Sur la scène metal industriel française,
Jenx est un groupe qui a, comme on dit, "de la bouteille". Le quintet aquitain s'est en effet formé il y a plus de dix ans et compte déjà deux full-length à son actif. En ce début 2014,
Jenx s'apprête à révéler un projet ambitieux, une démarche d'introspection à laquelle peu de groupes se sont livrés. Cette démarche porte un nom :
Drift et a pour instigateur majeur un homme : Lyynk.
Revenons en
2012.
Jenx sort alors son deuxième album,
Enuma Elish, puis entame une tournée nationale pour défendre le disque sur scène. Là où d'autres artistes auraient cherché à prolonger cette voie toute tracée, les bordelais décident de sortir des sentiers battus. Lyynk, claviériste et programmeur du groupe décide de reprendre une partie de la matière d'
Enuma Elish et d'en faire quelque chose de différent, exportant le tout dans un univers définitivement électronique et profondément expérimental.
Drift verra donc le jour sur le label M-Tronic, spécialisé dans la musique électronique, agrémenté d'un artwork sobre reprenant quelques éléments de celui dont il est issu. Le disque offre six pistes pour quarante minutes et bénéficie d'un agencement original, Lyynk ayant cherché à "ressusciter" l'esprit des albums de prog rock des 70's, avec une première piste étendue faisant office de face A et cinq autres morceaux au format plus "classique" dans le rôle de la face B.
Et à vrai dire le premier titre (au nom si adéquat) pourrait presque faire l'objet d'une chronique à lui seul tant la richesse et la densité des ambiances ainsi que le travail fourni y sont impressionnants. "Inner View" propose une sorte de "medley" halluciné des morceaux d'
Enuma Elish, dont il intègre des samples. Cette première approche se veut déjà très expérimentale, alternant entre des passages "bruitistes" délirants et des plages presque ambiantes sublimes, comme pour traduire tour à tour les tourments de l'esprit et ses phases d'apaisement les plus complètes.
Lyynk a souhaité amener la musique de
Jenx dans un univers résolument électronique. Les claviers et autres machines remplacent ici les instruments "classiques" sans que l'on ne perde cependant ni puissance, ni authenticité. Dans la seconde partie d'album, on a le droit à des versions réarrangées de certains titres d'
Enuma Elish, prenant plus ou moins de libertés avec les originaux. Si les vocaux chaleureux de Xav
Jenx sont conservés, si le groove imparable de certaines compos demeure présent ("
Chain Of Labor"), les beats remplacent la batterie, les claviers et samples imitent parfois les riffs et le tout possède un côté profondément déstructuré et expérimental.
Mais là où réside la prouesse majeure de Lyynk et de
Drift, c'est dans la cohérence et la mise en place magistrale de l'album. Je dois avouer ne pas être féru de musique expérimentale et il m'a fallu quelques écoutes pour rentrer dans ce disque. Mais une fois apprivoisé, on ne peut que s'incliner devant une telle maestria. Chaque passage arrive à point nommé, l'enchaînement de parties à première vue contradictoires s'effectue avec une fluidité remarquable. L'intégration notamment de quelques plages sonores d'une subtilité renversante ("The
Loss" à partir de 3:17 jusqu'à ces sonorités orientales) permet d'aérer les titres et d'augmenter encore la cohérence de l'ensemble.
C'est finalement "Renewal", piste instrumentale, qui clôt l'album comme il se doit, offrant un finish lancinant de toute beauté.
Drift est donc un projet profondément abouti et l'on ne peut que saluer le talent de Lyynk d'une part, ayant su insuffler une vie propre à ces pistes électroniques, l'initiative de
Jenx de l'autre, risquée mais hautement bénéfique. Au delà d'une note parfois insignifiante, au delà même d'un simple album,
Drift se veut une expérience musicale à part entière dont chaque auditeur aurait vraiment tort de se priver.
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