Un puissant vent de terre s'abat sur les plaines ukrainiennes au moment de la sortie de cet EP. Celui-ci va-t-il alors contribuer à réchauffer nos coeurs à la lumière d'un doom gothique qu'on attendait embrasé, suite au précédent et pénétrant opus de ce combo? S'agissait-il de relever le pari fou de nous convaincre de la portée de son message musical en imposant à nos oreilles une petite rondelle d'à peine plus d'une vingtaine de minutes? Ou, faut-il y voir là comme un préalable à la construction d'un nouveau visage artistique du groupe?
A ces questions ont tenté d'y répondre, à leur manière, le multi-instrumentiste et grunter
Eternal Tom et la soprano
Valerie Chudentsova. L'ambiance mystérieuse s'insinuant sur ces cinq pistes renvoie au projet initial du groupe de nous asseoir à une table gothique, avec quelques embrasures rythmiques en guise de comité d'accueil. En outre, l'étreinte sauvage des riffs de guitare se montre souvent intarissable et a pour corollaire une dense et percutante double-caisse. L'ensemble instrumental cohabite harmonieusement au sein d'un style doom bien marqué. Par quelques habiles soli de guitare et des arrangements bien pensés, les parties techniques complètent la panoplie orchestrale dont se pare le groupe.
A l'aune du subtil contraste de couleurs dont se drape la pochette à l'artwork soigné, les effets de reliefs vocaux ont habité la plupart des espaces oraux de l'opus. A l'image du modèle de "la Belle et la Bête", une limpide voix de tête féminine fait face à un profond et ténébreux coffre vocal masculin. Cette technique vocale renvoie à celles usitées par des formations telles que
Leaves' Eyes,
Epica ou encore
Within Temptation.
Précisons que seuls trois des titres proposés relèvent d'une création propre au groupe. Tous trois sont assis sur les mêmes fondements rythmiques et vocaux. Par exemple, l'entraînant "The
Ghost" nous perfore littéralement de ses tappings incessants, tout en nous octroyant quelques breaks en guise de pause. Une présence synthétique plutôt animée comme toile de fond nous conduit au fil du morceau vers un sympathique solo de guitare. Parallèlement à ce bain orchestral bouillonnant vient s'inviter un couple vocal inattendu où se conjuguent les inflexions lyriques de
Valerie et les grunts brutaux de son acolyte. Ce schéma de composition se retrouve sur "To
Eternity". A la différence près que ce dernier met à l'honneur quelques notes de guitare sèche et un piano déroulant de beaux arpèges, au milieu de riffs grinçants disséminés tout le long de la piste. On regrettera la présence de refrains au chemin mélodique approximatif sur un titre pourtant intéressant par la progressivité du corps vocal, notamment concernant la partie masculine, d'abord sombre, puis évoluant vers des growls bestiaux. Toujours sur le même moule orchestral, "Awoken" séduit autant par ses siréniennes envolées lyriques qu'il nous leste par d'abyssaux refrains. Des passages toniques nous incitent bien à suivre des riffs cinglants et des grunts inquiétants, mais souffrent d'une carence harmonique qui les rend, dès lors, peu ragoûtants. On ne s'attardera donc pas sur ces quelques prouesses techniques mal coordonnées entre elles et surtout peu novatrices.
La partie consacrée aux reprises permet de redécouvrir quelques lignes mélodiques de groupes phares tels que
Xandria, à l'aune de "Snow White" ou de
Paradise Lost, avec "
Eternal". Ces titres sont restitués quasiment à l'identique, exceptée la partie vocale bien identifiable du combo. Sur la première plage, riffs de guitare vrombissants, rythmique imposante, synthés reptiliens, couplets modulés et refrains énigmatiques se combinent, comme sur la version originale. Quelques sensibles variations vocales sont tout de même dispensées par
Valerie. Toutefois, rien d'exaltant ni d'innovant sur le plan orchestral ne vient seconder l'interprète dans ses vibes. Le second titre met en scène des grunts comme unique toile de fond vocale. Instrumentalement dynamique et tourmenté, et malgré un beau solo, la sauce ne prend pas réellement non plus. Là où l'art est naturel, le copiste s'avère souvent maladroit. Pour le dire autrement, l'âme du groupe ne se perçoit que rarement dans cet exercice délicat de reprises.
Difficile dans ces conditions de tenir le pari de l'embrigadement de nos émotions avec d'aussi minces arguments. Non qu'il soit de mauvaise facture, mais cet EP a trop peu de points d'impact pour nous toucher et nous faire pénétrer sereinement dans son antre. De trop rares d'atouts s'observent donc pour en faire un incontournable d'une cd-thèque metal qui se respecte. On pourra néanmoins lui accorder une ou deux écoutes attentives pour ne pas laisser passer les beaux accords de "The
Ghost" ou la grandiloquence de "To
Eternity".
Ce modeste opus jouerait davantage le rôle d'interlude plus que celui d'une oeuvre à part entière dans la carrière du groupe. On serait donc en droit d'attendre une suite plus conforme aux réels desseins du groupe. Il renouerait alors avec un passé assez bien inspiré. C'est dire qu'il convient de ne pas rester rivé sur cet EP comme ultime création du combo mais de le considérer comme une parenthèse comme solde de tout compte dans l'oeuvre du groupe.
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