Mais comment ont-ils fait pour choisir un nom pareil ? Très représentatif du mouvement thrash, et incarné par les valeureux
Tankard, le thème de l'alcool ne correspond que très partiellement au thrash aiguisé des Montréalais de
Alcoholator. L'erreur de les confiner à un groupe de rigolos bas du front serait très dommageable pour eux, mais aussi pour les fans de thrashmetal qui ne verraient qu'un groupe de plus dans le maelstrom de sorties mensuelles. Déjà auteur d'un premier disque en 2011, le moins qui puisse être dit, c'est que le groupe a bien mûri, si l'on en croit la chronique de l'album précédent présente sur le site.
Porté par une introduction rythmique loin d'être inutile (ça change), et caractérisant parfaitement la montée en puissance recherchée,
Escape from Reality combine le meilleur de la scène thrash/crossover New Yorkaise (
Anthrax,
Cro-Mags, M.O.D.) et une agressivité toute teutonne (
Kreator, par quelques breaks et la voix aboyée de Matt
Butcher - patronyme référence à
Destruction, bien sûr). Ainsi, dès le titre éponyme succédant à "
Punch Drunk", la mise en place des deux éléments se réalise.
Alcoholator a le bon goût de varier les plaisirs, et sur des tempi tantôt effrénés (le premier
Warbringer n'est pas loin
Violator non plus), tantôt propre à des mosh-parts toutes Scott-Ianesques, les titres se succèdent sans fausse note ou remplissage peu inspiré. Le cœur du disque, notamment, est une réelle boucherie de crossover, la triplette "The
Bleeder /
Out Of Control /
Molotov Cocktail" renvoie directement à un groupe comme PowerTrip, que les connaisseurs apprécieront. En détail, sont tout bonnement remarquables la puissance dans la partie centrale de "The
Bleeder" et sa double grosse caisse enchaînée avec des breaks dantesques, ou l'hommage au punk/rock avec le riff principal de "
Out Of Control" (clin d'œil à
Bad Religion, bien sûr) suivi d'une mosh-part toute basse en avant. Mais aussi l'inspiration sur le début Cro-Magesque de "
Molotov Cocktail", implacable morceau combinant à merveille les deux scènes thrash /crossover, comme aux plus belles heures de la fin des 80's, ligne de basse en première ligne, comme souvent dans l'album. Un régal.
Alcoholator alterne avec aisance les deux styles, de manière à peu près équitable, en fonction des morceaux, et avec la même dextérité. Les plus furieusement thrash (le terrible "Plastic
Surgery" et son riff qui lance la machine après une minute de mosh-part digne d'Among The Living, suivi d'un break incisif à 3'20" propre à démonter n'importe quelle nuque constitue un titre-référence : si quelqu'un veut découvrir le thrash, il pourra en avoir une bonne idée en commençant par ce morceau) sont aussi des hymnes, et les soli ne donnent pas leur part aux anges (celui de "
Dictator" est remarquable). Difficile dès lors de trouver un défaut palpable à ce disque. Les "uh" piqués à Tom G.
Warrior font même, ça et là, leur apparition, prouvant le bon goût de ses apprentis thrashers, comme sur le pont acoustique de "Fuck Your
Skull" qui fera penser à l'intro de "
Beneath the
Remains". Bref, rien à jeter, et surtout pas les breaks et les backing vocaux ("
Human", que ne renierait pas le jeune Mille Petrozza de 1989, ou "
Cursed By My
Thirst" aux variations de rythmes définitifs), chers au style, ici totalement représentatifs de ce qu'est le thrashmetal. Tout juste pourra t-on relever un ou deux titres simplement moins marquants, et encore. La qualité de composition est l'atout majeur du disque, aucun plan ne semblant ici "collé" maladroitement, et faisant ainsi toute la sève du disque.
Au moins aussi bon que le récent
Ultra-Violence (ce qui n'est pas peu dire), et un bon cran au-dessus des
Angelus Apatrida ou autres
Havok et même s'ils n'inventent rien, les Québécois de
Alcoholator ont sorti un disque tout bonnement excellent, propre à fédérer n'importe quel porteur de veste à patches ou fan des groupes cités dans la chronique. Alors, passons outre la pochette quelconque, les titres des morceaux en forme de clin d'œil, et l'humour potache revendiqué par le nom du groupe. Nos Québécois valent (beaucoup) mieux qu'une bière engloutie à la va-vite. On parie qu'il se retrouve en bonne place dans les classements 2015 ?
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