Nouvel entrant dans l'antre metal mélodico-symphonique à chant féminin, Dreamferno s'est également tourné vers des horizons parallèles, dont le metal atmosphérique gothique, avec quelques emprunts au pop-metal aux teintes orientalisantes en substance, pour nourrir ses compositions. Ce faisant, dans leur projet, on retrouve ainsi mêlées des influences de groupes relevant d'univers aussi divers que
Nightwish,
Amberian Dawn,
Epica,
Lacuna Coil, Blackmore's
Night ou encore
The Gathering. De plus, le collectif nord-européen a orienté ses efforts vers un original patchwork investi de séries d'accords peu convenues, sous couvert d'harmonies plutôt avenantes sans se montrer trop alléchantes, laissant ainsi augurer quelques chemins peu empruntés par une concurrence au demeurant de plus en plus agressive.
Cet inspiré quintet finlandais originaire de Juva, initialisé en 2007, après de nombreux soubresauts, n'a stabilisé son line-up que 7 ans plus tard, soit quelques mois à peine précédant cette première offrande. Ainsi, le guitariste et vocaliste Samuli Rimmi (Sharrowe, ex-Afterblood) et le bassiste Juha Pärnänen (Sharrowe), cofondateurs du projet, rapidement rejoints par le guitariste Joonas Marjo et le batteur Antti Pöllänen (venu en remplacement de Teemu Karppinen) et, plus récemment (en
2012) par la frontwoman à la voix claire et non lyrique Enni Rautiainen, ont témoigné d'un travail minutieux et déjà abouti en studio. Un mix équilibrant les parties instrumentales et vocales doublées d'une qualité d'enregistrement de bonne facture, avec un soin particulier apporté aux finitions, convainquent de les suivre au fil des 44 minutes de la dynamique et romantique rondelle sur lesquelles se succèdent 8 pistes de nature et de durées hétérogènes.
Tout d'abord, le quintet nord-européen nous cale au sein d'une délicieuse agitation frénétique d'où se perçoivent de magnétiques champs de contrastes stylistiques et rythmiques. Classiquement, une laconique entame cinématique sur fonds d'ondulantes nappes synthétiques s'offre à nous sur le titre éponyme de l'opus. Ainsi, la minute de «
Equilibrium » aux arrangements nightwishiens se pose comme un avenant et imposant préparatif au spectacle épique qui se profile. A commencer par son voisin de bobine, le sémillant et contrasté « Foul
Dreamer » qui, eu égard à une densité orchestrale et une dynamique d'ensemble dans le sillage d'
Epica, révèle moult ralentissements rythmiques et parallèlement une finesse de frappe et des harmoniques propres à un pop-metal de bon aloi. Ce faisant, on évolue sur une agréable sente mélodique, que l'on subodore travaillée en profondeur, mise en exergue par les aériennes volutes d'une sirène à l'appel de laquelle il sera difficile de résister, notamment sur un refrain immersif à souhait. On retiendra aussi l'entraînant « Last Days of Innocence », aux faux airs d'
Amberian Dawn (seconde mouture) laissant virevolter un synthé conjointement à une rythmique resserrée. Celui-ci nous octroie de savoureux couplets que relayent des refrains catchy qui ne rateront pas leur cible. Une ligne mélodique simple en apparence recèle de fines ciselures et une exigence d'écriture n'autorisant aucune approximation dans sa restitution. Dans cette piste fringante aux allures d'un hit dotée de rayonnants gimmicks à la lead guitare, la déesse, par ses patines angéliques, un tantinet graveleuses, se montre à son aise et nous touche au final. Quant à l'opératique « Ego Veritas », il délivre une détonante force de frappe corroborée à des riffs effilés que suit un duo mixte en voix claires, celui-ci investissant les lieux d'une manière certes classieuse mais octroyant d'insoupçonnées variations. On y perçoit également les caverneuses infiltrations d'un growler qu'on n'attendait pas mais qui ajoutent une pointe de sel à un brûlot dans la veine d'un
Nightwish des premiers élans.
Autre domaine dans lequel le combo finlandais marque ses points, celui des pièces en actes qui sont autant de longues tirades laissant exploser le génie créateur. Ainsi, deux amples messages musicaux nous sont adressés selon deux modes d'expression singuliers soit, deux manières différentes de nous rallier à sa cause. D'une part, «
Morningstar », altier propos, pléthorique en arrangements que l'on croirait sortis d' « Oceanborn » de
Nightwish, livre une imposante fresque de près de 11 minutes, aux multiples péripéties et suivant un cheminement mélodique empli de nuances mais qui jamais ne s'affadit. Offensif et vitaminé jusqu'au bout des ongles, cet épisode sait aussi calmer le jeu à l'aune de petits ponts technico-mélodiques bien sentis et de breaks opportuns. Cette pièce en actes offre un vaste champ de contrastes rythmiques ainsi qu'un captateur solo de guitare, sans oublier les fondantes inflexions d'une romantique créature sachant se faire prédatrice à ses heures. En dépit de sa longueur, par son envoûtante ambiance orientalisante et son sémillant et martelant tapping, cette lumineuse plage est apte à maintenir l'intérêt du chaland de bout en bout. Second morceau à tiroirs, « Fracture » impose lui aussi ses 11 minutes, avec une empreinte pop-metal plus marquée accolée à un zeste metal atmosphérique gothique dans la lignée de
Lacuna Coil, entonnées en toucher par la douce. Sur le schéma de la Belle et la Bête, cette foisonnante tirade aux forts contrastes vocaux évolue progressivement sur des charbons ardents. Abondant en effets de surprise, élargissant le champ des possibles atmosphériques, cette opulente saignée suit un cheminement mélodique partiellement linéaire bien qu'engageant. Toutefois, on suit le déroulement de cette roborative et frondeuse livraison sans encombres, tant les changements de tonalité et l'unité d'ensemble inspirent le respect, cette partition témoignant d'un travail en studio des plus éprouvants. Le groupe fait mouche dans ce vaste espace d'expression.
Lorsqu'elle ralentit la cadence, la sarabande ne s'est pas montrée des plus malhabiles, loin s'en faut. Ainsi, une ample instrumentation au suave parfum d'Orient inonde l'énigmatique «
Delirium », saisissant mid tempo dans la veine de « The Divine
Conspiracy » d'
Epica. Rejointe par son acolyte masculin en voix claire, la maîtresse de cérémonie, à la manière de
Eyes Of Eden, parvient à encenser le tympan d'un battement de cils, en dépit d'une route mélodique un tantinet linéaire. Mais, nos acolytes ont également su nous aspirer plus immédiatement encore à l'aune des mots bleus savamment accouchés sur l'unique moment tamisé de l'opus. Somptueuse et sensible aubade en piano/voix, « Swaying in the
Wind » se pose ainsi tel un frissonnant instant de féerie, jouissant d'accords judicieusement placés que pourraient bien lui envier
Leaves' Eyes,
Within Temptation et autres
Delain. Dès les premières vocalises de la belle, elles-mêmes secondées par de délicats arpèges au maître instrument à touches, une onde vibratoire nous étreint. L'émotion est assurément au rendez-vous de cet intimiste moment dont on pourra simplement regretter le manque d'allonge.
Sans réinventer le genre, nos compères sont néanmoins parvenus à harmoniser les tendances stylistiques comme les sources d'influences exploitées, déjà partiellement digérées. On découvre alors une auto-production soignée ayant valeur d'essai mais qui, pourtant, rend compte d'un potentiel technique avéré et d'une maturité compositionnelle certaine. Sans démonstration ostentatoire ni tentative de séduction fortuite, le groupe est apte à éveiller en nous d'authentiques plaisirs, preuve de la sincérité de son introductive proposition. Les amateurs de ses maîtres inspirateurs y trouveront de quoi se sustenter, et, aux fins de plusieurs écoutes circonstanciées, il se pourrait bien que la magie opère. Bref, on effeuille ainsi un premier effort susceptible de propulser ses auteurs parmi les valeurs montantes de son registre metal d'affiliation. C'est dire qu'il se pourrait que l'on soit au premier épisode d'une longue série...
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