En 2021, les ex-
General Lee s'offraient un nouveau départ, sous le patronyme de Junon, concrétisé par un EP quatre titres, "
The Shadows Lighten". Près de trois ans plus tard, le temps est venu de voir avec ce premier album quelle forme définitive il a choisi, du moins pour l'instant.
Le sextet est resté presque inchangé, avec Arnaud Palmowski au chant, les trois guitaristes Fabien Zwernemann, Alexis Renaux et Martin Catoire, et pour la section rythmique le batteur Florian Urbaniak et Vincent Perdicaro à la basse, si ce n'est que ce dernier est remplacé par Clément Decrock (ex-batteur de...
General Lee, on reste en famille) pour les concerts.
La composition de l'album a pris deux ans entre 2021 et l'enregistrement au Studio Sainte Marthe en 2023, les membres de Junon étant disséminés dans tout l'Hexagone. Ils se sont réunis à plusieurs reprises pour de grosses sessions de plusieurs jours à répéter, avec la possibilité de prendre du recul entre-temps et de réfléchir à ce qui avait été créé.
Ce premier LP de Junon, enregistré, masterisé et masterisé par Francis Caste, est paru chez Source Atone Records, précédé du très beau clip noir et blanc de "
Out of Suffering" réalisé par le vidéaste polonais
Chariot Of
Black Moth (
Amenra,
Napalm Death,
Unsane,…). On doit le bel artwork outrageusement rouge au guitariste Martin Catoire et Emmanuel Poteau.
S'il se situe dans la lignée de leur premier EP quatre titres aux allures Deftoniennes, il y a un changement notable avec ce premier long format. Leur musique pourrait maintenant se décrire comme un post hardcore très lourd, sombre et âpre, que les guitares au son granitique font pencher vers
Neurosis,
Amenra, ou les vieux
Mastodon. Pour rester sur la texture des guitares, je l'ai trouvée à la fois presque old school, et d'un autre côté polymorphe lorsque l'un ou l'autre des trois guitaristes apporte une diversion notable, un son ou un accord inattendu. C'est là qu'on voit, une fois de plus, le métier de Francis Caste aux manettes, de prendre le risque de se fondre dans la vision du groupe pour la projeter à travers les enceintes.
Les structures des morceaux sont simples et s'appuient sur des riffs puissants, avec parfois quelques relents de thrash (les gros chugs sur "Caught in
Hypocrisy Loops"). Le groupe a un sens bienvenu de la sobriété et ne se sent pas obligé d'en rajouter des tonnes dans la densité de notes ou les effets. De bonnes trouvailles émaillent le disque, comme ce break qui ressemble à un bug de mélodies obsédantes, qui coupe le milieu de "
Out of Suffering". Le rythme s'accélère de manière acharnée sur "
Dead Ends Lead to Somewhere", on trouve quelques notes qui vrillent un peu à la
Converge pour amener un surplus de malsain.
Deux plages plus courtes, "Segue 1 - The Final Voyage", et "Segue 2 -
Dragbody" au milieu de la galette, semblent servir d'intro aux morceaux qui les suivent. Ça sonnerait comme un concept album sans l'avouer ouvertement, et encore plus quand on lit les paroles où on suivrait de manière décousue une histoire intime réduite en miettes par l'écroulement de l'Histoire avec un grand H. Effectivement l'opus est apocalyptique dans son thème général, où l'humanité doit se retrancher sous terre pour survivre. Le désespoir et la souffrance se ressentent à chaque instant, appuyées par les screams gravement déchirés d'Arnaud Palmowski, qui module l'agressivité et la rage de belle manière. Sa façon d'utiliser la voix a beaucoup évolué depuis le premier EP, moins de pur fry scream, et plus de screaming chanté à la Joe Duplantier qui rend les gueulantes digestes et évite la lassitude.
Il y a des passages planants pour laisser l'auditeur respirer un peu, sur "Making Peace With Chaos", ou le refrain de "The Day You Faded Away" où le chant devient clair et désincarné. La surprise vient d'un dernier titre, "
Halo of
Lies" qui pèse pas moins de treize minutes, puisqu'il comporte un vrai bon ghost track ("This
Dead Place") à partir de huit minutes et quelque dix huit secondes. La vraie fin de l'histoire est cachée mais pas muette en quelque sorte.
Si l'opus est varié dans le détail, dans l'ensemble il est homogène en contenu et en qualité... presque trop, il manquerait deux ou trois titres qui se démarquent franchement pour harponner les oreilles. "Dragging..." s'écoute plutôt dans sa totalité, d'autant plus qu'il se révèle au fil des écoutes.
Junon confirme avec "
Dragging Bodies to the Fall" que son changement de nom s'est accompagné d'un véritable changement d'identité, avec une musique plus profonde, mature et nuancée, moins extrême mais pas moins ténébreuse, bien au contraire.
Quel album puissant ! Les ex-General Lee frappent très forts avec cet album.
Merci pour la chronique !
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