La pérennité d'un projet musical est souvent affaire de composition, savoir se dépêtrer des tensions entre membres de groupe, trouver à plusieurs une ligne directrice, éviter la guerre des ego.
L'une des manières aisées de contourner ce genre d'obstacle est de tout faire par soi-même et d'assurer l'intégralité de sa musique seule, ce qui permet d'exprimer exactement ce que l'on veut. Cette activité est assez fréquemment réalisée en parallèle d'un groupe principal mais il arrive parfois que le projet initialement parallèle passe devant les autres et offre à l'artiste impliqué une vraie reconnaissance. C'est le cas de
Germ, qui peut désormais arborer un statut de jeune pousse prometteuse au sein de l'écurie
Prophecy Records, grosse référence en termes de musique assimilée black atmosphérique, après deux premiers albums, sortis chez les plus confidentiels Allemands d'Eisenwald Tonschmiede.
Le leader en présence ici est l'australien Tim Yatras, qui n'est pas franchement un inconnu de cette scène, en tant qu'ancien membre du duo
Austere, combo défunt de tout premier ordre et également impliqué dans la création du «
Torn Beyond Reason » de Woods of
Desolation, autre one-man band culte de la scène. Le garçon est initialement un batteur (ce qui a un net intérêt dans le contexte du projet solo, nous y reviendrons) et a fait ses armes dans nombre de combos locaux plus ou moins connus dans diverses styles : le power avec
Lord ou
Ilium, le black metal plus classique avec
Nazxul ou
Battalion, mais dernièrement, c'est plus vers le black atmosphérique et les milieux post que ses projets tendent (
Autumn's Dawn, Inclemency et donc,
Germ)
Dès son premier album, l'excellentissime mais très contesté «
Wish », le projet affirmait une réelle identité avec un aspect électro omniprésent tout à fait à part dans la scène black atmosphérique qui avait entraîné moult critiques mais qui, selon moi, rendait à l’œuvre tout son intérêt. Il avait été suivi de «
Germ » dès l'année suivante, un bon album toutefois nettement plus conventionnel.
Trois petites années d'attente pouvaient nous faire croire que le bonhomme aurait puisé dans son sac (celui dans lequel il a plus d'un tour) pour ressortir un album plus à part, retrouver des influences multiples et revenir en arrière vers ce que fut «
Wish ». De ce côté, ça ne sera pas vraiment le cas, à l'image de son artwork assez bateau et conventionnel, probablement l'un des moins bons du groupe (ceux de «
Wish » et de «
Loss » l'EP ayant suivi n'étaient pas de la plus grande beauté, mais détonnaient au moins dans le contexte black du groupe).
Musicalement, après une introduction orchestrale/boîte à musique, on rentre dans le vif du sujet dans du black shoegaze de premier cru et surtout tout à fait dans la (récente) tradition. La quasi totalité des riffs de base de guitare ont ce côté lumineux et romantique que l'on retrouve chez
Alcest. Il y a aussi ces passages pseudo-clairs même s'ils sont moins fréquents que dans l'oeuvre des Français. Il n’empêche qu'à l'écoute de passages comme l'introduction d'« Under Crimson Skies », difficile de ne pas faire le rapprochement.
La production maison sert parfaitement le propos et est assez proche des standards de ces productions black moderniste, à la
Deafheaven parfois, petits passages de claviers ou d'effets de cœur sous-jacents pour amener une dimension un peu plus épique, effets étouffés de la voix dont on ne parvient pas à distinguer les textes. Cette dernière navigue entre une voix hurlée inhumaine la majeure partie du temps très black dépressif, et des passages en voix claires d'un niveau moyen avec quelques errements en termes de justesse, mais sans être choquants non plus. Le tout rappelle à ce niveau-là
Austere, combo précédent du groupe.
Le niveau technique, même si on n'est pas là dans de la musique démonstrative, est plus que correct pour un one-man band avec des parties de batterie blastées notamment sur « With the
Dead of a B
Lossowing Flower » qui profitent nettement du statut de vrai batteur de Yatras, en ce sens où elles seraient probablement quelque peu indigestes réalisées par des boites à rythme.
L'aspect électro a été totalement rayé de la carte, et il est probable que la musique du groupe aura tendance à plus faire l'unanimité, du black shoegaze avec quelques touches plus dépressives à la
Harakiri for the Sky, bref tout à fait de quoi faire adhérer un certain public. Après, ce n'est pas une surprise, au sens où «
Grief » avait très largement entamé ce processus et mis en avant l'attrait de son leader pour cette scène (avec notamment la présence d'Audrey Sylvain d'«
Amesoeurs » et «
Peste Noire » en guest sur le titre « Butterfly »).
Quelques titres sortent du lot notamment le très efficace «
I'll Give Myself to the Wind » ou le très doom «
Closer », titre de conclusion qui rappelle
While Heaven Wept.
Avec cet «
Escape »,
Germ fait probablement un vrai pas en avant vers la reconnaissance, et il faut avouer que cet album regorge de qualités et de titres d'un très bon niveau. Le nouveau statut du groupe comprenant a priori des performances live (le groupe est programmé à la
Prophecy fest) devra être confirmé par les fans mais on ne voit guère de raisons pour que cela ne fonctionne pas.
Cependant, de mon point de vue, il persiste une certaine nostalgie par rapport à un «
Wish », puisque loin de ses improbables et jouissives pérégrinations electro,
Germ ne se comporte désormais plus que comme un très bon
Alcest-like...
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