Le jeune sextet polonais originaire de Zamosc, créé en 2013 et emmené par la frontwoman et parolière Kinga Szewczuk, revient dans les rangs. Et ce, un an à peine suite à une initiale et engageante démo réalisée en 2015. Oeuvre laconique dont «
Eternity », premier album full length, a repris chacun de ses quatre titres après que le combo les ait remastérisés, leur conférant ainsi une saveur plus rock. En outre, moult séries d'accords encore inédites ont alimenté des lignes mélodiques, certes non novatrices, mais s'avérant plus nuancées que les originales. Surtout, cette dernière rondelle se pose comme une production certes perfectible dans ses finitions mais moins lacunaire eu égard à ses enchaînements. Dotant son propos d'une ingénierie du son plus soignée et d'un set de compositions plus étoffé, le groupe s'ingénierait-il désormais à défier la concurrence ? Aurait-il déjà les moyens de ses légitimes ambitions ?...
Calée sur un mixage équilibré, cette galette de 8 titres a permis à nos acolytes (Jacek Palak (guitare) ; Rafał Michałuszko (guitare) ; Michał Małecki (basse) ; Jakub Wróblewski (batterie) ; Mateusz Soboń (claviers) et Kinga) de s'affranchir des limites trop restrictives imposées par le format de leur précédent opus. Si la structure de l'album reste classique tant dans sa conception qu'au regard de sa technicité instrumentale, elle se démarque de celles des cadors du genre par l'originale fusion de styles proposée. Ainsi, toujours influencé à la fois par les premiers méfaits de
Nightwish et
Dream Theater et par
Lacuna Coil, le collectif polonais évolue dans un metal symphonique gothique et progressif à chant féminin non lyrique enrichi d'une touche rock classique en substance, le singularisant alors de nombre de ses pairs.
Comme pour signifier sa volonté de se distancier des formations concurrentes, à l'image de son précédent manifeste, le groupe a fait la part belle à l'instrumentation seule, livrant une puissante pièce teintée de moult variations rythmiques et de fines nuances mélodiques. Ainsi, la sculpturale entame instrumentale « Intro » d'obédience sympho prog, dans le sillage d'un
Dream Theater de la première heure, en dépit de son positionnement dans la tracklist, joue davantage le rôle de fer de lance que celui d'une brève introduction de rigueur dont se nourrit bien souvent ce registre metal. De saisissants gimmicks à la lead guitare plongent dans une mer synthétique huileuse avant que le convoi orchestral prenne l'ascendant sur fond de pilonnage graduel de caisse claire. Au maître instrument à touches de fermer la marche comme il l'a ouverte, pianissimo. Sous l'impact d'une symbiose instrumentale mise en exergue par l'inspiration et un indéfectible souci de cohésion de la part de chaque soliste, la sauce prend.
Dans le pur registre metal symphonique gothique et progressif à chant féminin, la troupe parviendra à retenir le chaland à plus d'un titre. Dans cette mouvance, s'imposent en maîtres les up tempi « Sinners' Time » (antérieurement « In the Sinners Time »), « Rise Like the Sun » et «
Eternity » (anciennement «
Power of
Eternity »). Dotés de riffs acérés et de gimmicks guitaristiques certes classiques mais prégnants, dans la lignée d'un
Nightwish typé « Angels
Fall First » accolé à un
Lacuna Coil estampé « Shallow
Life » tous trois imposent un rythme incandescent ainsi que des couplets bien taillés relayés par des refrains grisants et aisément mémorisables. Ce faisant, ils n'ont de cesse de nous interpeller et l'entreprise de séduction fonctionne à plein : les deux premiers efforts nous happant par leurs magnétiques soli de guitare et les sensuelles inflexions oratoires de la belle ; le troisième par sa vibrante énergie rythmique et sa pimpante rampe au synthé.
Par ailleurs, le groupe s'est aussi adonné et non sans habileté à la création d'une pièce en actes, à l'aune d'une infiltrante fresque sympho prog. Un redoutable défi relevé par nos compères à l'instar du suave et pénétrant « Elusive
Dream », issu de la démo, qui, de ses 7 minutes d'un spectacle fort en contrastes rythmiques, entonné avec justesse et volupté par la déesse, aspirera le pavillon auditif de l'amateur du genre. Et ce, d'autant plus que ce mid tempo progressif à la touche rock atmosphérique, à la croisée des chemins entre
Lacuna Coil et
The Gathering, se pare de soli de guitare et de synthé successifs et éminemment captateurs d'émotions.
Malgré ses mérites, et c'est là que le bât blesse, l'oeuvre révèle quelques failles qui en terniraient la portée, à l'instar de certaines pistes qui, en l'état, s'avèrent dispensables. Aussi, débordant pourtant d'une énergie que d'aucuns pourraient leur envier, ces passages n'ont guère bénéficié d'une aura similaire à celle de leurs voisins et peinent à convaincre de leur efficacité. Ainsi, en dépit d'une intarissable pugnacité et de riffs mordants à souhait, mais accusant bien peu d'oscillations mélodiques et de gênantes sonorités parasites, « It Comes at
Night » tout comme « World Is a lie » ou encore « Potion of
Life », resteront dans l'ombre des pièces sus-citées. L'émoustillante touche hard rock empruntée à
Ela et quelques harmoniques trahissant leur filiation avec
Lacuna Coil, pourtant bien amenées, ne pourront éviter à ces goélettes de prendre l'eau.
Assurément les bémols de l'opus.
A l'issue du parcours des 37 minutes de la galette, force est d'observer qu'en dépit de louables efforts relatifs au mixage et aux arrangements, malgré de nouvelles et exigeantes séries d'accords et une technicité instrumentale plus aguerrie aujourd'hui qu'hier, l'offrande pêche encore par une logistique à affermir et un manque de diversité rythmique, atmosphérique et vocale. De plus, la prise de risque reste minimaliste et l'originalité du concept peu probante, même si la combinaison de styles investie aurait pu laisser présager le contraire.
Si l'évolution tant espérée n'a pas eu lieu, l'amateur du genre pourra néanmoins aller explorer un paysage de notes enjoué et plutôt agréable à défaut de pouvoir, pour l'heure, figurer dans les annales. C'est dire qu'un réel potentiel technique et mélodique s'esquisse déjà, ce qui ne dispense nullement le combo polonais d'efforts supplémentaires à consentir quant à l'octroi d'une meilleure qualité de sa production d'ensemble. Sans quoi, la bande des six ne pourra espérer faire partie des valeurs montantes de son registre metal d'affiliation ; position pourtant appelée de leurs vœux par nos gladiateurs...
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