Cinq années soufflées déjà depuis la sortie de son troisième et sensuel album full length, «
Celestial Nocturne », et d'aucuns n'étaient alors pas loin de penser, à tort, les chances de pérennité du projet embrassé par le combo japonais à jamais envolées. Ce serait faire fi de son indéfectible motivation comme de son credo consistant à toujours se lancer avec prudence dans cette arène metal gothique à chant féminin peuplée de redoutables gladiateurs. Pour mémoire, son premier effort de longue durée, «
A Circle of Lament », ne sera réalisé que trois ans suite à sa sortie de terre, en 2005, à Osaka ; s'ensuivront deux autres de même acabit, «
Breathe Life Into the Essence » (2013) et «
Celestial Nocturne » (2016). Et s'ils continuent à ne pas chercher à essaimer leurs riffs coûte que coûte, nos acolytes ne resteront pas terrés dans une ombre pesante durant les cinq années séparant le précédent effort de son successeur, «
Downhearted », loin s'en faut. Aussi ne réaliseront-ils pas moins d'un EP, « Mellow Songs (Unplugged and the
Others) », en 2017, et de trois singles («
Greed / Name » et «
Elegy » en 2019 ; «
Calendula » en 2020) avant la livraison des 44 minutes du présent opus, signé, lui, chez 413tracks.
Dans ce dessein, le line up du précédent effort a subi un remaniement partiel : si l'on y retrouve bien Shiori Vitus, en qualité de frontwoman, Ippei Shimada, à la guitare, ainsi que Takahiro Chihara, à la basse, s'y ajoutent dorénavant Masaki Kamomiya (ex-
Hate Beyond, ex-
Rigor Mortis, ex-
Rosenfeld...), à la batterie, et Nao, à la guitare. De cette étroite collaboration émane un propos metal gothique mélodique et mélancolique, soit, dans la ligne atmosphérique du précédent mouvement. Aussi effeuille-t-on un set de 10 partitions où les vibes de
Liv Moon,
The Flaw,
Sentenced, ou encore de
Krypteria s'inscrivent, là encore, au sein de certains arpèges d'accords de la galette. A l'instar de son devancier, côté production, l'opus jouit d'un enregistrement de bonne facture et d'un mix bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation. Ce faisant, un bis repetita à l'exclusion de toute autre alternative, qui, précisément, lui conférerait toute son originalité, serait-il à attendre à la lecture de ce nouvel élan ? Mais entrons sans plus attendre à bord du navire pour une quatrième croisière en eaux profondes, que l'on espère ponctuée d'ilots d'enchantement...
A l'aune de son aîné, s'il ouvre le bal en douceur sur une brève mais grisante entame instrumentale gothico-progressive, «
Solstice », le méfait ne saurait s'y réduire exclusivement, tant s'en faut. Ce qu'atteste déjà son plus proche voisin, «
Live Your Own
Life », un sanguin effort symphonico-gothique à mi-chemin entre
Liv Moon et
Sentenced ; pourvu d'un refrain immersif à souhait mis en exergue par les sensuelles inflexions de la sirène et d'un break opportun que balaiera prestement une bondissante et galvanisante reprise, le ''tubesque'' effort ne se quittera qu'à regret. Un poil moins incisif, le tonique « Black
Swan » ne recèle pas moins une énergie aisément communicative sur fond de sémillantes séries de notes ; une entraînante et gracieuse offrande investie de passages aux faux airs d'une doucereuse ballade, témoignant d'enchaînements intra piste ultra sécurisés, incitative à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée.
Quand la cadence de ses pas se fait un poil plus mesurée, le collectif trouve à nouveau les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce que prouve, en premier lieu, « This Lamentation », ''livmoonien'' mid/up tempo aux riffs crochetés, à la lumière de l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre, de l'incursion d'un violon mélancolique et des félines impulsions de la déesse. Et ce n'est pas le vibrant solo de guitare décoché à mi-morceau qui nous déboutera davantage de ce hit en puissance. Dans cette dynamique, le ''krypterien'' «
Elegy » se greffe, lui, sur une sente mélodique des plus enivrantes qu'empruntent les troublantes oscillations de la princesse. S'enorgueillissant en prime d'un pont techniciste bien amené et surmonté d'un fin legato à la lead guitare, ce ''chevaleresque'' hit en puissance laissera assurément quelques trace indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Et comment ne pas se sentir porté par le frissonnant refrain jaillissant des entrailles de «
Calendula », vibrant effort pop metal gothico-symphonique à la confluence de
Liv Moon et de
Krypteria ?
Lorsqu'ils nous mènent en des espaces plus tamisés, nos compères en profitent pour nous adresser leurs mots bleus les plus sensibles, et ce, de deux manières différentes, non sans parvenir à générer la petite larme au coin de l'oeil. Ce qu'illustre, d'une part, « The
Immortal Light », une ballade romantique jusqu'au bout des ongles comme ils en ont le secret. Glissant le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent les magnétiques médiums de la maîtresse de cérémonie, et se chargeant en émotion au fil de sa progression, l'instant privilégié ne saurait être esquivé par l'aficionado de moments intimistes. Dans cette mouvance, on ne pourra davantage opposer une quelconque tentative de résistance aux vibes enchanteresses insufflées par «
Corrupted », low tempo progressif tout en délicatesse et aux riffs émoussés, que n'aurait nullement renié
Liv Moon. Mise en habits de soie par l'ensorcelant vibrato de la belle, et jouissant parallèlement d'une saisissante gradation percussive doublée d'une poignante densification du corps orchestral, la tendre aubade ira jusqu'à faire plier l'échine à plus d'une âme rétive. Enfin, aux airs d'un slow qui emballe, le sensuel «
Greed » pourra à son tour aspirer le tympan du chaland sans avoir à forcer le trait.
Dans cette veine et en réponse à un souci de diversification en matière d'exercices de style, la troupe place une substantielle pièce instrumentale sur notre route. Ainsi, «
Catharsis » se pose telle une ballade à la colorature symphonico-cinématique d'une sensibilité à fleur de peau ; arc-bouté sur un grisant riffing, inscrivant d'insoupçonnées et prégnantes variations rythmiques dans sa trame, nous gratifiant concomitamment de soyeux et pénétrants gimmicks guitaristiques tout en se calant sur une mélodicité toute de fines nuances cousue, l'espace ouaté n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense, et se jouer des nôtres !
Pour son retour dans la course, le combo japonais signe une œuvre à la fois pulsionnelle, rayonnante, charismatique, fortement chargée en émotion, et reposant, une fois encore, sur une ingénierie du son particulièrement soignée. Bien plus varié sur les plans atmosphérique et rythmique que vocal, ce nouvel élan pourra dès lors frustrer l'amateur de duos et autres joutes oratoires en voix claires et/ou de contraste. Cela dit, en dépit de prises de risques encore bien timides, mais reposant aussi bien sur une technicité instrumentale affermie que sur une signature vocale aisément identifiable et des plus magnétiques, ce nouvel élan offrirait une arme de jet suffisamment effilée pour permettre à nos gladiateurs d'opposer une farouche résistance à leurs opposants, toujours plus nombreux à affluer dans cet espace metal. Autant d'atouts auxquels s'ajoutent des mélodies éminemment enveloppantes, renvoyant chacune à la féconde inspiration de leurs auteurs. Bref, un quatrième mouvement aussi troublant que pétri d'élégance, susceptible d'asseoir encore un peu plus la troupe nipponne parmi les valeurs confirmées de son registre metal d'affiliation. Un groupe à suivre de près, donc...
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