Avec ses douze côtés, le dodécaèdre que les Néerlandais ont pris pour emblème et comme patronyme, est un objet qui ne se laisse appréhender ni apprécier facilement.
A l’instar du Rubik’s cube (qui en est l’application ludique), sa découverte, quoique passionnante, n’en est pas moins ardue et peut à la longue taper sur les nerfs.
Metal avant-garde, mais avant-gardiste surtout,
Dodecahedron propose une musique pas facile pour métalleux difficiles, un bain de dissonances et de coups tordus, dont l’ambiance cosmique frôle plus d’une fois la psychiatrie pure et dure.
La découverte de cet opus provoque un malaise étrange et captivant, grâce à la structure labyrinthique à souhait des compos et aux ambiances hallucinées dont elles sont généreusement parsemées.
La tension immersive ainsi produite ne peut qu’immanquablement amener l’auditeur à se poser cette question : "mais qu’est-ce que je viens d’écouter ?"
La seule réponse adéquate consiste, alors, à se replonger dans ce dédale à la subversion malade et somptueuse. Et c’est bien là la force de cet album et sa capacité hautement addictive.
Pour ce qui est des classifications stylistiques, on peut certes se contenter de « Black Avant-gardiste » mais la musique du combo ne peut se satisfaire de cette seule qualification et la cuisine mise en œuvre n’est pas avare en ingrédients.
Par le menu donc.
L’album s’ouvre sur le déconcertant « All Father » qui entremêle ambiances jazz-rock et Black chaotique, dans un canevas serré aux dissonances obstinées et obsédantes, nourries par une basse têtue dont la comptine malsaine semble s’échapper d’un asile, tout comme le chanteur. Les blasts métronomiques ou effrénés qui rythment le morceau ne contribuent pas, pour leur part, à assainir l’atmosphère, pas plus que les ambiances distillées de façon quasi subliminale (difficile de déterminer leur nature : samples, triturages soniques, électronique pure ?).
Le choc est déjà violent, et ça ne s’arrange pas sur la suite avec « IChronocrator », dont les envolées prog dignes d’Emerson
Lake and Palmer, fusionnent avec un Black à la fureur incontrôlable, dans un maelström dissonant et bruitiste peuplé de psalmodies marmonnés et d’ambiances dont le mixage plus que subtil en renforce l’impact jusqu’à la terreur.
Je passe rapidement sur «
Vanitas » à l’ambiance » Cyber
Torture Doom » effrayante et sur «
Descending jacob’sladder », délirant trip spatio-mystique, aux synthés dignes de J.M Jarre.
C’est déjà beaucoup et peut-être trop, le temps permettra de mieux juger si toute cette versatilité virtuose trouve sa place durablement auprès des auditeurs, d’autant plus que la deuxième partie de l’album constituée par le tryptique « View From Hverfell » (I,II, III), plus nuancée donne une vision de la voie que la musique du groupe peut suivre lorsqu’il maîtrise son propos et constitue à mon sens la partie finalement la plus intéressante de l’album.
De facture plus classique, ces trois pièces dévoilent un groupe qui sans abandonner totalement la dissonance, fait preuve d’une capacité à créer de très belles harmonies, tout en conservant sa violence et son impact. Mais d’une façon plus retenue, moins chaotique, qui débouche sur une vraie beauté, surtout au niveau des parties de guitares tout à coup plus déliées et méticuleuses, par certains côtés plus évanescentes aussi.
Le morceau final est tout simplement splendide, et réalise la fusion parfaite Prog/Black /Post-Rock. Un vrai petit chef-d’œuvre.
Un album qui peut séduire les fans de
Blut Aus Nord ou
Deathspell Omega ainsi que les amateurs de Black Progressif. A défaut d’être parfait, et on en demande pas tant pour un premier opus ,un album intrigant et prometteur.
Merci pour la chronique !
Pour le reste, Dodecahedron a bel et bien son feeling personnel, et ne se limite carrément pas à un DsO-like, contrairement à ce qu'on peut entendre ou lire.
Par contre, je ne vois pas trop ce que tu as voulu dire par "Metal avant-garde, mais avant-gardiste surtout"...
Surtout que je n'aurais jamais pensé aimer un truc catalogué dans le "black avant gardiste"
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