1994,
Exit-13 s’offre une deuxième ogive longue portée,
Ethos Musick. Alors on prend les mêmes et on recommence ?
Pas vraiment. Rien que de part l’aspect extérieur, l’objet tranche par ses partis pris : pochette aux couleurs criardes, à faire pleurer un aveugle, sans aucune autre forme de mention. La jaquette prendrait sa source dans une photo de nature tirée de l’œuvre de
Catherine Gehm. L’arrière reprend le même code couleur, fait enfin apparaître le nom du groupe, sans le terrible logo dessiné par Jon «VIRUS» Canady, et fournit 3 indices supplémentaires. Une photo en couleur du groupe incrustée à l’arrache, la mention du label Relapse Records (bienvenu au bercail patron) et un message d’avertissement que je n’avais encore jamais rencontré. Vu qu’il est répété et explicité dans le livret, je ne pense pas que ce soit un trait d’humour. Il explique techniquement que la treizième piste a été enregistrée aux moyens d’instruments, et à une fréquence, qui font courir un risque à l’auditeur comme au matériel de diffusion ; et surtout que Sony, et Relapse, déclinent toute forme de responsabilité des dommages causés. Génial j’ai mis une bombe dans mon lecteur cd.
Exit-13 n’a conservé que deux membres de l’époque
Green Is Good !, le boss Bill Yurkiewicz qui dirige les opérations, produit, enrichit de samples et d’effets la musique, et continue la diffusion de ses idées à travers des paroles de plus en plus explicites. Quant à Steve O’Donnell, il domine le pôle guitares. Viennent renforcer l’escouade, Dan Lilker, qui après avoir explosé dans le Thrash, a atomisé la planète Grind avec le premier album de
Brutal Truth, vient filer la main au copain Bill, notamment à la basse ; et Scott Lewis à la frappe, qui remplace Pat McCahan, l’auteur de la scène de crime initiale, lui aussi issu des rangs de
Brutal Truth. Bill rajoute du bois dans la cheminée, et va faire cracher des flammes à
Exit-13.
13 pistes composent cette joyeuse galette, dont la mystérieuse dernière qui viole le protocole d’enregistrement de Sony, atteignant à elle-seule, la longueur de 28 minutes, youpi. Dès le premier morceau, on sent que Bill a resserré les lignes en produisant un grindcore old school, brutal, et véloce, élevé au lait maternel tourné, de maman
Carcass et à la semence rancie de papa
Napalm Death. La texture sonore est gonflée à bloc, les voix saturées, auréolée d’une distorsion des plus agressives, jusqu’au break qui fracasse le titre. Comme s’il était trop facile de s’en tenir au cahier des charges établi : pains dans la gueule à volonté. Résultat impro jazzy en plein milieu du blast.
Exit-13 oblige l’auditeur à ne pas se laisser aller, sus au panpan culcul suivi du susucre ; connard, réveille-toi, la Planète est la proie des flammes.
Exit-13 alerte, retourne, fracasse puis remercie, et enfin tue (à l’étouffé, dans un sac poubelle, puis claque le tout contre le mur des voisins). Les titres s’enchaînent et dévoilent un monstre qui s’enhardit, plus tranchant qu’avant, plus carré aussi, et mieux construit. L’expérience a porté ses fruits au point de réenregistrer trois titres de
Green Is Good !, l’opener Anthropocentric Ecocidal Conundrum, Reevaluate
Life !, et
Disemboweling Party, comme pour nous donner à voir ce que le premier album aurait pu donner avec cette nouvelle mouture. Ces titres n’ont pas été choisis au hasard. Certes ils tabassent par le son, mais ils regorgent de paroles vindicatives. Le premier décrit un écogénocide, le second est anticonsumériste, et le troisième explique comment faire la peau à tout ce ramassis de racistes et sexistes en tout genre, le tout assaisonné de terribles : DISEMBOWEL THEM !!!!!!!!!!!! RACISTS SUCK !!!!!!!!!!!!
Exit-13 sort l’artillerie lourde avec
Ethos Musick et fait mouche à chaque cartouche. Sauf la dernière. Le fameux titre de pur
Power Electronics, violon d’Ingres de l’ami Bill, qui tétanise d’un coup l’auditeur. Aussi agréable qu’un coup de tazer. Un morceau qui aurait sûrement plus sa place sur un support de Namanax. Un poil radical le point d'orgue.
En dépit de quelques samples humoristiques, et de délires vocaux sur une poignée de titres, 90% de l’album est un concentré de violence mise au service de la Nature, et de l’extermination d’une espèce en particulier : Toi !!! Moi, ça va encore, mais Toi, t’es mal Bobby. Le livret est saturé de références : citations, photos et réclame de bouquin, un manuel pour devenir le parfait petit écologiste. A croire que l’objectif de Bill est de composer le petit livre vert du Grind. Parmi les noms qui semblent obnubiler Bill, deux reviennent régulièrement
Earth First et John Robbins. Les premiers sont des militants qui mènent des opérations coup de poing, et se retrouvent souvent incarcérés. Ils luttent contre l’« Ecological
Holocaust ». Parmi leurs nombreuses actions, ils ont été mettre un masque à gaz sur le visage de Georges Washington au Mont Rushmore. Un très long sample d’interview reprend en détails l’opération, et les 4 mois de tolle tirés par l’activiste. Le second a sorti un ouvrage qui a impacté les US en profondeur bien avant la prise de position d’Al
Gore sur la question environnementale, Diet for a New America, nom carrément donné à un morceau de l’album. Loin de moi l’idée d’imaginer Bill former des écoterroristes en herbe, des mass-murderers, ou autres unabombers, à la pelle pour sauver la Terre, mais il est indéniable que le message est scandé avec plus de virulence sur cet opus, éclairé sous de nouveaux angles, et que la cause est embrassée avec un grand sérieux.
Exit-13 exécute désormais un Grind dévastateur, synthèse impressionnante de ses nombreuses influences. Adieu les touches de Stoner et les clins d’œil au Death, qui rendait l’objet attractif à mes yeux.
Exit-13 agrémente de breaks jazzy ses fulgurances et tente une infidélité en se tournant vers le
Power Electronics, histoire d’ouvrir les chakras de l’auditeur à la tenaille. Ne désirant absolument pas se conformer à ses pairs, le groupe rejoint le cercle ultra-minoritaire des
Disharmonic Orchestra et
Le Scrawl en plein hors piste sonore expérimental. Ces mutants permettent de mieux comprendre comment des spécimens rares et étranges comme
Cephalic Carnage et Carnival in Coal ont pu apparaître dans le paysage quelques années après, avec tant d'assurance et de maturité. Ce
Ethos Musick s'imposerait comme la bande son idéale de l'Armée des 12 singes de Terry Gilliam.
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