Parfois, les projets artistiques d'une même formation se succèdent sans pour autant se reproduire à l'identique. Dans cette logique,
Veil Of Delusions serait un prolongement, mais pas un clone, du projet metal symphonique dénommé Desolace Divine, porté entre 2010 et 2015 par Martin Vos (guitare, grunts et choeurs), Xander ten Boden (guitare), Jeffrey Wennekes (basse) et Rob Reijs (batterie). L'enchaînement vers la création de leur nouveau groupe s'est rapidement opéré, le combo néerlandais originaire de Oss comptant dès lors dans ses rangs la frontwoman Zoë Tilly, interprète au timbre chatoyant, non lyrique, oscillant entre Cristina Scabbia (
Lacuna Coil) et
Sarah Jezebel Deva. Une mutation vocale (schéma de la Belle et la Bête) qui s'est accompagnée de légères retouches stylistiques, le collectif batave allant désormais du sympho gothique au death mélo, appelant de ses vœux une palette étoffée de sources d'influence, oscillant entre
Lacuna Coil,
Angtoria,
Autumn,
Nightwish et Kelmah.
A l'heure où sévissent
Epica,
Nightwish,
Delain et autres
Xandria et
Leaves' Eyes sur la scène metal sympho gothique internationale, difficile pour les jeunes recrues de se frayer un passage, et encore plus de pouvoir soutenir la comparaison. Conscient des enjeux qu'implique un tel investissement, le quintet s'est laissé précisément le temps de peaufiner ses arrangements et d'asseoir son projet sur une production assez propre, accusant toutefois un sous-mixage des lignes de chant et des finitions lacunaires. Et ce, à l'instar de ce «
Echoes of
Dawn », introductif album full length où s'enchaînent 11 titres sur un ruban auditif de 47 minutes, dont leurs deux singles « The Chase » et « Across the Sky » ; tous deux réalisés lors et pour de nombreuses tournées et concerts à l'échelle européenne (FemMe Battle,
Amsterdam Metalfest 2016...). Fort de l'expérience scénique et studio et du talent de chacun de ses instrumentistes, à l'aune de cet effort, le combo peut-il d'ores et déjà caresser l'espoir de faire partie intégrante des valeurs montantes du metal symphonique gothique ?
Lorsque le collectif combine sympho gothique et death mélo, il réserve quelques surprises qui sauront éveiller d'authentiques plaisirs. Dans cette mouvance, la nightwishienne, cinématique et brève entame instrumentale «
Echoes of
Dawn » ouvre les hostilités, enchaînant sur «
War Begins », tempétueux et vibrant titre gothique progressif à mi-chemin entre
Lacuna Coil à l'époque de «
Dark Adrenaline » quant à ses harmoniques et
Kalmah pour sa touche death mélo. De ce méfait, on retiendra surtout un refrain certes convenu mais catchy, entonné avec aplomb par une sirène bien inspirée, mais quelque peu desservi par des growls inappropriés. Quant à « The Chase », il nous bouscule tant par ses frappes sèches et ininterrompues de fûts que pas ses riffs, véritables rouleaux compresseurs tels ceux d'
Epica. Dans cette tourmente, cette fois, le duo mixte en voix de contrastes parvient à encenser, et dans la durée, le pavillon.
Dans une énergie nettement plus sympho-gothique que death mélo, nos acolytes ne se sont pas montrés maladroits non plus, loin s'en faut. Ainsi, dans la lignée d'un
Angtoria estampé «
God Has a Plan for Us All », le saillant et mystérieux «
Together for
Glory » se dote de riffs dévastateurs et roulants, d'une rythmique incendiaire et de gimmicks guitaristiques aisément mémorisables. Sous-tendu par les attaques en voix de poitrine de la déesse, dans le sillage de
Sarah Jezebel Deva, l'effort aimante sans efforts le tympan, à commencer par un refrain immersif, un poil convenu mais sans sucre ajouté. En y ajoutant une touche de
Lacuna Coil, l'entraînant « Fields of Dragons » pousse sans sourciller au headbang, lui aussi, au regard de son juteux refrain entonné avec ferveur par la maîtresse de cérémonie. Tortueux et chavirant, l'énigmatique « Across the Sky », quant à lui, nous embarque dans un champ de turbulences proche de celui de
Lacuna Coil avec un zeste d'
Autumn (première mouture) eu égard à ses captatrices séries d'accords et duquel il s'avère difficile de s'extraire une fois les premiers passages digérés.
Sachant jouer sur les effets de contrastes vocaux, le quintet nous livre quelques moments bien sentis. Il nous le prouve à l'instar du frondeur « They Wonder » qui, par son growler aiguisé, nous glace le sang au moment où sa comparse vient réchauffer l'atmosphère de sa chatoyante empreinte. Un titre lacunacoilesque avec une touche de
Kalmah, jouant habilement des contrastes, qui ne manque ni de tranchant pour nous lacérer le tympan, ni d'armes de séduction pour nous retenir, à l'aune d'un entêtant refrain. Sur une cadence effrénée, à la manière de
Lacuna Coil, avec une touche black de
Dimmu Borgir, « Desperation », pour sa part, dissémine ses riffs secs en tirs en rafale et une basse vrombissante à l'énergie difficile à contenir. On est bringuebalé, bousculé et au final on headbangue sous le feu des attaques de la belle conjuguées aux growls coupants de son acolyte.
Par ailleurs, certains passages se sont avérés moins accessibles, répondant pour l'essentiel aux attentes d'un public orienté death mélo. Up tempi incandescents, c'est sans concessions que « Last Generation » et «
Shadow of Myself » nous lacèrent le pavillon par leurs riffs assassins et leur basse claquante. Dans le sillage de
Kalmah, à l'image de « For the Revolution », une succession d'uppercuts émanant d'une double caisse meurtrissante nous est assénée. Propageant une onde de choc bien difficile à contenir, l'un comme l'autre empruntent cependant des chemins de traverse mélodiques susceptibles de désarçonner les moins aguerris du genre. Parmi les passages les moins efficaces, et en dépit d'un saisissant solo de guitare, se place le tumultueux «
Black Wings » ; accusant une intarissable linéarité mélodique et des harmoniques on ne peut plus plates, adjoints à un riffing sans réelle saveur, ce morceau ne pourra se soustraire à la déroute du chaland.
Ainsi, le combo batave nous octroie une œuvre résolument pugnace, émoustillante, parfois excessive, forte en contrastes, et combinant harmonieusement les styles. Signant une proposition bien inspirée, affranchie du joug de ses maîtres inspirateurs et témoignant d'une technicité judicieusement mesurée, le groupe devra néanmoins affiner la qualité de sa production d'ensemble, fluidifier encore ses lignes mélodiques, diversifier ses atmosphères et ses exercices de style pour pouvoir s'imposer auprès des aficionados, de plus en plus nombreux, du genre. A l'aune de cette galette, le combo renseigne clairement sur ses intentions et convainc par ses prestations, affichant un réel potentiel, qu'il lui faudra encore exploiter pour s'illustrer plus largement dans un registre toujours plus concurrentiel. Bref, pas encore une valeur montante, mais on s'y achemine, assurément...
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