On parle d’une institution d’une chose devenant une structure coutumière. L’année dernière, les
Tagada Jones ont fêtés leurs vingt ans, vingt années à gueuler leur haine de ce monde amorphe où tout semble fonctionner de travers. Et vingt ans, ça se célèbre avec la manière, ainsi, outre une longue tournée (et un passage à Cannes !) et un CD/DVD live judicieusement baptisé « 20 Ans d’Ombre et de Lumière », les Jones viennent avec un nouvel album, «
Dissidents », remplis de 20 (!) titres et partant pour plus d’une heure de Punk Hardcore.
Instigateurs du Bal des Enragés et de la révolte sociale, les
Tagada Jones avancent année après année, peut-être en ayant quelque peu levé le pied, mais sans jamais perdre cette colère ni cet état d’esprit. Le groupe divise autant qu’il regroupe, musicalement tout d’abord, où ils se retrouvent à sortir album après album une recette foutrement puissante en live, mais assez quelconque sur une chaine audio, un punk peut-être plus linéaire sur la forme, mais surement pas sur le fond. De ce fait, ce «
Dissident » fut annoncé par Niko comme un album « plus tout ».
Plus violent, plus
Metal, plus puissant.
L’album peut se séparer en deux parties très distinctes. Les douze premières pistes se résumeront à un album pur et dur des Tagada alors que les sept dernières seront composées uniquement de featurings judicieusement choisis et de quelques bonus dont nous reviendron volontairement plus tard. Tout d’abord, place à ce
Tagada Jones pur jus : du Hardcore qui vient du cœur accompagnant l’éternel hurlement si reconnaissable du front-man, vociférant la même haine de notre société de consommation et de notre indifférence, poussant à la satire du monde, à un appel à la prise de conscience et à l’éveil.
Pourtant, ce n’est pas dans la violence que commence cet album. « De l’Amour & du Sang » débute par la voix calme et parlée de Niko, nous faisant une rétrospective brève, mais intense, de 70 ans d’histoire depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mais le calme ne dure pas, l’intensité monte crescendo, dévoilant ces même rythmiques accrocheuses et résonnantes, autour de chœur entraînant.
Ainsi, cette première partie se déroulera au gré de pistes accrocheuses et d’autre bien plus dispensable. Dès «
Instinct Sauvage », on retrouve cette rythmique Punk/HxC rapide et grasse, agressive à souhait et dont le « Regarde, Refuse, Résiste » du refrain pourrait rappeler un certain groupe Brésilien. Un « Liberticide » tout aussi rapide et classique, entouré de ces chœurs punk des plus emballants, un « Tout Va Bien » hargneux et cynique aux textes trash nous prouvant encore une fois que Niko est un parolier grandiose. « XXL » sera de la même veine avec ces roulements de batterie rapide et son atmosphère agressive et jouissivement moqueuse, dominé par une danse de basse s’accordant merveilleusement avec la voix, tant autant que « Superpunk » groovy et sa base rapide variant judicieusement tout du long, allant même jusqu’à proposer des chœurs pop délirants, alors que « Tous Unis » et son ambiance Punkcore d’un enchainement de double et de hurlement guerriers alourdira à nouveau l’ambiance.
Si des titres comme « Tout Casser » ou encore « Le Chaos » illustreront un groupe pouvant également être en pilotage automatique sur des rythmiques toujours écrasantes et agressives, parfois outrageusement bourrine et même sur un «
Dissident »-titre à la base mélodique peu inspiré (mais aux beuglements extraordinaires), notre attention se porte sur l’hommage vibrant au Bérurier Noir (et la présence de Loran) au travers de l’épatante et remuante « Karim &
Juliette ». Ce refrain simpliste, mais communicatif, cette batterie lourde et métronomique ainsi que sa base mélodique (assez convenus, certes) en feront un hymne en live. «
Vendetta » sera sans doute le titre poussant le plus à la réflexion, sous forme d’une lettre ouverte au Président de la République d’un homme s’étant fait justice lui-même en ayant tué l’assassin de son enfant, mais n’en éprouvant pas réellement de regret. La voix plus calme et implorante, la rythmique mélodique est posée et cette conclusion plus indus à la voix grave et électronique en font un titre purement accrocheur et qui ne laisse de toute évidence pas de marbre.
Après ce lourd plat de résistance, place aux desserts avec pas moins de cinq featuring très intéressant. Vincent, chanteur d’
AqME, pousse la gueulante sur « Vivre ». C’est mordant, c’est puissant, c’est agressif, la voix hurlée de Vinc’ s’accorde à merveille avec celle de Niko. Escalade dans la puissance, nous retrouvons sur « Blasphème » le Monsieur Stéphane Buriez sur un titre purement
Metal au débit rapide et mené par un mélange vocal très intéressant, plaisant d’autant plus que Buriez growl en français. Notons également la présence de Pepel, ex-bassiste des Tagada. La violence monte ensuite d’un nouveau cran avec l’apparition de notre cher Poun sur « Ni Dieu Ni Maître ». La fusion entre
Tagada Jones et
Black Bomb A est très bien emmenée, le titre est superbement rapide, la voix éraillée de Poun se mélange parfaitement avec Niko, mais je regrette (et c’est un avis purement personnel) que Poun n’ai pas chanté en français.
Lofofora et Reuno font également partie des meubles du Hardcore/Fusion Français. Nulle surprise de retrouver les deux compères pousser la gueulante avec talent sur « On Ne Chante
Pas, On Crie », hurlant auprès de la scène variété et le regard que ceux-ci posent sur le
Metal, auprès des gens qui ne prennent pas le temps de découvrir cette culture. L’ambiance rock’n’roll est des plus lourdes, la voix grandiose de Reuno, tout contribue à l’headbanging de masse. Pour clôturer tout cela, le duo est plus surprenant, puisque Guizmo, des
Tryo, fait son retour après avoir participé à « Combien de Temps Encore ? » sur l’album « Le Feu au Poudre ». Ce « Dernier Rendez-Vous » est plus posé, les deux chanteurs n’haussant pas la voix pour un ensemble mélodique et calme, un peu trop pop sur les bords, mais pas dénué d’intérêt. Le disque se termine sur trois pistes bonus, deux reprises avec la festive et «
Skin ou Keupon » de Tulaviok et celle, moins intéressante, de « I’m Hungry » de
Anti-Heros, et une version plus vintage/électro de « Karim &
Juliette ».
Alors que dire ? Les avis seront divergents, notamment tournés vers le format de l’album. Une heure pour un style Punk/Hardcore qui a, généralement, du mal à proposer des variations marquantes, ça peut sembler beaucoup. Maintenant, faire un débat pour prouver que cet album est soit généreux, soit long, n’a que peu d’intérêt. Tout ce que l’on voit, c’est que le groupe n’a pas perdu sa hargne, proposant encore une fois un message lucide et intense sur notre société au travers d’une musique entraînante et puissante qui ne laissera pas de marbre. Et si, au final, la mélodie n’est guère surprenante, la forme communicative et les multiples et judicieuses collaborations n’auront que pour seul but de nous pousser à résister à la bêtise ambiante avec ces Bretons énervés qui savent mieux que personne interpeller notre tête et notre cœur.
Les Florent Brunel du punk français, avec un petit zeste de Mano Verda également. À méditer..
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