Paleface est un jeune groupe suisse qui possède une histoire un peu particulière. Fondé en 2017 à Zurich et composé de quatre talentueux musiciens, notre formation a su assez rapidement se faire une place de choix dans la scène extrême du metal. Seulement un an après sa création, le quatuor publiait déjà son premier EP Chapter I : From The
Gallows avec un invité de marque, celui de Duncan Bentley, vocaliste de
Vulvodynia sur le titre Sulfur Galaxy. La même année, nos Suisses accompagnent avec eux la formation de beatdown française Parjure, le groupe allemand de blackened deathcore
Mental Cruelty et la bande de hardcore belge XviciousX sur la composition
Deprivation Method. S’en suit deux nouvelles sorties, la seconde partie du premier EP ainsi qu’un premier full-length qui sera le troisième et dernier ouvrage de la trilogie.
Cette mise en lumière, la maison de disques Slam Worldwide, label spécialisé dans le metal extrême et ses sous-genres l’a bien remarqué. Même si toutes les parutions de notre groupe suisse ont été jusqu’à présent auto-produites, c’est bien grâce à la marque que les artistes ont pu gagner en notoriété et en visibilité. C’est
Cursed Us, morceau présent dans l’opus Chapter III : The Last Selection que Paleface a vu sa carrière décollée. Encore aujourd’hui, le titre demeure l’une des vidéos les plus populaires de la chaîne YouTube du label discographique. Le quatuor vole désormais de ses propres ailes et le prouve avec la publication de son second album baptisé
Fear & Dagger, un peu moins de deux ans après le fameux troisième et dernier volet.
En aussi peu de temps, le style de nos Suisses a bien évolué. S’exprimant dans un slamming beatdown hardcore, les musiciens excellent dans des exécutions rythmiques excessivement lentes et impressionnantes de massivité. Le riffing est grave, les percussions sont cinglantes et le chant est hargneux. Là où le groupe possède un atout de taille, c’est sur ses attraits empruntés du neo metal. Cette petite particularité se ressent principalement au niveau des prestations vocales. Zelli, le vocaliste et frontman du combo, affiche des passages parfois rappés et hurlés. Son timbre ressemble d’ailleurs à celui de
Corey Taylor, chanteur de Slipknot.
On retrouve d’ailleurs les mêmes mimiques, la même vulnérabilité et la même rancœur sur certains morceaux. L’ouverture
666 est une introduction oppressante qui démarre sur un monologue du vocaliste. La mélodie s’en suit avec quelques bruitages terrifiants, des sanglots, une rage qui semble inconsolable et d’une seconde voix qui semble être la raison de toute cette noirceur. Elle est peut-être l’image du diable en personne. Dans tous les cas, cette mise en bouche nous remémore certaines interludes d’un certain KoRn. La comparaison pourrait être poussée jusqu’à l’effroyable Daddy tant les émotions sont aussi fortes.
My Grave/Lay With Me suit cette vision de l’injustice. Etonnement, si le discours est cinglant, le début de la mélodie est plutôt apaisant, presque lumineux. L’allocution va peu à peu se transformer en un chant rappé aux quelques influences de trap. Le titre est comme un
Limp Bizkit des temps modernes. Le morceau se clôturera par un ton plus tranchant et une atmosphère bien plus hostile.
Si les compositions ne possèdent pas de structures complexes, ni même de grande technicité, elles disposent cependant d’une belle diversité rythmique. Sur The Orphan par exemple, même si l’ensemble des passages ne seront ni plus ni moins que des breakdowns, chacun d’entre eux accusent d’un tempo différent. Le dernier est l’image même d’une succession de coups de poings en pleine face. On apprécie également la sensibilité vocale, la douleur, la colère voire la schizophrénie dans chaque ver. Nos musiciens nous font même l’honneur d’un petit solo thrashieque pour un léger souffle de fraîcheur.
Bien que l’ensemble des titres adoptent ce modèle lourdeur associée à lenteur, le quatuor suisse arrive à plusieurs reprises à nous surprendre notamment grâce à ses guests. Parmi eux, nous pouvons citer Florent Salfati du groupe de metalcore français LANDMVRKS sur le morceau
Dead Man’s Diary où le chanteur impressionne toujours autant sur sa palette vocale. Le titre ne fait aucunement figure d’exception avec un chant hurlé, une proposition rappée et surtout un growl d’outre-tombe sur le breakdown final, le plus virulent de ce nouveau tableau. Chaos Theory avec la participation de Tyler Shelton de la formation américaine de downtempo
Traitors varie également l’exercice vocal. Sur le solo de guitare, le groupe emprunte à nouveau dans le thrash pour une dissonance omniprésente.
Avec ses seize écrits et son heure d’écoute bien entamé,
Fear & Dagger n’est pas évident à avaler d’une traite. De même, la quasi absence d’interludes ou de mélodies apaisantes se fait rapidement ressentir. Néanmoins, on ne peut pas tant en vouloir à nos Suisses d’être aussi direct et malveillant dans leurs travaux. Si plusieurs caractères sont à ovationner, c’est bien cette honnêteté, cette hargne, cette agressivité qui ne faiblissent aucunement au fur et à mesure du temps, des traits de plus en plus rares dans ce style de metal. L’aspect lyrique n'est pas forcément le plus grand fort de nos Suisses mais force est également d’admettre qu’il est sans taboo et sans détours. Deathtouch et cette ligne ‘I hate you all’ est un parfait abstract et ligne directrice de ce disque.
Si Paleface ne remportera sûrement pas la palme d’or en termes d’originalité avec ce
Fear & Dagger, il sera en attendant un sérieux concurrent pour le titre de la franchise. On pourra souvent penser que la formation suisse en fera toujours trop dans sa gymnastique de rusticité et d’engourdissement à tel point que l’on s’en moquera et que l’on trouvera ces distinctions ridicules. En attendant, peu d’artistes peuvent se vanter d’une telle aura néfaste et pervertisseur et c’est bien à ce niveau que l’on est charmé par le quatuor. A voir où ce beau petit monde nous emmènera dans le futur.
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