Father Light

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16/20
Nom du groupe Stoned Jesus
Nom de l'album Father Light
Type Album
Date de parution 03 Mars 2023
Style MusicalStoner Doom
Membres possèdant cet album2

Tracklist

1.
 Father Light
 03:35
2.
 Season of the Witch
 11:34
3.
 Thoughts and Prayers
 06:22
4.
 Porcelain
 08:09
5.
 CON
 04:10
6.
 Get What You Deserve
 09:08

Durée totale : 42:58

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Stoned Jesus


Chronique @ JeanEdernDesecrator

23 Mars 2023

Sortis des chemins battus et éventrés

J'ai avec le stoner une relation d'amour/haine : d'un coté il m'énerve copieusement, à se couler trop facilement dans un moule stéréotypé où la lourdeur, la répétitivité et l'abus de Fuzz et de substances bizarres, font que l'impression de déjà entendu vire vite à l'insupportable. D'un autre coté, certains groupes du genre arrivent à se jouer de ses codes et à en faire d'une manière personnelle et intéressante, comme récemment Elder, ou le groupe qui nous intéresse ici, Stoned Jesus. D'ailleurs, ses trois membres revendiquent une grande variété d'influences, de The Police à Nirvana, depuis leurs débuts jusque dans la musique qui les accompagne dans leur van en tournée. Leur précédent LP "Pilgrims", paru il y a cinq ans, était une bouffée d'air frais dans l'atmosphère pour le moins enfumée du genre.
Formé en 2009 autour d'Igor Sidorenko, initialement sous le nom de Stoner Jesus From Outer Space, ce trio ukrainien a opportunément raccourci son patronyme en Stoner Jesus. Il a sorti jusque là quatre albums studio : "First Communion" (2010), "Seven Thunders Roar" (2012), "The Harves" (2015), et "Pilgrims" (2018). Pour donner une idée de l'état d'esprit de ces musiciens, un de leurs morceaux phares, "I'm the Mountain", est une grosse jam de seize minutes enregistrée en 2012, qu'ils jouent toujours en concert. Depuis 2017, le trio s'est stabilisé dans sa forme actuelle avec Igor Sidorenko (guitare, chant), Sergii Sliusar (basse, chœurs) et Dmytro Zinchenko ( batterie, chœurs).
Les phases de création de leur cinquième opus se sont étalées sur plusieurs années, débutant par l'écriture en 2019, puis se prolongeant avec le travail en groupe sur les compositions en 2020. La pandémie a interrompu leurs plans : l'album a été enregistré et produit en 2021, au studio Spivaki Records (Ukraine), par Artem Altunin et le batteur Dmytro Zichenko, et masterisé au Metropolis Studio (Londres, Royaume Uni). Cependant, sur les neuf morceaux pour 75 minutes prévus au départ, seuls six ont pu être menés à terme. En conséquence, "Father Light" est devenu la première partie d'un dyptique, dont la deuxième moitié, "Mother Dark", devrait sortir en 2024.

Avec la massification du conflit qu'a subi leur pays en 2022, la vie du groupe s'en est trouvée suspendue. Comment faire encore de la musique lorsque la guerre essaie d'annihiler à chaque minute le quotidien ? Rien de futile là dedans, si ce n'est un moyen de vivre et de survivre... Elle a une place différente pour chacun d'entre eux : Igor se plonge dès qu'il peut dans la musique pendant que le batteur Dmytro a bien du mal à s'y intéresser tant la gravité de la situation le touche. Stoner Jesus ne s'est donc pas arrêté, il a d'ailleurs eu l'autorisation d'aller tourner en en 2022 et 2023, pour porter la bonne parole partout en Europe.
C'est le 3 mars 2023 que "Father Light" est paru chez Season Of Mist. Les artworks joliment épurés de la pochette et des singles ont été réalisés par Anton Pcholkin.

"Father Light" commence cet album de manière dépouillée, avec juste une guitare acoustique et la voix d'Igor, comme une prière désabusée. En fond sonore, les pépiements des oiseaux sont remplacés par l'arrivée de stridences de moins en moins lointaines, annonciatrices d'un ouragan de destruction. Les ambiances sont peintes en quelques touches de basse et de guitare, comme sur le début de "Porcelain", réminiscence asséchée du "Riders on the Storm" des Doors. Les effets, principalement le delay et la reverb, ont toujours une grande importance dans leur musique, mais ils sont utilisés ici avec retenue. De même, le fuzz et la violence musicale ne surviennent, que lorsque c'est nécessaire.
Le combo renoue le temps d'un morceau avec les longues épopées stoner prog et psychédéliques dont il était friand il y a une dizaine d'années ; "Season of the Witch", lourdement doom et patiné d'une ambiance très seventies, est illuminé par un superbe solo central, et pèse plus de onze minutes... qu'on ne voit pas passer. Pour arriver à ses fins, Stoner Jesus a choisi l'économie de moyens, avec des riffs tellement simples qu'on a la fausse impression qu'ils ne se sont pas foulés ("Thoughts and Prayers", qui ressemble à un bon vieux blues des familles), mais il adjoint plein de détails et de touches de couleurs qui font que je me suis retrouvé à les chantonner après coup sans m'en rendre compte …
S'il fait toujours, dans les grande lignes, du stoner, le combo préfère jouer autant que possible avec nuance, sur des sons crunchs, voire carrément clairs, plutôt que de pousser toutes les pédales à fond et de frapper comme des mûles endormies. Je retrouve avec plaisir la petite spécialité du trio, qui est d'arriver à bifurquer sur des accords incongrus, le temps de quelques secondes, ou d'un long break ("Season of the Witch"), avant de revenir sur les thèmes principaux.
Il n'en faut pas beaucoup à Igor Sidorenko pour capturer l'auditeur avec sa voix fragile, sorte d'Ozzy Osbourne lucide et à fleur de peau. Son chant semble en permanence sur le point de craquer sous le poids de l'émotion, au bord de perdre son contrôle et sa justesse, et c'est cela qui le rend si touchant. Coté batterie, Dmytro Zinchenko a un jeu qui mêle la lourdeur sabatthienne à un toucher jazzy, avec pas mal de ghost notes ("Porcelain"). La basse de Srgii Sliusar est très ronde, avec un son sans artifice, pas si éloigné de la prise directe. Les soli sont très réussis, avec une petite touche vaughanienne et un son très stratocaster ("Season of the Witch", "Thoughts and Prayers", "Get What You Deserve"). Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les textes, assez courts, ne sont pas forcément reliés à l'actualité de leur pays, si ce n'est "Get What You Deserve", et couvrent des sujets plus larges, personnels et sociétaux.
Avec toute cette torpeur nostalgique, on pourrait avoir peur de s'assoupir, mais "CON" monte la cadence à un rythme soutenu, avec une idée simple et efficace (des mots avec le préfixe "con") pour un résultat i-con-oclaste. On voit là cette pincée de défiance rigolarde qui épice les textes et l'attitude du groupe. Le trio se permet aussi de sortir des choses qu'on attend pas d'eux, comme ce redémarrage ultra plombé typiquement neo (on s'attend à voir Max le terrible débouler avec ses dreads) qui précède la fin de "Porcelain".

Si à la première écoute, j'avais été un peu dubitatif, m'attendant à plus de leur part, cet opus se révèle le plus mature et abouti de leur carrière, et devient vite incroyablement attachant. Le trio arrive à déployer une grande intensité mélodique avec le minimum d'éléments, agencés avec sagesse et justesse. Un beau disque, dont j'attends la deuxième partie avec impatience, en croisant les doigts très fort.


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