière octroyant non seulement de limpides inflexions, à la façon de Jennifer Haben (Beyond The Black), mais aussi des growls plutôt ombrageux et des screams on ne peut plus glaçants, non sans rappeler Adrienne Cowan (Seven Spires). Une technicité instrumentale dores et déjà difficile à prendre en défaut alliée à des lignes mélodiques finement esquissées et des plus grisantes complètent le programme des réjouissances. Mais suivons plutôt nos hôtes dans leurs pérégrinations...

Si elle se plaît à varier ses phases rythmiques, la troupe trouve-là quelques clés pour nous aspirer dans la tourmente. Ce qu'atteste, en premier lieu, « Siblings », mid tempo syncopé progressif aux riffs épais, à la basse résolument claquante et pourvu d'un léger tapping ; s'il accuse un pont techniciste aussi tortueux qu'instillé de quelque linéarité mélodique, le frondeur méfait se voit toutefois pourvu d'un entêtant et ''xandrien'' refrain mis exergue par les angéliques impulsions et de growls caverneux judicieusement injectés par la princesse. Dans cette énergie, on ne saurait davantage éluder « Elements », bouillonnant mid/up tempo aux riffs acérés adossés à une frondeuse rythmique et pourvu d'un pont instrumental bien amené et des plus grisants, dans la veine de Tesseract ; essaimant parallèlement un ''delainien'' refrain mis en habits de lumière par les fluides ondulations de la déesse, contrastant alors avec ses screams rageurs sur les couplets, auxquels s'adjoindront des choeurs d'enfants inattendus, le frémissant effort poussera assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée. On retiendra, enfin, le pulsionnel « Paths » pour son break opportun et son flamboyant solo de guitare.

Quand la cadence se fait un poil moins soutenue, le message musical délivré ne s'avère guère moins immersif. Ce à quoi nous sensibilise « Bureaucrazy », mid tempo chaloupé aux riffs crochetés à mi-chemin entre Rage Of Light, Volturian et Kadinja ; doté de sémillants gimmicks guitaristiques à la colorature jazzy, drapé de virevoltants arpèges pianistiques et d'une mélodicité toute de fines nuances cousue, le félin mouvement ne lâchera pas sa proie d'un iota. Encensé, en prime, par le large spectre vocal de la diva, cette dernière conjuguant subtilement claires modulations, screams fougueux et flow rap, ce hit en puissance ne se quittera qu'à regret.

On ressort de cette brève mais palpitante traversée en eaux tumultueuses interpellé par la capacité du groupe à concocter une œuvre aussi rugissante qu'empreinte de délicatesse, apte à nous retenir plus que de raison. S'il a veillé à varier ses phases rythmiques comme ses lignes de chant, le combo devra, cependant, diversifier ses exercices de style comme ses ambiances pour espérer élargir encore le champ de son auditorat. Pouvant néanmoins compter sur une ingénierie du son de bonne facture, une heureuse fusion de styles et sur une signature oratoire aisément identifiable et des plus magnétiques, nos belligérants n'auront pas tari d'armes efficaces pour asseoir leur défense. Bref, un premier méfait éminemment exalté et de plus enivrants, susceptible de propulser la formation ibérique parmi les sérieux espoirs de son espace metal d'affiliation. Dans l'attente à peine voilée d'un album full length...