Si vous avez lu ma chronique de
Belfry, vous savez que le premier album de
Messa m’avait mis une énorme mornifle au travers de la tronche. Le combo transalpin mêlait le meilleur du heavy doom occulte à quelques passages drone hallucinés et des envolées aériennes d’une pureté immaculée formant un album qui, s’il n’était pas foncièrement original, était pour moi imparable et d’une solidité à toute épreuve.
Inutile donc de dire que j’attendais
Feast for Water au tournant, et que j’avais de très fortes attentes pour ce deuxième album, toujours signé chez Aural Productions. Naunet, court morceau introductif de 2,32 minutes, s’ouvre sur des notes de violoncelle graves et plaintives qui raisonnent comme une lointaine corne de brume, bientôt englouties par les flots, dont le clapotis apaisant vient nous bercer. Puis le courant nous entraîne irrémédiablement, et à mesure que l’on s’enfonce, le bruit de la source s’amplifie en un sifflement strident et désagréable qui gonfle, gonfle et nous emplissant les oreilles et le cerveau comme pour mieux nous noyer… Jusqu’à ce que l’on arrive de l’autre côté, avec ce filet d’eau cristalline qui nous accueille de son murmure chantant, cet arpège sombre, mystérieux et dépouillé si caractéristique du groupe ainsi que le chant grave et ensorcelant de
Sara. Les cordes sont frottées sur un rythme binaire, formant une mélopée obsédante et presque ritualiste répétant inlassablement les mêmes sonorités, qui portent le chant chtonien de la Prêtresse jusqu’au premier coup de caisse claire qui lance un gros riff haché et puissant. Le rythme se fait alors marqué, la voix plus haut perchée, et une guitare soliste vient éclaircir le mur vrombissant des guitares grâce à une flopée de notes lumineuses et de soli toujours aussi réussis. On a un morceau énergique et mélodique à la fois, où les six-cordes de la paire Alberto/Mark Sade se marient à merveille avec les envolées vocales de la belle.
D’entrée,
Leah joue plus sur la lourdeur avec un riff bien gras, mais le son est moins ronflant et énorme que sur l’opus précédent, les guitares ne nous plaquant pas au mur comme auparavant, et
Messa semble s’être largement déparé de ses influences drone (à peine les retrouve-t-on à la fin de ce morceau avec ces infrabasses tout de même bien moins poussées que sur
Belfry) pour livrer quelque chose de plus léger et aérien. D’ailleurs, le couplet, juste habillé de ces notes de piano fragiles et tremblotantes, de quelques coups de cymbale et des vocalises enchanteresses de
Sara, nous enveloppe dans un minimalisme intimiste comme dans une bulle, formant un contraste intéressant lorsque le riff de départ revient nous rugir aux oreilles et que la chanteuse force sur sa voix, lui donnant une coloration plus rock.
Oui, plus rock c’est ça, peut-être moins doom, moins lourd et tellurique mais pas moins sombre pour autant, et avec des influences 70’s, jazz et progressives plus marquées.
Messa semble effectivement se tourner vers une musique plus introspective, et The Feast of Water est moins direct et évident que son prédécesseur, insistant plus sur les ambiances que sur les gros riffs imparables, en témoigne la première partie feutrée de
The Seer aux passages bluesy ou le très calme et brumeux She Knows. Ceci dit, le quatuor est toujours capable d’envoyer quelques salves de heavy bien burné (l’exceptionnelle deuxième partie de
The Seer, shamanique, avec cette rythmique qui s’emballe, ce chant d’un autre monde et ces soli toujours aussi inspirés, les courtes parties extrêmes de Tulsi hantées par un chant arraché, morceau à la schizophrénie délicieuse oscillant sans cesse entre rock aérien et explosions black metal).
Finalement, la musique de ce deuxième album est à l’image de son concept : tour à tour calmes, impétueuses, apaisantes ou destructrices, insaisissables, d’une fluidité étonnante malgré leurs soubresauts et leurs torsions incessantes, ces 49 minutes s’écoulent comme de l’eau et on s’en abreuve avec plaisir.
Après un
Belfry aussi incroyable qu’inattendu,
Messa transforme l’essai, nous livrant une musique plus subtile, intimiste et progressive tout en conservant son identité sonore si caractéristique. The Feast of Water n’est pas un album facile d’accès, et ces huit pistes s’apprécient sur la durée, ses mélodies lénifiantes s’insinuant lentement en nous, nous attirant toujours plus irrémédiablement vers les profondeurs. Ami lecteur, méfiez-vous de l’eau qui dort, vous pourriez bien être son prochain festin…
Ca a l'air vraiment bien, zut, encore un truc à écouter...
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