Dans un contexte de féroce concurrence continuant d'agiter la planète metal symphonique à chant féminin, difficile pour les jeunes recrues de tenter une mise à distance des cadors du genre ou même de se démarquer d'homologues aussi redoutables que
Beyond The Black,
Elvellon,
Sleeping Romance ou encore
Once. Un pari osé, s'il en est, mais qu'a souhaité relever tambour battant ce jeune sextet francilien sorti de terre en 2014.
Après quelques changements de line-up et une première mais significative expérience scénique, le combo s'est laissé le temps d'accoucher de son premier bébé à l'instar de cette démo répondant au nom de «
Exilés » ; auto-production de 4 titres égrainés sur un ruban auditif de 22 épiques et émouvantes minutes où les influences de
Nightwish (première période),
Epica,
Within Temptation,
Dark Sarah ou encore
Amberian Dawn ne sauraient être éludées. Et ce, même si nos acolytes ne s'y sont pas réduits exclusivement...
Aussi, c'est dans un projet rock'n'metal mélodico-symphonique gothique, cinématique et progressif, à la technicité éprouvée, aux fines nuances mélodiques, et doté d'arrangements de bonne facture que nous embarquent tout de go la parolière et frontwoman Cécile Delpoïo, le compositeur, claviériste et programmeur Olivier Reucher, le compositeur et batteur Léo Godart (Promothean, Scolopendra), les guitaristes Jean-Loïck Quashie et Stayn, et le bassiste et vocaliste Julien Harbulot. Pour l'occasion, en fonction des titres, ont été sollicités quelques invités, dont la violoncelliste Hélène Hucher, le bassiste Dino Dieleman (Grindomatic), la chanteuse Chaos
Heidi (
Asylum Pyre,
Despairhate) et les choristes
Wilson Raych et Alexis Druez, ces derniers contribuant à densifier l'espace vocal de leur présence.
La structure de l'offrande suit un schéma éminemment classique, commençant par un instrumental de rigueur et s'achevant sur une plantureuse piste symphonico-progressive, comme souvent dans ce registre metal. Ce faisant, les enchaînements inter-pistes s'effectuent sereinement, assurant à l'oeuvre une homogénéité et des finitions au rendez-vous de nos attentes. De plus, la menue rondelle bénéficie à la fois d'un mixage équilibrant à parités égales lignes de chant et instrumentation et d'une belle profondeur de champ acoustique. Enfin, on y décèle de saisissants effets de contrastes atmosphériques et vocaux, le corps oratoire reposant sur le modèle de la Belle et la Bête. Nos six compères auraient déjà mis les petits plats dans les grands...
D'entrée de jeu, on plonge dans les entrelacs d'une cinématique et nightwishienne entame à l'aune de « Fary Tail » ; brève et progressive plage instrumentale voguant sur d'enveloppantes et sinueuses nappes synthétiques. Une pièce certes convenue mais laissant entrevoir une ingénierie du son plutôt soignée, que n'auraient nullement reniée nombre de leurs pairs. Mais ce n'est là qu'une mise en bouche...
Aussi brève soit-elle, l'oeuvre ne tarde pas à révéler la féconde inspiration de ses auteurs, livrant alors quelques espaces d'expression des plus immersifs et propices à un enivrement prolongé de nos sens. Ainsi, l'aérien et néanmoins vitaminé «
Exilés » délivre à la fois la magnificence de ses ''delainiens'' harmoniques, une pléthorique et grisante orchestration samplée et de sécurisants enchaînements. En outre, cette rutilante piste rock'n'metal symphonique, dans l'ombre de
Nightwish à l'instar de « The
Phantom of the Opera » (in «
Century Child »), finement rédigée dans la langue de Molière, octroie un fin legato à la lead guitare et de saisissantes reprises sur la crête d'un refrain catchy. Enjolivé par les claires patines oratoires de la sirène, ce hit en puissance poussera irrémédiablement l'aficionado du genre à une écoute en boucle.
Quand le collectif accélère la cadence, le plus souvent et sans jamais tomber ni dans la pâle caricature, ni dans l'extrême accessibilité de ses accords, il parvient, une fois encore, à nous retenir plus que de raison. Ainsi, se parant de riffs crochetés, d'une rythmique frondeuse, d'un tapping martelant et d'une basse vrombissante signée Dino Dieleman, l'offensif et progressif « I
Will Disappear » ne ratera pas sa cible. Afin d'éviter un éventuel affadissement de l'attention, le combo nous octroie également des breaks aussi insoupçonnés qu'enchanteurs, nous permettant alors de reprendre notre souffle entre deux vagues de submersion. A mi-chemin entre
Nightwish et
Amberian Dawn, cette ogive se dote, en prime, d'une séduisante ligne mélodique mise en habits de lumière par les cristallines inflexions de Chaos, contrastant avec des growls ombrageux. Par ailleurs, on ne pourra que malaisément se soustraire au graduel emballement du convoi orchestral, conférant au spectacle tout son caractère et son aura.
Mais là où nos six gladiateurs se sont transcendés concerne le secteur des corpulentes pièces en actes d'obédience symphonico-progressive et cinématique. Aussi ira-t-on sans mal jusqu'à la note ultime des huit minutes de «
Earthlings », féerique et troublante fresque harmonisant parfaitement le Yin et le Yang, à la croisée des chemins entre
Nightwish,
Leaves' Eyes et
Dark Sarah. Dans cet océan de félicité, comment se soustraire au subtil toucher d'archet de la violoncelliste Hélène Hucher conjugué à de célestes ondulations synthétiques et à la basse pénétrante de Dino ? Lorsque l'instrumentation se densifie et que les olives rudoient plus franchement les fûts, une growleuse créature vient faire écho aux angéliques impulsions de la maîtresse de cérémonie. Au fil des multiples variations rythmiques du manifeste et eu égard à une sente mélodique aussi émouvante qu'exigeante, un sentiment de plénitude pourra gagner l'âme du chaland.
Pour son premier essai, le groupe francilien nous livre un message musical aussi vibrant qu'homogène, à la fois puissant, efficace et sensible, et au fort impact émotionnel. On aurait toutefois souhaité davantage de prises de risques et une mise à distance plus probante de leurs maîtres inspirateurs, leur méfait dénotant, de fait, un manque d'épaisseur artistique. Si l'accroche s'opère d'un battement d'aile et si la production d'ensemble s'avère d'une propreté difficile à prendre en défaut, un effort de diversité atmosphérique et rythmique supplémentaire aurait conféré à cet opus davantage de teneur et d'effets de surprise. A l'aune de cette offrande, le combo aurait néanmoins une belle carte à jouer pour s'illustrer parmi les sérieux espoirs de cette scène. Affaire à suivre...
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